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L’Ordre règne à Varsovie.

On aurait tort de considérer les philosophes et les écrivains, comme d’heureux phénomènes dont on apprécie les idées servies par des mots judicieux, seulement le soir sous la lampe, sans jamais transposer dans la réalité ce qu’ils écrivent.
Il n’existe pas deux mondes en matière de société, celui dont on rêve et celui que l’on vit. Il n’existe que les faits et la réflexion que ces faits inspirent aux gens de plume.
Lorsque Léon Tolstoï écrit en 1886 «pour acquérir le pouvoir et le conserver, il faut aimer le pouvoir Et l’ambition ne s’accorde pas avec la bonté, mais, au contraire, avec l’orgueil, la ruse, la cruauté. Ce ne sont pas les meilleurs, mais les pires qui ont toujours été au pouvoir et qui y sont encre. » fait-il œuvre de romancier ou de visionnaire ?
Ne voit-on pas, aujourd’hui que deux pouvoirs s’affrontent en France ?
Celui légitimé par le suffrage universel et l’autre, celui de la « rue », à savoir une minorité agissante, acteur et victime du suffrage universel ?
Se pose la question, dès lors, du fonctionnement de ce suffrage universel. Est-il compatible avec ce que Léon Tolstoï pense des hommes de pouvoir et que le suffrage universel envoie dans les Parlements pour nous diriger ?
Je sais comme on crie aux loups à chaque fois que l’on remet en question ce que nous appelons encore la « démocratie » et qui n’est plus qu’une dictature libérale. Et comme il ne se fera pas faute d’avoir contre moi ceux qui par facilité plus que par conviction me considéreront comme tenant des propos d’extrême droite, alors qu’en y regardant de près, ce ne sont que des réflexions d’un homme épris de liberté et de justice.
Aujourd’hui, l’adaptation à l’ordre régnant est tout. Il démontre son droit à régner par le seul fait qu’il règne. C’est comme si – tout en nous disant les acteurs principaux du drame qui se joue – on nous leurrait sur l’importance du rôle qui serait d’une grande insignifiance, presque de figuration, de sorte que nous nous en leurrerions nous-mêmes au point de soutenir les tyrans qui nous gouvernent.
Toute la question est de savoir si la société actuelle mérite que nous nous adaptions à elle. Si c’est le cas, les jeunes des banlieues ont tort, sinon, ce sont eux qui ont raison !
L’homme conscient de sa citoyenneté dans un ordre qu’il estime le meilleur se reconnaît en ce qu’il accepte la richesse des autres comme le mérite retiré de leur labeur. Dans le cas d’un doute supérieur sur la justice, se pose alors la question de savoir de quelle autorité se réclament ceux qui par leur seul pouvoir placent la majeure partie des citoyens dans un état d’infériorité ?
Ne conviendrait-il pas dans le second cas de repenser le pouvoir de l’argent d’une économie qui concerne tous les citoyens ?

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N’est-ce pas là une belle cause et qui justifierait toutes les violences que de construire un monde dans lequel les hommes ne seraient pas condamnés à l’inégalité ?
Certes, les iconoclastes de banlieue n’agissent qu’en aveugles dans une Saint-Barthélemy qui désigne d’abord le pouvoir absolu de l’économie comme leur première tyrannie, mais ne sont-ils pas en même temps ceux qui, fous de douleur et de rage destructrice, nous avertissent que leur précarité est à la fois injuste et prémonitoire, car elle peut être celle de tout citoyen « déchu » demain ?
L’éducation n’est pas de fourrer des programmes dans la tête des enfants à seule fin de les rendre performants dans le seul dessein économique, mais de les rendre apte à l’analyse des faits et des concepts, ce qui ne s’apprend dans aucun livre.
Pour ne l’avoir pas fait, pour être restés aveugles lors du passage d’une démocratie balbutiante à la dictature libérale, les citoyens avec leurs représentants ambitieux, sont sur le chemin de l’aventure.
Par l’absence de jugement, en cela aidé par l’immobilisme des gens de droite, nous pouvons craindre que la prophétie d’un autre grand écrivain « tous les drapeaux ont été tellement souillés de sang et de merde qu’il est temps de ne plus en avoir du tout » (Flaubert lettre à Georges Sand) s’accomplisse un jour dans un chaos où il n’y aurait plus que des victimes.
Mais nous n’en sommes pas là. Nous en sommes aux abus de jeunes enragés par la conscience de leur impuissance politique et sociale, ce qui, par réaction, provoque immanquablement les abus de pouvoir.
En attendant « Veux-tu réussir ? Sois bête et gras et rigolard ; tu atteindras des cimes » prétend Michel de Ghelderode. La « majorité silencieuse » s’y efforce. A la première fusillade elle applaudira les forces de l’Ordre tirant sur ses enfants.
Ce sera un beau gâchis, mais si c’est à ce prix que la dictature libérale conserve son pouvoir, il n’y aura pas une hésitation possible.
Comme dit jadis un autre pouvoir : « L’Ordre règne à Varsovie ».

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