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Léon Bloy en 1912…

Voilà un peu plus d’un siècle que Léon Bloy écrivit le texte entre guillemets qui va suivre. Cette façon de faire du journalisme en prenant tout le monde à contrepied, est impensable de nos jours. Que les chaisières de sainte Gudule se rassurent, les journaux du temps n’en ont pas voulu non plus. Il était limite.
Aujourd’hui, le pamphlet en général se réduit à la dimension d’une plaisanterie. Les avocats prennent le dessus et les crétins abondent. Les violences verbales ont été rabotées, ce qui n’a pas empêché les violences physiques, peut-être même à cause de certains mots hors-la-loi en raison de la crainte d’un emballement populaire.
Dans l’ensemble, quelques grands voyous de la politique et de l’establishment ont de la chance de n’avoir pas vécu du temps de Bloy.
Quelques explications s’imposent de l’écrivain catholique.
Le lendemain du 29 avril 1912, lorsque l’anarchiste Jules-Joseph Bonnot est abattu comme une bête dans sa tanière, Bloy écrit ce texte. On peut croire qu’il ne cherche même pas une audience. Il le confiera seulement au sixième volume de son journal, Le Pèlerin de l’Absolu, qui ne paraîtra que deux ans plus tard.
« L’événement qui remplit toutes les feuilles et toutes les cervelles, c’est la capture et la mort de l’anarchiste Bonnot, chef d’une bande qui terrifiait Paris et la province depuis des semaines : vols, cambriolages, assassinats. En remontant jusqu’à Ravachol, je peux dire que je n’ai rien vu de plus ignoble, de plus totalement immonde en fait de panique et d’effervescence bourgeoise.
Le misérable s’était réfugié dans une bicoque, à Choisy-le-Roi. Une multitude armée a fait le siège de cette forteresse défendue par un seul homme qui s’est battu jusqu’à la fin, quoique blessé, et qu’on n’a pu réduire qu’avec une bombe de dynamite posée par un héros (!) qui a opéré en se couvrant d’une charrette à foin et cuirassé de matelas.
Les journaux ne parlent que d’héroïsme. Tout le monde a été héroïque, excepté Bonnot. La population entière, au mépris des lois ou règlements de police, avait pris les armes et tiraillait en s’abritant. Quand on a pu arriver jusqu’à lui, Bonnot agonisant se défendait encore et il a fallu l’achever.
Glorieuse victoire de dix mille contre un. Le pays est dans l’allégresse et plusieurs salauds seront décorés.
Heureusement Dieu ne juge pas comme les hommes. Les bourgeois infâmes et tremblant pour leurs tripes qui ont pris part à la chasse, en amateurs, étaient pour la plupart, j’aime à le croire, de ces honorables propriétaires qui vivent et s’engraissent de l’abstinence ou de la famine des pauvres, chacun d’eux ayant à rendre compte, quand il crèvera, du désespoir ou de la mort d’un grand nombre d’indigents. Protégés par toutes les lois, leur infamie est sans aucun risque. Sans Dieu, comme Bonnot, ils ont l’hypocrisie et l’argent qui manquèrent à ce malheureux. J’avoue que toute ma sympathie est acquise au désespéré donnant sa vie pour leur faire peur et je pense que Dieu les jugera plus durement.
Cette brillante affaire avait nécessairement excité la curiosité la plus généreuse. Ayant duré plusieurs heures, des autos sans nombre avaient eu le temps d’arriver de Paris, amenant de nobles spectateurs impatients de voir et de savourer l’extermination d’un pauvre diable. Le comble de l’infamie a été la présence, dans les autos, d’une autre armée de photographes accourus, comme il convient, pour donner aux journaux tous les aspects désirables de la bataille. »

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On se demande ce qu’il aurait écrit de la passivité de l’Europe politique devant le massacre en 2015 des chrétiens d’Orient par les psychopathes de Mahomet. Probablement eût-il signé une Pétition… se fût trouvé en première ligne avec ceux de Charlie Hebdo ? De même, il eût aimé la façon de Michel Houellebecq de fustiger l’instinct de soumission des intellectuels occidentaux, dépeint dans son dernier roman, préférant la castration des eunuques, au risque d’une exposition de leurs viandes face aux manieurs de couteaux de Daech.
Il eût sans doute conclu que la barbarie n’est jamais que la face honteuse de l’autre.

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