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Brun clair ou brun foncé ?

Les deux partis flamands, le Vlaams Belang et la N-VA, carrément inscrits à la droite extrême en Belgique, nous font irrésistiblement penser au Front national en France, leur parangon de toutes les vertus nationalistes dans la compétition politique.
Le Front national est devenu le porte-voix d'une part croissante des catégories populaires.
Les partis flamands du même acabit ne doivent leur succès qu’aux catégories sociales les moins favorisées.
Ce changement dans le comportement des électeurs n'est pas la résurgence d'un populisme ancien ou la conséquence d'une droitisation de l'opinion, mais d'un processus lié à une recomposition sociologique et politique sans précédent. Une pancarte « Les élites coupées du peuple » brandies par un manifestant contre la réforme des retraites en France en novembre 2010, dit tout le malaise ressenti aujourd’hui par la population qui a fait longtemps les belles heures d’une gauche qui, entretemps, s’est endormie au pouvoir.
Des observateurs y voient la fin de la bipolarisation en France. Bien que les partis de gouvernement en Belgique soient beaucoup plus nombreux, c’est finalement le dialogue entre le libéralisme et le socialisme qui va bégayer si la gauche populaire se fait à l’évidence que le socialisme n’existe plus.
Ajout complémentaire, l'éclatement de la classe moyenne remet en question le "champ sociologique" en ce qu’elle renforce par ses effondrements les catégories populaires, les mettant ainsi en évidence.
Les classes moyennes avaient adouci le combat sociologique entre les forces de l’argent et les forces du travail. La précarisation et de déclassement social font grandir un courant des mécontents hors classification politique.
La social-démocratie est en crise. Les événements de Grèce devraient nous ouvrir les yeux. Il existe des raisons de « cette désaffection du peuple pour cette gauche de droite » a écrit Michel Onfray, dans le n° 740 de Marianne.
Abusé par ses élites qui participent au pouvoir, le PS belge a tissé des liens avec une organisation libérale de l’Etat dont il aura difficile à se défaire, sinon en licenciant ses cadres. Comment le ferait-il, puisque ceux-ci ont en main tous les postes dans et en dehors du parti, à commencer par celui de président, lui-même formateur nommé par le roi de ce sac d’embrouilles ?
Dans ce contexte, analyser la résurgence politique et culturelle des milieux populaires, n’est pas évidente. La réalité sociale du pays est troublée par la poursuite d’un séisme économique dont les répliques de la crise de décembre 2008 contribuent à la difficulté de l’analyse.
Les catégories ouvriers-employés, avec les retraités font une majorité d’opinion dont les partis ne tiennent plus compte, trop liés, semble-t-il par des conventions économiques internationales et libérales que l’Europe est en train d’établir en règles au détriment des populations.
Ce constat permet d’évaluer tout le bouleversement de la sociologie qui s’en suivra, à commencer par les effets négatifs de la mondialisation. .

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On ne peut établir une justice redistributive que dans les périodes de prospérité, par exemple les Trente Glorieuses, dont on parle tant, parce qu’elles sont définitivement révolues.
Les chômeurs, les travailleurs pauvres et à temps partiel, les retraités indigents, les jeunes avec ou sans diplôme largués dès aujourd’hui, avec en perspective une existence incertaine demain, ne sont plus capables d’entendre les discours du pouvoir actuel. Et on les comprend.
Alors, quand l’Europe demande aux Etats une petite rallonge prise sur une augmentation de la TVA pour ses menus frais, sur le temps que Di Rupo mitonne un gouvernement avec des mesures d’austérité, il est tout à fait légitime au peuple de se demander dans quoi les socialistes vont l’embarquer ?
Des catégories populaires, hier parfois opposées, se retrouvent dans une perception identique de la réalité sociale. Et là, non seulement Di Rupo devrait se méfier des succès électoraux du PS, mais aussi Adolf De Wever, de la N-VA.
Dès qu’on gratte le vernis du nationalisme à la flamande, on s’aperçoit de l’identité des craintes sociales des deux côtés de la frontière linguistique, même si au Nord, il semble que le côté dur « il faut rembourser les dettes de l’Etat aux banques par notre travail » soit encore la pensée dominante.
Tout le monde subit la même logique capitaliste, même si ce mot est toujours aussi honni des vestiges de la société de consommation déclinante.
Rien n’est moins affirmatif que de voir dans les succès de l’extrémisme de droite : Front National, N-VA, Vlaams Belang et le mouvement de Geert Wilders en Hollande, l'émergence d'un "peuple de droite".
C’est surtout par l’exaspération d’entendre les discours des responsables politiques qui continuent à vanter les mérites d'une mondialisation heureuse, alors que les catégories populaires subissent une précarisation significative de leurs conditions de vie, que les populations « essaient » ces partis en remplacement des autres. La fortune de Marine Le Pen, d’Adolf De Wever tient à cela : repli sur soi-même, dénonciation des autres, retour à la loi du clocher. Si cette tendance n’est qu’un coup de semonce à l’Europe, au capitalisme mondialisé et aux partis parasitant leurs électeurs, on n’en serait pas fâché, mais gare à la démocratie et aux libertés si dans les élections suivantes, ce courant venait à s’amplifier.

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