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Une arnaque équitable.

Comme n’importe qui avec du cœur, on peut être touché par l’idée généreuse du commerce équitable, payer les producteurs des pays pauvres au-dessus des cours des marchés mondiaux, c’est reconnaître l’injustice qui les frappe.
Oui, mais comment organiser un marché équitable ?
Des Associations caritatives ont retroussé leurs manches et volé au secours des victimes du système de l’offre et de la demande. Mais la chose n’est pas si simple que cela. On ne bouleverse pas les règles du commerce du jour au lendemain.
Néanmoins, tant bien que mal, cette idée en faisant son chemin a fini par intéresser une frange de consommateurs si significative qu’elle commence à compter dans l’opinion. Cela n’a pas échappé au grand circuit de la distribution.
C’est à partir des récents événements sur le prix du lait en Europe acculant les petits exploitants à la faillite, justement par la pression exercée sur eux par les grandes surfaces, que je me suis demandé pour Carrefour, Delhaize, Ldl, Aldi et quelques autres, si le commerce équitable n’était pas une opération commerciale parmi d’autres.
Le commerce équitable s’arrêterait-il à nos frontières laissant sur la paille nos petits producteurs ?
Revenons à la banane, au café africain et au sucre des Antilles. Avec de la patience, on peut remonter la filière des grandes surfaces, voir comment elles opèrent et on reste confondu !
Pour ces entreprises, une marchandise équitable est un produit comme tous les autres. C’est-à-dire qu’il doit dégager les mêmes marges bénéficiaires que celles d’un produit européen.
Pour eux, le petit logo « commerce équitable » est une publicité qui apporte le soutien et la confiance de la clientèle. En échange de cette publicité gratuite, le consommateur pourra avoir bonne conscience en s’efforçant de manger ou de boire un produit avec le sentiment que sa bonne action compensera une différence de qualité (pas toujours), comme par exemple le « café équitable ».
Il se pourrait même que la grande distribution mette en concurrence les produits équitables avec les produits ordinaires à seule fin de faire baisser les prix de ces derniers, non pas pour que le consommateur voie son addition allégée, mais uniquement dans le but d’augmenter les marges.
Si les grands magasins se montrent « humains » à bon compte, il faut maintenant remonter jusqu’au producteur. Qui sont-ils et comment sont-ils sélectionnés ?
Est-ce que la production valorisée, rémunérera davantage les travailleurs sur le terrain, ceux qui à la machette ou à mains nues, sont à la base des exploitations ?
Et là, on est moins sûr que le commerce équitable améliorera leur misérable vie ; tant on connaît ce que signifie pour les petites gens au bas de la chaîne du travail une meilleure vente.
C’est un peu à une autre échelle la même situation que les travailleurs européens vivent, quand l’entreprise engrange des millions de bénéfice, ils n’en voient pas la couleur.
A la limite, le succès d’une plantation verra l’accroissement d’une main d’œuvre recrutée dans des conditions souvent contradictoires avec l’esprit de cette généreuse idée, et valoir au bas de l’échelle un excès de fatigue et une exploitation accrue.
La case de la famille n’aura pas pour autant un toit de tôle nouveau, l’ordinaire sera toujours le même et les enfants iront ou n’iront pas à l’école suivant les besoins nouveaux de la plantation.

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Jusqu’à ce qu’on me prouve le contraire autrement que par une propagande des sociétés caritatives sur le terrain, je pense que le péon, l’indien, le broussard « socialisé » ne sauront même pas que le « patron » est parvenu à intégrer sa production dans la chaîne du commerce équitable.
On ne peut pas nier certains côtés positifs, ne serait-ce que la prise de conscience des consommateurs occidentaux qui peuvent ainsi toucher du doigt la distorsion qui existe entre le Nord et le Sud et partant reconsidérer que la chance qu’ils ont d’être du bon côté, les place aussi dans une complicité involontaire du système économique mondial à l’immoralité complète ; mais sans illusion que cette manière de restituer aux exploités un peu de leur dignité avec le fruit de leur travail, résolve un jour proche les inégalités de cette fichue planète.
L’idéal serait de changer les règles du commerce international.
A voir nos représentants du peuple, de gauche comme de droite, de plus en plus passifs du point de vue économique, c’est jouer avec une utopie de plus.
Comme tout indique qu’il n’en sera rien et ce tant que nos sociétés libérales auront le culot de justifier l’injustifiable, mangeons des bananes équitables et si possible, achetons-les ailleurs que dans les grands magasins. Nous ne serons pas mécontents de nous-mêmes. C’est toujours ça.

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