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Ne travaillez jamais !

C’est à la craie sur un mur de Saint-germain que Guy Debord a signifié que la vraie vie n’est pas axée sur le travail, mais sur tout ce qui peut nous en soustraire.
Mais c’est dans « La société du spectacle », publié en 1967, que Debord a pressenti le temps présent.
Les citoyens sont avant tout spectateurs. Les pôles d’intérêts ne sont plus les mêmes que ceux qui avaient cours à la parution du livre. C’est le mérite d’une œuvre qui partant de l’image d’une société, parvient à en déduire ce qu’elle deviendra cinquante ans plus tard.
Au cours de cette période de l’après-guerre si riche en germes, tandis que Claude Lefort, Cornelius Castoriadis et quelques autres tentaient une ouverture, dans une période dominée par la pensée stalinienne et bourgeoise, Debord avait compris ce que l’appât du gain, allait produire en dégâts neurologiques dans les affections médicales associées au travail, et qu’une sorte de thérapie par le divertissement verrait le jour.
L’imitation de Donald Trump d’un reporter handicapé du New-York Times, aussitôt reprise au Golden Globes par Meryl Streep pour dénoncer l’indignité du président des États-Unis a davantage suscité des réactions qu’un acte politique de grande importance pris dans le silence des cabinets.
C’est ça la société du spectacle que Guy Debord a dépeinte de façon prémonitoire.
Les décisions ne sont plus capables en elles-mêmes de nous faire réagir. Elles ne deviennent percutantes, ouvrant nos esprits à la critique, qu’en passant par un show à un micro, dans les mains d’un communicant professionnel et, si possible, dans une forme humoristique.
Les philosophes et les penseurs sont pris au piège de l’estrade et des paillettes. De là vient l’impossibilité d’établir une sélection sérieuse des individus postulant un emploi dans la démocratie !
Le pouvoir a pris ses aises avec la morale et déserté l’agora traditionnelle. Le discours ne peut qu’être médiatique porté par un support plus important que son contenu.
Celui de Trump est caractérisé par l’effronterie d’une seule vérité : la sienne. Elle est l’unique argument du show qui en découle. C’est le seul qui est à la fois discours et show, le personnage ayant réussi la fusion du discourant et du showmen.
Niant toute pensée contraire, Trump ridiculise l’adversaire sans répondre à son argumentation. Sa position de président lui procure l’autorité nécessaire à en imposer à ses détracteurs. Il se conduit comme un souverain du monde. Et ça a marché jusqu’à présent.

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Cette technique masque en réalité la fin de l’authenticité. La démocratie n’y est même plus abîmée, puisqu’elle n’a plus aucun rôle à jouer dans ces conditions. Elle s’évapore…
La société du spectacle, comme son nom l’indique, est donc une salle dans laquelle nous sommes entassés, les gagmen et les vedettes sur scène font leur métier, tandis que dans la coulisse veillent les techniciens, certains s’affichent pour applaudir et nous entraîner à le faire.
Que nous ayons été dedans ou dehors, nous avons participé au show et montré une complicité passive ou active.
Et pas que pour Trump, c’est un exemple choisi, parce qu’il accumule les poncifs du genre.
Les élections belges quand elles auront lieu et les élections françaises qui se préparent, même à l’échelon des partis, nous en suivons les fact-checkers, nous lisons les éditorialistes, nous croyons avoir une influence sur les événements et de fait, nous n’en avons aucune.
Ainsi, spectateurs massés dans la salle, nous y resterons sans savoir jamais ce que cache les décors, étrangers des crimes et des passions à l’abri de nos regards

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