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« Le Soir » fait des émules.

Comme il fallait s’y attendre, les journaux francophones des trois grands groupes financiers qui en sont les propriétaires se sont donné le mot pour accabler les « malotrus » qui ont bloqué l’E42 lundi.
Pas gênés pour un sou, les salariés de ces entreprises se sont fait un plaisir d’en rajouter, espérant ainsi se faire « bien voir » de la direction toute dévouée à la sainte cause du pognon triomphant.
Même si l’initiative du blocage de l’autoroute revient à quelques syndicalistes non contrôlés par les responsables syndicaux, le fait est que cette façon de protester est très efficace et spectaculaire. Elle donne un coup de pied dans la fourmilière et montre l’espèce de folie furieuse qui s’empare des fourmis quand on les prive de leur reine. On touche directement au portefeuille de la société de consommation, si bien que les haines s’expriment et les haineux sortent du bois. Les pires sont certainement ceux qui reçoivent de l’argent pour traduire ce que ressentent leurs maîtres, voilà pourquoi la presse officielle est unanime, à l’exception de La Libre Belgique qui prend une certaine distance plus intellectuelle et raisonnée que celle qui prévaut au Soir (voir la Libre de ce 21 octobre).
Les temps sont paradoxaux. On voudrait bien retrouver une meilleure vie, même si l’ancienne n’était pas des plus réussies, celle que Charles Michel nous fait découvrir est bien pire. Ce n’est pas lui qui l’a inventée, mais il participe à notre malheur en essayant d’adapter notre économie sur celle des concurrents encore bien moins lotis, sans toucher aux privilèges des classes aisées. Notre économie calquée sur le système mondial paralyse notre démocratie, comme les partis, presque tous néolibéraux obéissant à un réalisme qui n’est rien d’autre qu’un suivisme obsessionnel de l’économie américaine.
Les patrons de presse ont trouvé la faille du camp d’en face. Ils envoient leurs meilleurs soldats à l’assaut de la brèche : isoler les syndicats, surtout la FGTB, la rendre responsables de tout devant une opinion publique travaillée par les mercenaires des grands journaux qui font l’opinion.
Repris comme la dernière chance de faire vaciller le nationalisme flamand aux prochaines élections, la « suédoise » est dorénavant chouchoutée et son chef « providentiel » et pardonné à l’avance de toutes ses exactions sous forme de taxes qui touchent la classe la plus vulnérable parce que la plus pauvre.

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Voilà à nouveau la FGTB bien isolée.
Aussi, après l’avoir souvent critiquée surtout ses dirigeants « agents doubles » du PS, je ne peux pas assister à la manœuvre du camp des bourgeois sans exprimer mon soutien aux plus activistes d’entre les syndicalistes.
La Libre Belgique analyse la situation des syndicats (3 millions et demi d’affiliés) comme singulière et ce journal, le seul lucide en ce domaine, note très justement que les responsables syndicaux « n’arrivent plus à faire admettre leurs idées dans leurs propres rangs. Ou plutôt mal en tout cas. »
Et d’énumérer en quelques points ce qui trouble l’opinion.
Du point de vue de la diffusion des idées la place dans les médias joue un rôle évident. Faute d’argent la presse de gauche s’est éteinte. La voix des gens « du dessous » s’est tue ou relayée de façon tendancieuse. ‘Le Peuple’, ‘La Wallonie’, ‘La Cité’, ‘Le Drapeau rouge’ ont disparu, alors que ‘L’Echo’ et ‘De Tijd’, plus sensibles aux thèses patronales, sont toujours dans les kiosques. Sont restés, les journaux dits « neutres ». Ils ne le sont absolument pas. Bien présents dans cette mauvaise querelle d’autoroute, Le Soir, La Meuse, La Dernière Heure, Vers l’Avenir, etc. sont bien des journaux de droite. La plupart sont dans les mains de deux ou trois familles qui sont de véritables piliers du régime avec deux ennemis : le système social trop généreux à leurs yeux et le nationalisme flamand qui pourrait « déranger » leurs habitudes et remettrait en cause leur situation dans la Belgique traditionnelle, dès les prochaines élections. Raison suffisante pour parier sur la « suédoise » qui en cas de réussite affaiblirait les arguments nationalistes de Bart De Wever.
Un consensus de fait existe entre ceux qui écrivent dans ces journaux et l’opinion patronale, sinon, le journaliste rebelle peut s’inscrire au chômage.
En même temps, les organisations patronales ont fait des progrès. Les dirigeants s’inscrivent dans les mêmes écoles de marketing que les politiques. Ils suivent des cours pour mieux convaincre. Et ça marche. Le prêt-à-porter de la pensée libérale est aussi valable d’intervieweur à interviewé. Cela va de soi qu’entre gens du même bord, ils laissent à l’opinion publique le sentiment qu’il n’y a pas d’autre alternative que l’économie actuelle.
Les contestataires sont des « instinctifs » qui ne savent nulle part exprimer leurs convictions ou des « intellectuels » qui élaborent des thèses difficiles à vulgariser.
Voilà qui sert le bourgeoisisme ambiant dévoué à l’orthodoxie capitaliste.
Les modifications du tissu économique sont aussi pour beaucoup dans la mauvaise lecture des actions syndicales. L’intellectualisation des professions a été faite selon des critères techniques essentiellement voués à l’intelligence productiviste et non plus humaniste. Si bien que nous avons des ingénieurs et des médecins qui sont incapables d’une pensée autonome de celle des journaux, dont on voit trop l’orientation pour en attendre de la critique et des idées nouvelles.
La montée de l’individualisme allant jusqu’à la gentrification des quartiers du centre ville et de la proche banlieue a complètement disloqué les associations regroupant les citoyens par opinion ou croyance. La société est comme figée par ce chacun pour soi et semble ne plus avoir de repères.
Tout cela est bon pour le conservatisme. C’est même pour cela que l’avenir est incertain et explosif.
Cette société agit comme un couvercle sur une marmite exposée au feu intense. Le blocage de l’autoroute qui affole tant la presse pourrait n’être qu’un début à une forme de protestation plus proche des casseurs des grandes grèves du passé et donc encore plus détestable à la presse bourgeoise. On voit d’ici la meute prête à bondir sur « les voyous », comme ce fut le cas en 60-61 (les historiens des mouvements sociaux sont les seuls à s’en souvenir).

Commentaires

L’occasion est évidemment rêvée pour la droite et les médias de s’en prendre à la FGTB et aux syndicats en général. On peut compter sur eux: ils exploiteront l’évènement jusqu’à l’os. Mais est-ce refuser la solidarité que de relever que la régionale de la CGSP-Cheminots, par ses outrances, leur a donné des verges pour battre le monde syndical tout entier? Ne faudrait-il pas au contraire que la FGTB , toute honte bue, en profite pour resserrer les boulons là où ils doivent l’être et particulièrement dans les régionales de services publics dont les affiliés sont loin d’être le plus à plaindre ... et qui pourtant font le plus de bruit?

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