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Cicéron ressuscité !

Oh ! le beau discours…
Emmanuel Macron devant la Chambre et le Sénat, réunis en congrès à Versailles, a interprété plutôt qu’il ne le lut, un texte d’une heure et demie écrit probablement par Quentin Lafay, 27 ans, sciences Po, et deux masters – un de politique publique et développement (jamais achevé) à l’Ecole d’économie de Paris et un second en sociologie à l’EHESS – le genre de gars aux solides références et à l’excellente mémoire.
Cela n’enlève rien au mérité du président, il a selon toute vraisemblance changé quelques passages, ajouté, çà et là, quelques belles réminiscences littéraires. Il a surtout débauché Lafay qui turbinait chez Marisol Touraine.
On devine Macron répéter son texte dans les appartements privés de l’Élysée avec Brigitte, plus prof que jamais.
Cela n’enlève rien à la performance. Il y a du Bossuet dans cet homme là, parfois tonnant la main levée, du Bourdieu aussi dans son amour des incises et des embrouillaminis, périodes au cours desquelles la voix se relève ou murmure. Les silences entre celles-là ou tout simplement parfois entre deux mots, montrent une parfaire connaissance de la vitesse de compréhension moyenne à replacer l’atticisme du mot difficile dans son contexte, malgré le haut niveau de l’auditoire.
Pour que le discours soit à la fois bien écrit et d’une hauteur digne d’un président de la république, il y faut une pensée élevée, une exaltation de la patrie, mais sans ostentation, enfin le public doit sentir une bonté sous-jacente, malgré l’implacable détermination lorsqu’il fallut que l’orateur abordât la question du terrorisme.
Rien à dire. Tout fut parfait.

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Les journalistes interrogés à chaud ont senti le poids de la philosophie dont Macron est imprégné. Ce n’était pas du BHL, mais du Tocqueville.
Reste le fond. Qu’est-ce que Macron a vendu aux Français ?
Une conviction européenne, un appel au ressaisissement du peuple, une promesse de retrouver une grandeur oubliée, mais pas perdue, une ode au travail et aux nécessaires sollicitudes pour ceux qui souffrent socialement, j’entends bien. Mais encore ?
Un parlement resserré, une proportionnelle plus équitable que le système actuel, une volonté de réformer les Administrations, tout cela a été dit. Mais encore ?
Le président fixe un cap, c’est au premier ministre à l’atteindre.
Pour l’essentiel, à part l’extrême plaisir de voir un haut personnage parlant un bon français, ce qui nous repose de nos belgo-flamands à l’élocution laborieuse, c’est tout.
Ce qui est vrai, ce que l’on peut toucher du doigt, ce sont les Ordonnances sur la Loi du Travail qui passeront dès septembre et qui seront de nature à simplifier le code du travail, et pas seulement, à en escamoter aussi certains attendus qui protégeaient les travailleurs contre les patrons voyous jusque là.
C’est encore presque la fin du CDI (contrat à durée indéterminée) pour le CDD, contrat temporaire. Le salarié qui signe un CDD s'engage à travailler pendant une période spécifiée au bout de laquelle il devra quitter l'entreprise.
Ainsi, Macron espère aligner la France et l’Allemagne sur un terrain social qui a produit chez Angela Merkel une nouvelle catégorie de travailleurs pauvres ne réussissant pas à boucler leurs fins de mois avec un seul salaire.
L’immédiate perspective du beau discours de Macron, c’est cela. Le débat est prévu pour septembre, avec un premier ministre qui a la niaque.
Le reste, la grandeur, l’amour de la France, le sentiment d’œuvrer dans un grand pays pour une noble tâche, c’est après… après que Macron ait mis les plus pauvres par terre.
Encore une remarque, dans sa profession de foi avec un parlement rénové, Macron a évoqué le mixage des professions bien représentées, selon lui.
Quand on fait le tour des professions des parlementaires, on s’aperçoit que les ouvriers et les employés de base y sont en si petit nombre qu’ils tiendraient sur les doigts d’une seule main.
Au cours de ce haut moment oratoire, j’avais l’impression d’un foutage de gueule.
Il est vrai que je ne suis pas français et qu’en Belgique, les foutages de gueule, on connaît.

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