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Tout le monde s’appelle Dolly !

Un savant belge, plongé dès l’enfance dans la statistique et le prévisionnel, nous affirme : même prolongée jusqu’à 70 ans la durée du temps de travail ne suffira pas à assurer aux retraités une pension décente. Pour cela, il faudrait 33.000 emplois supplémentaires par an.
L’illustre ne nous dit pas si en plus des 33.000 laborieux, il faudra que les loustics âgés travaillent quand même jusqu’à 70 balais ?
On est en plein délire.
Déjà qu’on ne crée plus d’emplois dans l’industrie, les embauches ne se font plus que dans les services. Cela signifie-t-il que nous allons vers une société dans laquelle les riches seront les maîtres dans l’acceptation ancienne, parce qu’ils seront les seuls à accroître leur domesticité ?
Beau progrès en perspective !
S’il n’est donné aux jeunes que cet avenir là, on comprend le manque d’enthousiasme pour notre démocratie bétonnée dans le conceptualisme financier.
Dans la confusion générale, il y a des petits malins qui gambergent « sur le produit ». Il ne s’agit plus de tout le bataclan considéré comme indispensable à notre conscience, de solidarité encore moins ; il ne s’agit que de faire du blé, du bon blé sur la connerie générale et voir si, dans les tendances actuelles, il n’y avait pas une faille par laquelle s’infiltrer pour se vautrer dans le beau pognon, immondice inodore dont nos grands prêtres célèbrent tous les jours le triomphe. C’est Reynders qui l’affirme, il n’y a pas de mal à gagner de l’argent. Plus on en gagne, plus on est un bon citoyen, consécration suprême de l’esprit civique…
Donc dans ce créneau-là, qu’est-ce qui se transmute en lingot, « s’alchimise » (1) en délicieux jaunets comme dirait le père Grandet ?... le culte du corps, pardi !
Plus personne n’a le droit de vieillir, c’est la devise qui monte. Tout le monde à la branlette devant son image !...
Pas du fait qu’on a la trouille de devoir bosser jusqu’à 70 ans pour faire plaisir à la statistique, mais pour soi-même, parce qu’obscurément mourir devient indécent, pas porteur, indélicat, un mot résumant les autres : incongru ! On ne vieillit plus, on se « jeunessifie » (1)…
Cette nouvelle prise de fric par l’industrie du cosmétique, de la diététique et de la chirurgie se manifeste de mille façons, en montrant du doigt les « gros » qui mourront avant l’âge ce qui terrorisent ceux qui grossissent, plongent les deux sexes dans les officines à maigrir, massage, thanato du bide et botoxage généralisé et finit par complexer les gens naturellement enrobés, exclut les personnes âgées, montrent du doigt les fumeurs et écartent de la vue du public « sain » les trop ridés, les monstres et les infirmes.

