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Vienne et l’amour.

On ne devait pas s’ennuyer une seconde à la Société psychanalytique de Vienne sous la direction du docteur Freud, en personne !
En sa séance du 19 mai 1909, cette docte assemblée avait à parler d’un travail de Freud « Über einen besonderen Typus der Objektwahl beim Manne » comme première partie des « Contributions à la psychologie de la vie amoureuse ».
Vous l’aurez compris, il s’agit d’histoires d’alcôve.
C’est fou comme le grand public appréhende ce thème, et comme le bien-disant paraît entrer dans la pire des confusions pour un mot populaire un peu cru, quand il en cherche un autre plus savant, qu’il ne trouve pas.
J’ignore si les blouses blanches ont beaucoup changé en un petit siècle de « progrès » en médecine ; ce qu’on peut dire de leurs grands parents de l’aube du XXme siècle, c’est qu’on avait affaire à une belle collection de carabins émoustillés par le pouvoir qu’ils avaient d’étendre la clientèle sur le divan.
Un des assidus de cette réunion de « garçons » comme dirait Flaubert, le docteur Stekel, trouve à cela différentes causes, dont la principale est l’attraction qu’exerce le médecin sur ses patientes et même sur ses patients. Car, selon lui, ce n’est pas l’homme de science qui « entreprend », mais la patiente qui trouve que l’homme de science n’est pas assez leste !
Il paraît que le psychanalyste n’est pas le seul de la profession à récolter les transferts amoureux.
Les amazones n’aiment pas l’individu comme tel, rassure ses collègues, le bon docteur Stekel ; mais le costume dont elles le revêtent : la fameuse blouse blanche.
Sauf qu’aujourd’hui, les transferts amoureux des patientes énamourées à l’homme de science n’ont plus pour objet le port de l’uniforme, tant il est rare que le généraliste reçoive encore vêtu de blanc dans son cabinet de consultation.
Les belles patientes, victimes d’effervescences intimes, ne trouveraient en 2010 un terrain favorable, que dans les cliniques et les hôpitaux. Là, les personnels vaquent encore en blanc, avec stéthoscope négligemment autour du cou, comme dans un soap-opera.
Restent glamours en dehors du corps médical, certains porteurs d’uniforme de prestige, les avocats en robe, le casque impressionnant des soldats du feu, le béret rouge posé à la Massu sur le crâne rasé du militaire, le commandant de bord d’un airbus qui apparaît au haut de la passerelle d’embarquement….

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Freud ne pourrait pas mieux dire : lorsque les conditions de l’amour ne sont pas remplies dans la réalité, l’individu les fantasmes. De sorte que ces dames peuvent très bien s’éprendre d’un détail qui n’existe pas, sublimer une action de palpation ou un toucher anodin, trouver dans l’agilité des doigts une intention « malhonnête » qui les ravit.
Une aussi chaude réunion d’experts ne pouvait que puiser dans le trouble personnel de chacun, un addendum appréciable à leurs catalogues de névroses.
C’est un fait notoire, les hommes de la bourgeoisie, à l’époque, tombaient facilement amoureux. A plus de soixante-dix ans, ces professeurs pouvaient évoquer, Bassompierre, maréchal de France, à qui on reprochait ses cheveux blancs « Messieurs, je suis comme les poireaux, j’ai la tête blanche, et la queue verte ».
Transmettant leurs fantasmes à la médecine, il suffisait à ces pointures de la psychologie naissante d’étudier sérieusement la grande faculté que les jeunes filles ont toujours eue à revêtir divers déguisements psychiques, pour fantasmer eux-mêmes dans leurs recherches.
En psychanalyse, on a le transfert qu’on mérite !
L’objet principal des recherches de ce grand corps médical naissant portait sur un état florissant à l’époque : la prostitution. A croire que MM. Freud, Adler, Federn, Graf, Rank, Steiner, Stekel et quelques autres avaient écumé tous les bordels de Vienne pour satisfaire aux besoins de la science.
Là, une grande unanimité : un certain nombre de névrosés n’étaient sexuellement performants qu’au cours de leur passe avec une gueuse. En-dehors de la maison close, les charmes d’une épouse légitime n’agissaient pas. Ils s’en allaient conter leur impuissance du lit conjugal, à des médecins qui pouvaient - ô combien ! - les comprendre.
Au cours d’une réunion de délassement, quelques rares photographies furent prises de ces doctes messieurs avec leurs dames. On peut comprendre pourquoi le bourgeois viennois manquait d’enthousiasme à domicile.
C’est pareil aujourd’hui.

Commentaires

Cette fois-ci, c'est parfait. Le texte et le divan.

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