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Un catalogue remis à jour..

A différentes époques, des esprits brillants ont été estimés par les Académies, et popularisés par quelques écrits.
On ne sait pourquoi, peu de temps après leur mort, si l’on excepte des érudits et des spécialistes de la période au cours de laquelle ils ont vécu, plus personne ne les connaît.
Ils se sont dissous dans l’intelligentsia de leur temps. Certains ont formé des disciples, eux-mêmes disparus ou, devenus plus célèbres que leurs maîtres, ils se sont empressés de les oublier.
Qui connaît encore aujourd’hui René Le Senne (1882-1954) auteur d’un « Traité de Caractérologie », publié en 1945, il n’y a pas 65 ans ?
Métaphysicien et psychologue, il appartient au courant spiritualiste et à la philosophie des valeurs. Il a été célèbré pour avoir fondé la caractérologie française. Il est fondateur avec Louis Lavelle de la collection « Philosophie de l'Esprit ».
Gaston Berger, son disciple, a-t-il fait de l’ombre à notre auteur ? Sans doute Le Senne doit-il beaucoup à son tour à Heymans et Wiersma, passés du côté obscur avant lui, et avec eux des dizaines de philosophes ayant vécu pour la plupart, dans ce siècle foisonnant et prodige que fut le XIXme s. dont on n’a retenu que la littérature romantique et la naissance du socialisme.
Il est vrai que l’on pourrait dire la même chose de Berger : Qui le connaît encore ?
De tous les érudits et les chercheurs, se sont encore les philosophes qui passent le plus vite à la trappe. Sans doute comme les idées, l’une chassant l’autre, dire l’éthique et la finalité des choses est un thème aussi vite remplacé que la mode. Le socle naturel dans lequel elles sont puisées est, lui aussi, en constant mouvement, puisqu’il s’agit de nous.
Le Senne avait pourtant tout pour survivre dans la mémoire des gens.
Définissant le caractère comme « l'ensemble des dispositions congénitales qui forme le squelette mental d'un homme. », ce La Bruyère scientifique des temps modernes, reste d’un grand intérêt pour les psychiatres, les psychologues et les graphologues .
Ou Le Senne date un peu, c’est lorsqu’il aborde l’étude « des sentimentaux » (page 265).

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L’appréhension de l’avenir doit se monnayer dans celle des futurs, écrit-il, pour décrire le « sanguin » qui pourrait être « avancé, libéral, progressiste, colérique, révolutionnaire », selon les circonstances. Types d’individus auxquels il oppose le sentimental prudent et misonéiste : « Presque aussi attaché que le passionné aux vieux souvenirs ».
Nos hommes politiques seraient donc presque tous des sanguins ?
Les sanguins progressistes, confrontés à des changements politiques apparaissant comme éminents « seraient plutôt inspirés par la crainte des troubles par lesquels il faudra passer, que par l’impatience des biens qui peuvent éventuellement en résulter ».
La voilà donc cette explication de l’avancée à reculons de la social démocratie dans le progrès et le changement : la peur ! mais une peur raisonnée, faite autant d’une crainte de perdre un statut social, que de déclencher une guerre civile.
Abordant le thème suivant « L’ennui » Le Senne se fige en caricature d’un XXme s à ses débuts., lorsqu’il s’abandonne à sa propre réflexion « retrouvant dans la conscience de lui-même, la source de l’existence des autres confondues à la sienne propre », ce que le philosophe appelle « L’homme fait moi » dont il accable Kierkegaard, Sénancour et Rousseau, mais qu’il ferait bien aussi d’appliquer à lui-même.
Le voilà bien le savant démasqué par son propre raisonnement !
Le reste de ce chapitre consacré à l’ennui marque les débuts confirmés du triomphalisme libéral. Pour Le Senne et cela pourrait tout aussi bien convenir à notre foufou national, Louis Michel tel qu’en lui même… « …l’inactivité doit être la condition principale de l’ennui. Pour l’expliquer, ce qui n’est pas si simple, nous admettrons que l’ennui est l’incapacité d’accoucher le désir c’est-à-dire de le faire passer de la velléité à l’activité, de le faire, de virtuel, actuel. »
N’importe quel philosophe de bon sens aujourd’hui, dirait que ce que Le Senne décrit là est justement l’inverse. La principale source de l’ennui pour la plupart d’entre nous est l’obligation de prester un travail sans intérêt, sans avenir, sans reconnaissance et d’où l’initiative du travailleur est exclue.
On a là, tous les ingrédients de l’ennui dans l’exercice d’une activité. L’ennui de l’esclave, du numéro, de la quantité négligeable et pourtant, l’homme rêve, a des idées, une forme d’activité manuelle ou intellectuelle qu’il voudrait exercer et qu’il ne peut pas.
Le dégoût de Vigny le désoeuvré, le travailleur qui s’ennuie le connaît « le dégoût de la vie urbaine et l’espoir dans ses géorgiques perpétuelles. Les années ont passé : il n’a plus un désir assez fort de rien. Il doit bien désirer, car on ne s’écarte pas entièrement le désir d’aucune vie. »
On pourrait terminer ici, mais si l’on remplace «l’ inactivité » mot qui va suivre par son contraire « l’activité », on aura remis le texte de Le Senne en 2009. « Mais l’[in]activité domine et il ne peut rien faire pour nourrir ce désir en commençant à le satisfaire ».

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