« Le bruit des vols et le silence des pauvres ! | Accueil | Fillon réveille Duncan ! »

Grand-maman, on t’aime !

Prise entre défaut d’affection et désintérêt des autres, cette société ne sait quoi inventer pour susciter des rencontres et multiplier les contacts. Tweeter n’est pas vraiment « approcher » quelqu’un, au point de le « presque » toucher.
Sous tout cela, une maffia commerçante qui attend qu’une idée prenne pour en soutirer un maximum.
C’est la fête des grands-mères qui vient après la fête des mères et celle des pères, alors que les familles ne se sont jamais autant fait la gueule. En même temps et parmi d’autres célébrations et événements, les 40 jours sans viande. Des écolos végétariens sollicitent notre compassion pour l’animal et nos excès de table, ce qui ne peut que réjouir les céréaliers, aussi pollueurs que les éleveurs de bovins.
Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas honorer ses parents, ni qu’il faille rester insensible à la souffrance animale dans l’élevage en batterie des animaux comestibles.
Cette façon d’être ce qu’on n’est pas toute l’année au jour « j » et changer ses habitudes alimentaires pour une durée déterminée au coup de clairon du départ, cela s’appelle une hypocrisie collective, souvent assumée de bonne foi par une population crédule.
On dirait que nous avons repris en le déformant les exploits des carnavals au moyen-âge, comme un moyen d’oublier que nous sommes les vassaux d’un État dédié à la consommation et dirigé par une hydre capitaliste. Au lieu de la permissivité pour tout dans le domaine de l’interdit, nous avons inventé l’effort de se contraindre à aimer sa grand-mère le jour désigné et à ne pas rêver au steak-frites pendant un mois et dix jours !
Comme si nous avions besoin dorénavant d’un courant ou d’une mode pour réfléchir à notre place et infléchir nos habitudes !
J’aime ma grand-mère toute l’année et pas seulement le jour choisi des pâtissiers, pour garnir leurs gâteaux des symboles de la vieillesse.
Quant à manger de la viande ou pas, c’est une hygiène de vie qui appartient à chacun. Faut-il rappeler que nous sommes des omnivores et que manger de la viande, nous est aussi naturel que boire de l’eau ?
Mais, il n’y a pas que cela. Le sport est un grand consommateur d’idées préconçues et d’idées suggérées par le commerce et l’industrie.
Du marathon JO, des 20 kilomètres de Bruxelles aux 10 miles d’Anvers, la compett est à la portée de tous ceux qui se veulent « modernes » et dans le vent. Dans certains bureaux, surtout dans les Start-up, c’est très mal vu de préférer les pantoufles et les mots croisés pendant ses heures de loisir, au « plaisir » de se bouger les fesses sur un terrain de sport.
Aveu de la fourmilière, les manifestations de masse de ce type ont une influence positive et durable. Quand on fait du sport, on boit moins. On s’abstrait aussi de trop réfléchir à la condition humaine.

002acs.JPG

Comment en est-on arrivé à perdre à ce point toute raison et toute force de caractère au point d’avoir besoin d’un dérivatif suggéré par les coachs sociaux, pour ne pas boire avec excès et se jeter aux heures matinales sur les trottoirs, à courir, quand on n’en a pas envie ?
La réponse est dans la violence et dans la contrainte sociale qui nous poussent dans un moule et nous façonnent bons travailleurs, disciplinés et obéissants, toutes qualités requises dans un monde tout à fait orienté vers et pour le travail, sauf que cet effort ne poursuit aucun but transcendant. Il se réduit à une « réussite » personnelle, aléatoire pour tout le monde et bénéfique à quelques exceptions.
Alors, on boit, on fume, on se drogue, on s’abrutit dans toute sorte de jeux violents, et même on fait du sport, pour oublier sa condition misérable et sans issue, un peu comme on le faisait avant – rien de nouveau sous le soleil – sauf que le progrès va dans toutes les directions, y compris dans l’art de se désennuyer de la « sale » vie, c’est-à-dire qu’il est beaucoup plus efficace aujourd’hui qu’il ne l’était au temps de la Grèce Antique, quand on en était aux grains l’ellébore pour oublier sa condition d’esclave.
Nous poursuivons une chimère à boire sec ou en sirotant des boissons non alcoolisées. Assez bizarrement la débauche et l’ascétisme sont les ornements conjoints qui s’opposent à l’ataraxie du philosophe (tranquillité de l’esprit).
Notre mal être, même si nous le percevons dans notre chair, ne vient pas que de notre nature mélancolique. Il tient pour l’essentiel dans la manière dont nous appréhendons le progrès. Celui-ci nous échappe. Nous n’en sommes plus les maîtres. D’autres le sont pour nous.
La fête des grands-mères, dans toute son innocence et même dans ses meilleures intentions, fait partie d’un ensemble, dont le poids finira par ensevelir notre civilisation sous ses décombres.

Poster un commentaire