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Le doute est permis.

On peut s’interroger sur la relative passivité de la population après deux ans de crise.
Serait-ce que la couverture sociale, aussi ténue soit-elle, a été suffisante pour empêcher la montée du mécontentement ?
On pourrait s’en réjouir, s’il n’entrait pas dans cette passivité l’étrange pouvoir des sirènes du capitalisme. Les diffusions à longueur d’année des délices d’une nouvelle Capoue à laquelle démocratiquement nous aurions tous accès, plus tard, seraient toujours en train de faire de l’effet ?
Même pas !
Les ménagères de moins de cinquante ans poursuivent leur rêve dans les séries de TF1, sans l’illusion que le héros du loft sorte du poste, afin de les trousser en lieu et place des maris en plein stress de licenciement probable.
Plus personne ne croit vraiment que le libéralisme et le capitalisme intimement liés puissent résoudre la faim dans le monde, tout en procurant « l’aisance » aux sociétés avancées.
Pourtant, nous sommes loin des dégâts perceptibles dans la rue de la crise de 29, secouant toute l’Europe depuis le détonateur franco-américain, et se poursuivant au fil des années 30.
La Grande dépression actuelle qui, comme l’autre, vient des Etats-Unis, fauche tout autant les ménages dans leur relative prospérité, les scandales sont tout aussi éclatants, Madoff aujourd’hui, la pyramide de Ponzi et Stavisky, hier.
Les effectifs des extrêmes en Europe ne se gonflent pas pour autant des déçus du capitalisme !

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La désillusion a frappé tous les systèmes afin d’établir la paix, la justice et si possible la prospérité. L’illusion en 33 n’était-elle pas dans l’espoir d’un communisme mondial à venir ? L’illusion en 2009, n’est-elle pas dans la sortie de la crise, le retour à la croissance et la fin de la misère de centaines de millions de gens ?
Obama se heurte à une partie de ses concitoyens sur sa proposition d’établir une couverture sociale en faveur des Américains les plus pauvres. Le désastre de l’absence de soins pour 30 millions d’Américains est le résultat d’un siècle de capitalisme monstrueux, ne faisant appel qu’à ce que l’homme a de plus ordurier en lui. Nous ne sommes guère touchés par cette information révélatrice d’un comportement si étranger à l’humanisme classique, parce que les médias n’en ont guère fait état en Europe. Par contre, si Obama échoue, nous serons sans doute inondés des « bonnes raisons » que le Sénat américain a de rejeter la proposition de Loi.
En Europe, les succès de Besancenot et de Mélenchon n’induisent pas un rassemblement général dans le « ras le bol », ils n’indiquent qu’un affaissement du PS de Martine Aubry.
Il faut donc qu’il y ait des modifications dans ce que René Lesenne dans son Traité de caractérologie appelle « l’homme moyen », pour qu’à situation identique d’une époque à l’autre, la population réagisse différemment, abstraction faite des conditions de vie, quoiqu’il existe peu de différences entre ceux qui ont tout perdu en 1933 et en 2009.
Si pour les statistiques l’homme moyen et la ménagère de moins de 50 ans existent bel et bien, dans la réalité ils n’existent pas. C’est une abstraction réduite à quelques propriétés générales. En dehors d’elles, le « sujet » possède bien d’autres traits de caractère. La diversité indéfinie des natures individuelles défend d’identifier un « sujet », à nous-même, ni à aucun de ceux que nous côtoyons au cours de nos journées de travail.
C’est un des travers des démocraties que de traduire tout en « sujet » moyen, au risque évident de ne pas rencontrer les légitimes spécificités de chacun et de mécontenter tout le monde.
Il est donc prématuré de dire que les statistiques ont raison de voir dans l’homme moyen de 2009 plus de retenue que dans celui de 33, comme le sociologue de conclure à l’évolution pacifique de la rue à l’expérience de la crise.
Des attitudes d’alors subsistent dans la société moderne de l’an 9. L'antiparlementarisme alimenté par une succession de scandales politico-financiers de 33 perdure. Pour la France : l’affaire Hanau (Marthe Hanau avait utilisé ses appuis politiques pour attirer, grâce à son journal La Gazette du franc, les économies des petits épargnants), l’affaire Oustric (la faillite frauduleuse du banquier Oustric précipita en 1930 la chute du gouvernement d'André Tardieu, dont le Garde des Sceaux était mêlé à l’affaire), et enfin, cause directe des événements du 6 février 33, l’affaire Stavisky, le scandale, impliquant le Crédit municipal de Bayonne. Alexandre Stavisky était cet escroc lié à plusieurs parlementaires radicaux, dont un ministre du gouvernement du radical Camille Chautemps. La presse révéla qu'Alexandre Stavisky avait bénéficié de dix-neuf remises de son procès, alors que le Parquet était dirigé par le beau-frère de Camille Chautemps.
En Belgique, les crises à la même époque se succédèrent au point que le trublion Léon Degrelle dénonçant des scandales (certains sortant de sa pure imagination) obtint en 36, 271.491 suffrages (les femmes n’avaient pas encore le droit de vote. Il se fera en 1948), le parti rexiste s’adjugea 11,5 % des voix, 21 députés et douze sénateurs.
De 1950 à nos jours, les scandales politiques n’ont jamais cessé : depuis l’assassinat de Julien Lahaut resté impuni, à celui d’André Cools en Belgique, l’affaire des hélicoptères Agusta, les abus de biens sociaux à Charleroi, jusqu’aux scandales de 2009 de la justice, après l’affaire FORTIS, etc.
Jusqu’à présent les Autorités ont réussi à tenir le citoyen en laisse.
Nul, ne saurait dire quand le « sujet » sortira de son assoupissement. Mais, tout comme le Vésuve, on sait que le « sujet » a tout ce qu’il faut pour exploser.
Les parcours des politiques, des médias et des sociologues sont minés. Exagérer dans l’optimisme peut devenir aussi ravageur que l’exagération contraire. Je me demande si des banquiers, au gouvernement, en passant par les personnels de la justice et de la haute administration, il y a conscience que le pouvoir marche sur des œufs ?

Commentaires

Vous avez dit crise.
N'est-ce pas précisément une situation qui nous impose des choix, des décisions,
le contraire du "laisser faire" que pourtant vous abhorrez?
Je crois qu'il faudrait choisir.

"l'absence de soins pour 30 millions d'américains" n'est-il pas plutôt le résultat de l'indivudualisme forcéné
et de l'égoisme qui prévalent là-bas ?
Pourtant, ces 30 millions d'américains fuient-ils vers Cuba par exemple ?
Qu'en est-il de l'absence de soins aux 200 millions de sud-américains et aux 500 millions d'africains, par exemple?
Qu'ont ils à vouloir rejoindre en masse ce "capitalisme monstrueux" qui règne chez nous aux U.S.A et en Europe ?

L'indécision est l'apanage des foules. Incapables de décider par elles-mêmes, elles sont des proies faciles pour ceux qui les représentent, comme pour ceux qui les exploitent. Démocratie et dictature sont des voies contradictoires et cependant complémentaires. Le problème réside dans un subtil amalgame des deux, mais fortement contrôlé par des juges intègres ayant pour but le bonheur du plus grand nombre. On sait ce qu'il en est de la justice aujourd'hui en Belgique. Ce sera le sujet de l'article de ce soir.

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