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Le voyou de la République.

Il m’arrive de désigner François Fillon d’un mot sur lequel il faudrait que je m’explique. Depuis son sens premier, il a évolué vers la désignation de quelqu’un qui conduirait l’électeur, s’il était élu, à la voyoucratie.
C’est le mot « voyou ».
À l’origine, ce mot désignait un homme d’une classe sociale inférieure et de moralité condamnable (1832). Ce n’est que dans les années 1850 que l’expression s’est élargie au titi parisien, enfant des trottoirs.
Flaubert a inventé « voyoucratie » en 1865 pour évoquer une association criminelle dans laquelle des voyous exercent des emplois d'autorité. Pourquoi ne pas tirer un peu plus sur la ficelle et faire du mot l’apanage d’une démocratie corrompue ? C’est ce qu’ont fait des partisans d’un système politique « plus propre ».
Seul hic, le mot baignait, jusqu’à aujourd’hui, dans l’opprobre de « la lie », comme s‘expriment encore parfois la droite et l’extrême droite pour me désigner et quelques-uns qui se réclament du peuple.
Puisque de l’aveu même de ceux qui promeuvent le grand marché, le mélange des intérêts et la concurrence tout azimut : les classes sociales ont disparu, il devient évident que le mot « voyou » ne pourrait rester dans son acceptation moderne, une expression qui ne désignerait que les gens du peuple
Et les fils de notaire, comme Fillon, en seraient toujours exclus, rien que par un privilège de naissance ?
C’est d’autant plus vrai qu’après Flaubert, des humoristes, brocardant Thiers, avaient montré la voie, en imaginant des ministres voyous qui, à son époque comme à la nôtre, sont loin d’être des personnages venus des trottoirs.
Voyons maintenant si François Fillon est un voyou.
La présomption d’innocence d’abord. En présentant ses excuses aux Français, Fillon reconnaît implicitement que ce dont on l’accuse est une réalité et qu’elle n’est pas neutre puisqu’il regrette d’y avoir succombé, enfin, qu’il est mis en examen ainsi que sa complice d’épouse, sous des chefs graves d’accusation.
Alors oui, ce dont on l’accuse est important et gravissime. Si les voyous pouvaient s’en tirer rien qu’en présentant des regrets et des formes d’excuse, il n’y aurait plus personne à comparaître en correctionnelle.
C’est Jacques Julliard qui l’écrit « …on n’est pas dans la rigolade, mais dans le pathétique. Un programme rigoureux… supposait un héraut rigoureux et personnellement crédible… ».
L’affaire Pénélope, celle des enfants Fillon, les costumes de Bourgi, les accointances avec Poutine et la dernière, la montre à 10.000 €, ça fait beaucoup.
Enfin, ce culot de poursuivre l’ambition d’être le premier, celui qui règne sur tout, police, magistrature, gouvernement, on retrouve bien là une des caractéristiques du voyou, culot monstre sur fond d’innocence complète, la main sur le cœur en évoquant les grandes figures de la France.

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Sa défense aussi porte la marque de la truanderie. Il joue les victimes avec le sang-froid de celui qui montant à la guillotine pour meurtre dit à ses codétenus « N’avouez jamais ! ». Lui regrette sans doute d’avoir produit une excuse du bout des lèvres. Il est passé à l’offensive en attaquant tout le monde, des magistrats au cabinet noir de François Hollande. De coupable, il se mue en victime, enfin pendant les 20 jours qui restent avant le premier tour.
Et dire que ce voyou est encore à 16, 17 % d’opinion favorable !
Pour finir, Fillon à l’instinct des malfrats pour un condé (un permis de séjour dans le milieu) ! Et pour cause, si Fillon ne touche pas au poste convoité qui lui garantit cinq ans peinards, son compte est bon. Il pourrait bien être le premier des grands dignitaires de la république à faire de la tôle. Que je sache ses illustres prédécesseurs se sont tous tirés des embarras judiciaires avec des condamnations avec sursis.
Son parti Les Républicains, au nom de l’alternance, prétend caser un des siens au sommet. Il enrage du mauvais choix de la primaire.
Ce parti est en sursis, comme le PS, mais pour l’unique raison de ce mauvais choix.
Quand le pénélopegate s’est déclenché, Fillon pouvait encore respecter sa parole « si je suis mis en examen, j’abandonne la partie ». Il ne l’a pas fait. Il s’est arrangé pour que ses pairs tergiversent, jusqu’à ne plus pouvoir faire machine arrière.
À vingt jours de l’échéance, il paraît qu’il va « casser la baraque » et éblouir ceux qui lui ont fait confiance.
On attend pour voir.
Et si déjouant les pronostics défavorables, Fillon sortait son épingle du jeu pour se qualifier au second tour, on pourrait dire « Pauvre France ».
À tout prendre, pour les Républicains, ce serait la pire des victoires.

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