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Médor se rebiffe.

Cela commence comme un conte cruel.
Il était une fois, il n’y a pas très longtemps, des pauvres gens qui s’étaient réfugiés dans une cabane au milieu de la forêt, avec leurs deux enfants et leur chien.
Le gîte étant en mauvais état, un rendez-vous de chasse abandonné depuis longtemps. Ils le rétablirent avec des planches et des rondins, mirent le toit en mesure de ne plus servir de pomme d’arrosoir. L’ingéniosité supplée parfois au manque d’argent, quand ce qu’on entreprend est ressenti comme profondément utile.
L’endroit de sinistre devint agréable.
Deux années se passèrent ainsi calmement sous l’œil bienveillant des paysans. Cet endroit avait une mauvaise réputation depuis le temps jadis où des chasseurs y avaient tiraillé, en toute saison, blessant à l’occasion un saisonnier, qu’ils avaient pris pour un cerf. C’était, du moins, ce que les vieux du village racontaient à la veillée.
Les nouveaux occupants étaient aimables et aidaient à rentrer les foins à la belle saison.
Vint à passer par là, la fin du troisième été, le propriétaire des lieux. Certes, de mémoire d’homme il n’y avait plus mis les pieds depuis qu’il y avait planté une forêt de pins dont il n’espérait la coupe que dans dix ou quinze ans.
Ainsi remise à neuf, la cabane lui plut. Il vit qu’elle était habitée et se renseigna aux alentours sur ceux qui l’occupaient. Il ne fut pas long à comprendre et courut se plaindre chez son avocat.
Après une brève procédure, d’autant plus brève que ce propriétaire était riche et puissant, il tint, papiers d’expropriation à la main, à assister lui-même à l’expulsion pour atteinte à la propriété d’autrui, crime suprême, le juge Panier vous le dira.
Certes, ces pauvres gens avaient bien reçu en temps voulu les avis, requêtes et sommations d’un huissier chargé de cette délicate mission, mais ces squatters bâtisseurs ne savaient pas lire, tout au moins les textes de loi. Le chien d’habitude si paisible, flairant cela, se dévoua à la défense de ses maîtres. Il prit l’huissier en grippe, sentiment qui fut réciproque.
Lorsqu’il fut question de décamper, sans tambour ni trompette et que force devait rester au propriétaire des lieux, aussitôt les pauvres gens effrayés des conséquences possibles de l’illégitimité de leur occupation firent leurs paquets et se disposèrent au départ dès le lendemain.
Ce jour là devait être un jour de gloire pour le propriétaire qui tint à assister à ce départ en réaffirmant ses droits devant le village rassemblés. La famille allait bientôt disparaître au bout du chemin, résignée, quand le chien ne l’entendit pas de cette oreille.

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Surgissant de nulle part, la bête mordit sauvagement le propriétaire des lieux, dédaignant la culotte de l’huissier, qui était d’habitude son objectif, avec cette finesse qu’ont parfois les chiens qui fonctionnent à l’instinct, comme chacun sait.
Bien entendu, la maréchaussée se fit un devoir d’ajuster la bête et de lui faire payer sur le champ, la rébellion que n’avaient pas eue ses maîtres.
On emporta le propriétaire, hurlant que la racaille l’assassinait, sur une civière improvisée que l’on fit avec la porte de la cabane.
L’histoire s’arrêta là !
On ne sait pas si le propriétaire des lieux rétablit dans ses droits occupa la cabane dès sa sortie de l’hôpital. Selon les paysans plus personne ne le revit.
On ignore même tout de son destin en ville, là où il avait pignon sur rue.
Des esprits malins, comme il s’en rencontre parfois dans des milieux gauchistes, c’est-à-dire loin des préoccupations des gens honnêtes, prétendirent que le propriétaire mourut de la rage, dans des souffrances encore plus atroces que le chien d’une balle dans la tête.
Mais, comme disent toutes les bonnes feuilles qui font honneur à notre démocratie, tous les propos tenus par ces gens-là étaient trop excessifs pour qu’ils fussent crédibles.
Vous savez ce que c’est, quand on écrit sans plan et sans connaître l’épilogue, on fait parfois des prolégomènes le récit tout entier !.
Un animal qui remplace ses maîtres et fait montre de la dignité que ceux-ci avaient perdue, ce n’est pas courant.
Parfois, l’instinct est plus sûr que la raison. Il nous fait en tous cas mesurer qu’au-delà d’une certaine limite, tout animal se rebiffe.
La bête qui n’était rien, avait pourtant senti que ce rien était quelque chose, et que ce quelque chose était plus important que tout le reste.

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