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Enfin, un commerçant heureux !

-Monsieur Melchior Limbourg vous fabriquez des drapeaux à Verviers depuis combien de temps ?
-C’est la sixième génération. Nous avons fourni nos premiers drapeaux à la grande Armée. Mon arrière grand père Melchior…
-Tous les garçons s’appellent Melchior ? Comme chez les Wathelet ?
-Nous avons été les premiers, Monsieur. Du reste, j’ai fait une pétition l’année dernière pour que tous les enfants qui naissent sur le territoire de Verviers s’appellent Melchior. Ainsi, il n’y aura plus de jaloux.
-C’est Radio Laine qui m’envoie pour vos drapeaux, pas pour vos Melchior. Vous êtes de dernier drapier à Verviers et vous êtes en faillite !!!
-C’était vrai la semaine dernière. Nous avons vendu trois drapeaux belges en 2006 et deux cette année.
-Ce n’est plus vrai cette semaine ?
-On a enfin reconnu la qualité de nos drapeaux en polyester résistant, les coutures sont renforcées et les bords sont doubles. Deux trous avec oeillets métalliques sont prévus pour suspendre le drapeau.
-Je suppose que ce n’est pas pour ça qu’on vous les achète ?
- Non. Depuis quelques jours nous recevons de jeunes gens installés au Nord du pays énormément de commandes. Ils veulent des « Koninkrijk België ».
-Vous savez à quoi ils les destinent ?
-Monsieur Laine, j’étais un commerçant près de mettre la clé sous le paillasson. Un Melchior Limbourg, le dernier en exercice réduit à la fermeture !... Entre parenthèse, ce n’est pas le cas des Melchior de l’autre famille. Eux, ils se sont contentés d’en parler et ils en vivent bien du drapeau, nous, nous l’avons fabriqué, et ma femme fait des ménages. Soudain, voilà des jeunes gens qui passent commandes sur commandes, pourquoi faire ? Je n’en sais rien. Il paraît que le drapeau « Koninkrijk België » revient en force dans les Flandres. Et que j’ai remis trois piqueuses et deux biaiseuses au travail ! Monsieur Melchior Wathelet m’a téléphoné hier, pour me féliciter…
-Pardon, Monsieur Melchior Limbourg, ces jeunes gens, comme vous dites, ont mis à la mode de brûler des drapeaux belges depuis que le week-end dernier à Grand-Bigard des jeunes affiliés de la NV-A, le parti associé au CD&V, ont fait un grand feu avec nos trois couleurs.
-Ils m’ont payé, Monsieur Laine. Ce qui m’étonne, c’est qu’ils ne m’ont pas demandé des hampes, en bois évidemment. Fournis avec la hampe, ils devraient mieux se consumer.
-Mais enfin, monsieur Limbourg, ils ont profané nos couleurs ! C’est une honte ! Où va la Belgique ?
-…dans le temps, on en faisait encore en coton coloré. L’acrylique et le polyester brûlent assez vite et produisent des suies noires et qu’un moindre coup de vent disperse. Tandis que le coton !... monsieur Laine, les tissus de Verviers ne sont plus ce qu’ils étaient…
-Vous comptez les approvisionner encore ?

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-Radio laine m’en acheté un en 1978. Si vous croyez que je peux me nourrir avec vous !
-Ce sont des jeunes membres du parti de Bart de Wever. Ils veulent la fin de la Belgique !
- Une majorité de Flamands veulent maintenir la Belgique unie. Ces jeunes gens, s’ils n’avaient pas pensé brûler le drapeau n’auraient jamais eu l’occasion de saisir à bras le corps notre drapeau national, fait à Verviers, chez Melchior Limbourg !...
-Sur les photos publiées, on voit l’explorateur royal Herman Van Rompuy, en qualité de membre du CD&V, animer un atelier au cours de ce même rassemblement de Grand-Bigard !
-C’est un comble, vous me reprochez de vendre des drapeaux destinés à être brûlés sous les yeux de l’explorateur du roi ! Dites donc, monsieur Laine, c’est ainsi que vous promouvez le textile verviétois ?
-Brûlé pendant la fête nationale !
-Pour celui-là, certes, mais les autres, je les ai vendus après…
-Où allons-nous ?
-Vous, je ne sais pas, mais moi, je vais brûler un cierge à Saint-Martin, patron des drapiers, des couturiers, des tailleurs, des gantiers et des tisserands.

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