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Un œuf à peler.

Pendant les fêtes pascales, j’ai usé de la zapette comme tout oisif qui se respecte.
Évidemment, impossible de rater l’événement du jour : le pape au balcon et la foule massée place Saint-Pierre.
Enrégimentés selon leur origine dans des carrés de chaises, entourés de Suisses, les fidèles s’agitaient seulement au passage des paroles du pape dans leur langue, pour retomber ensuite hébétés, avec sur le visage l’adoration muette du chien pour son maître.
C’est toute la philosophie du Gai Savoir de Nietzsche qui me revint à l’esprit.
Comment peut-on croire encore à la sagesse des hommes quand les explications mystiques considérées comme profondes, ne sont même pas superficielles ?
Et je pensais à tous ces gens sérieux, convaincus, regardant avec amour le vieillard ânonnant en beaucoup de langues différentes sa propre conviction de ce qu’il serait finalement aléatoire et improbable de désigner comme une vérité, avec plus de chances de tomber pile sur une supercherie. Et je me disais en les voyant prier avec ferveur : Comment peuvent-ils être convaincus avec tant d’assurance ? Ignorent-ils à ce point les aléas de la pensée humaine ?
Et je reconnus les effets sur eux de la prière.
« La prière a été inventée par les hommes qui n’ont jamais de pensée par eux-mêmes et qui ne connaissent pas ou laisser échapper sans s’en apercevoir l’élévation de l’âme : que feraient-ils dans les lieux saints et dans toutes les situations importantes de la vie qui exigent la tranquillité et une espèce de dignité ? Pour que du moins ils ne gênent pas, la sagesse de tous les fondateurs des religions, des petits comme des grands, a recommandé la formule de la prière, tel un long travail mécanique des lèvres, allié à un effort de mémoire, avec une position uniformément déterminée des mains, des pieds et des yeux. Qu’ils ruminent donc, pareils aux habitants du Tibet, leur innombrable « salut précieuse fleur de lotus », ou qu’ils comptent sur leurs doigts, comme à Benares, le nom du dieu Ram-Ram-Ram ou qu’ils vénèrent Vishnou avec ses mille, Allah avec ses quatre-vingt-dix-neuf appellations, ou qu’ils se servent des moulins à prière ou de rosaires, - l’essentiel, c’est qu’avec ce travail ils soient immobilisés pendant un certain temps et offrent un aspect supportable : leur façon de prier a été inventée au profit des gens pieux qui connaissent les pensées et les exaltations puisées en eux-mêmes. D’ailleurs, eux aussi, ils ont leurs heures de fatigue où une série de paroles et de sons vénérables et une mécanique pieuse leur font du bien. Mais tandis que ces hommes rares - dans toutes les religions l’homme religieux est une exception - savent se tirer d’affaire tout seuls, les pauvres d’esprit n’y arrivent pas, et leur défendre de marmotter des prières serait leur voler leur religion, comme le protestantisme réussit à le faire de plus en plus. La religion n’exige d’eux rien d’autre que de se tenir tranquilles, y compris avec les yeux, les mains, les jambes et autres organes : ainsi ils sont momentanément embellis et - plus semblables à des hommes ».
(Extrait du gai Savoir, article 128 du Livre troisième)
Et avec le philosophe, je me posai la question : « A quoi servent donc ces églises, si elles ne sont pas les tombes de Dieu ? »

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Le propre des églises, des temples, des mosquées, des synagogues n’est-il pas la systématisation de « l’erreur » des autres, pour la glorification de la pensée juste à l’endroit où elle est proférée ?
Autrement dit, les religions n’exaltent-elles pas d’abord des sentiments de haine et d’exclusion ?
Aujourd’hui, c’est la religion musulmane qui a le pompon; mais les autres ont eu aussi leur heure de gloire, leurs fous de dieu, leurs intégristes et il n’est pas trop tard que l’une cède le relais aux autres, dans une entente spirituelle dont le seul but est de traduire le plus grand nombre possible de gens devant leurs tribunaux, afin que nous recevions au nom de leurs Dieux respectifs et qui pour une fois font position commune, la raclée de bois vert que nous méritons.

Commentaires

Il faut défendre encore et toujours la laïcité mais sans arrogance. Après tout, il est normal de voir une majorité de gens tenter de conjurer leurs peurs en fuyant dans la recherche d'un au-delà fantomatique. Il faut juger une attitude à ses résultats. Si la prière leur donne un réconfort qui les stabilise, tant mieux pour eux! Mais qu'ils ne viennent pas avec des airs de faux-culs nous manipuler pour tenter de nous imposer leur calmant (leur opium, dirait Marx)! J'emmerde les ayatollahs, les rabbins et les évêques onctueux! Je ne les empêche pas de se prosterner le cul en l'air ou de s'agiter d'avant en arrière; en échange, qu'ils me foutent la paix et n'essaient pas de m'empêcher de proférer des blasphèmes salutaires!

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