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Bien certainement, on vous dira que Richard III déconne, une fois de plus, et qu’on a fait beaucoup pour les handicapés depuis que l’économie mondialisée étend ses bienfaits sur la planète. On oublie une chose, c’est que tous ces bienfaits sont mécanisés, régentés par les lois et les progrès de l’art plastique, de la mécanique orthopédiste et des métaux composites, en plus, rarement gratuits. Alors, les populations estiment que, puisque l’ambulance est à portée, on peut enjamber le type qui est en train de crever sur le trottoir, plutôt que lui porter secours ; les services adéquats sont payés pour ça.
Merde ! il existe aujourd’hui des prothèses pour tout ! Aux States et ça vient ici aussi, il y en même qui se font allonger la bitte jusqu’à 10 centimètres (pour ceux qui font 6 ou 8 en érection, évidemment). On prend la peau du cul compatible d’un « quartmondiste » (1) qui veut se payer une bouteille de tequila, et voilà superman appareillé. Reste que l’autre peut plus s’asseoir pendant dix ans, mais ça, on s’en fout…
La mentalité du « help your self », c’est sorti de l’imagination du fou, diront les sceptiques. Montez sur un bus pour voir comme les jeunes et les moins jeunes ne cèdent plus leur place à des vieilles gens ou des infirmes, et vous serez fixés ; comme la foule curieuse d’assister à des drames de la rue tel un spectacle, s’arrête mais n’intervient pas dans des agressions dont sont victimes des passants issus des mêmes badauds, ce qui prouve amplement l’incapacité des gens à se prendre en charge. Car cette foule n’est plus adulte. Elle est tout simplement infantilisée.
Soyons donc lisses, sveltes, habitués du lifting, bronzés perpétuels et surtout oublions que nous aurons un jour 70 ans. C’est, du reste, devenu impossible d’atteindre un âge aussi canonique, puisque même arrivé là, on en paraît 30 de moins. Pour atteindre cette perfection du corps, il faut encore la perfection de l’âme. Pour celle-ci selon les nouveaux canons de l’Oréal et Max Factor, il est déconseillé de s’émouvoir, de participer avec ses tripes, de ne pleurer que sur un beau film glamour, surtout de ne pas transpirer, ni se salir les mains. On sent bien aussi qu’il est fortement déconseillé de visionner des actualités éprouvantes, des massacres, des crimes horribles et que, par conséquent, s’ils ont lieu « près de chez vous », il faut absolument refuser d’y porter le moindre secours en payant de sa personne, à peine peut-on téléphoner aux flics, quand quelques gouttes de sang se répandent sur la pelouse et déshonorent ainsi votre gazon !
Il se pourrait que, demain, on assistât à des shows de belles patientes s’enfermant pour 10 ans dans l’étui d’une contrebasse capitonné d’une herbe « spéciale » et après le bail conclu avec CBS, se retrouver à la sortie plus belles que jamais dans un miroir que n’eût pas mieux dépeint Wilde dans le Portrait de Dorian Grey.
Le rajeunissement est devenu une industrie lourde. Alors, vous pensez, au turbin jusqu’à 70 ans, c’est si loin de tout le monde cet âge-là. Nos industriels ne nous feront plus vieillir… d’ailleurs ils y travaillent déjà puisqu’ils ne veulent plus voir chez eux, ceux qui affichent leurs 45 ans bien tassés.
Bart De Wever ne me contredira pas, lui que César eût appelé « Gaufrius », je ne crois pas qu’une société ancienne soumise à une telle tyrannie du corps ait jamais existé. D’abord, le jeunisme, quand on meurt à 30 ans, ça n’a pas de sens. Quant aux femmes, leur servitude était telle, qu’à 25 elles étaient ménopausées et à 28 inaptes aux plaisirs des hommes, tout au plus pouvaient-elles encore se rendre utiles en pourvoyant à la nourriture des porcs et des poulets.
Notre société a donc le privilège unique dans l’histoire de l’humanité d’innover en matière d’âge et de transformation du corps. Cela ne va pas sans de graves conséquences morales.
Ceux qui démentent le mythe de la jeunesse éternelle en sont les premières victimes.
Premier constat, on assiste au rejet de toute conduite adulte, réflexive, intellectuelle, l’effort critique est « off limits » et inutile. Comme le col de la chemise de Lagerfeld, il est impératif d’être ” branché “, afin de savoir enchaîner argent, amours, succès.
On n’a jamais vu tant de nez « refaits » qui se ressemblent, l’aquilin et l’épaté étant le signe d’une disgrâce insupportable dans l’état des canons de beauté de la connerie humaine.
Moralité : première déconvenue, le commerce des rencontres est exponentiel. Cela tiendrait-il, malgré tout, à la difficulté de passer du NET à la réalité ? On se méfie de ce qui n’est pas « soi ». On n’adore vraiment que sa propre merde. Là, amour total, définitif… Vrai, on en mangerait ! Ça ne m’étonnerait pas que l’on ouvrît un jour un restaurant de dégustation de ses fèces, avec urine millésimée garantie extra vierge.
Nous sommes en marche vers une société dans laquelle tout le monde s’appellera Dolly.
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1. Les mots entre guillemets sont des copyrights, made in Riri III, à mettre dans toutes les mains.

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