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Une question d’identité.

Aujourd’hui l’avis des télévisions tient lieu de tout. Sous prétexte d’un discours normatif, donc pseudo intelligent, la pensée est enfermée dans un cadre unique « autorisé ». Son champ est désigné d’un mot : raisonnable. Le cadre autorisé est une autocensure que régule l’opinion prépondérante établie sur trois paramètres : l’Etat (royauté, démocratie, pluralisme, etc.), les mœurs (condamnation du racisme, du sexisme, nécessité des contraintes de la loi), et les règles du capitalisme (travail, sanction sociale de l’oisiveté, morale du système).
La majorité transgresse rarement les trois règles en même temps, seule la dernière est intangible. Les autres ne se modifient pas trop non plus, mais il est admis que l’on puisse mettre en doute l’Etat et les mœurs, sans pour autant que l’on se trouve soudain menacé d’une république, comme vous pourrez tranquillement dire en privé « tapette et nègre » ; si vous n’êtes pas une personnalité, vous pouvez même courir le risque de le dire en public.
C’est le seul cas où le journaliste de radio ne vous suivra pas, sinon en vous citant avec réprobation. Le dessinateur peut transgresser cela (Kroll) ; mais il a l’excuse du rire. C’est le bouffon de cour des temps modernes.
La crise actuelle nous fait assister au procédé de décervelage. Les rédactions opèrent l’information par canevas. Les journalistes de plateau occupent l’espace, sans jamais toucher à ce qui est primitivement décidé et mis en place par l’Autorité éditoriale.
Du coup nous sommes ensevelis sous une masse de propos que nous acceptons sans vraiment chercher à comprendre ce qu’ils recèlent d’absurdités tacites, de lieux communs et de redondances.
L’exercice d’informer vu sous cet angle n’est pas difficile. Il consiste plus à se poser la question de savoir ce que veut faire la direction de l’événement, que ce que signifie l’événement en lui-même. Il n’en faut surtout pas en chercher le sens, puisque la mission n’est pas de nous renseigner, mais de remplir l’espace temps imparti à la livraison du sujet.
Entre le vote flamand de mercredi pour une scission de BHV et la réaction des représentants des partis francophones, il y a 20 minutes à remplir que les chaînes font très bien, puisqu’elles se sont toutes précipitées dans le même sens.

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Sur une soirée et trois journaux télévisés, voici une petite récolte sur BHV et d’autres infos :
L’incompréhension (elle se partage) ; la confiance (est renforcée) ; la riposte (ne doit pas tarder) ; le minimum de confiance (est à restaurer) ; le vide juridique (chose à remplir) ; les pompiers (font un travail fastidieux) ils sont très sollicités ; les images (impressionnantes) ; les mesures de précaution (ont été prises) ; les jeunes (sont activement recherchés) ou les jeunes (leur avenir est en jeu ; commentaire à propos de l’assassinat d’un boulanger : on ne s’y attendait vraiment pas ; toujours du même journal : un kamikaze s’est fait exploser sans donner d’explication ;
Demotte : on ne peut pas handicaper la Wallonie ; état de siège : le Pakistan est toujours sous haute tension (avant l’état de siège, il l’était déjà) ; le pire a été évité (est toujours à éviter) ; le programme (est mis sur pied) ; l’ambition politique (insuffisante) ou l’ambition politique est nécessaire ; le plan (fait grincer les dents) ; madame Benazir Bhutto assignée à résidence n’est pas sortie de son domicile ( !) ; l’atmosphère (toujours très tendue) ; enfin comme le facteur sonne toujours deux fois : la sonnette d’alarme (est tirée).
Si après cela, vous êtes mieux renseigné qu’avant, c’est un signe, faite de la politique ou engagez-vous dans le service information d’une télévision. Vous êtes en bonne place pour comprendre la pensée contemporaine.
Vous pourrez dire devant des gens ravis : « selon nos sources la troisième guerre mondiale n’aura pas lieu ». Personne ne vous demandera rien Vous embrayerez sur l’action humanitaire de nos casques bleus. Vous terminerez par vous désoler de la montée du prix du but ; mais vous vous rattraperez immédiatement pour célébrer la dernière victoire de Justin Hennin.
Vous serez parfait.

Commentaires

C'est amusant, je lis ton sujet et j'ai devant moi un vieille exemplaire d'une revue avec une fresque de Rivera

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