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Tolérance zéro ?

En écoutant Denis Ducarme (MR) éructer ses raisons en faveur de la « tolérance zéro », j’ai réalisé ma trop grande tolérance à son égard. J’ai fermé la télé et fait un tour sur la Batte.
Les débats portaient sur les échauffourées à Bruxelles, après la victoire du Maroc au football … à Abidjan !
Deborsu toujours disert coupait tout le monde, surtout Karine Lalieux, qu’il ne supporte pas depuis qu’elle analyse mieux que lui la situation, tandis qu’il avait des égards pour Denis Ducarne, trop proche de ses idées pour être honnête.
C’est bien le malheur de ce fichu pays d’avoir des loustics incultes et prétentieux tenir à la télé des discours à mourir de rire, alors que l’heure est grave.
Le Belge moyen apprécie l’à-peu-près. Il est séduit par l’art de la parole quand elle a des accents péremptoires. Ceux-ci donnent à la foule ébaubie l’illusion qu’elle est gouvernée par des élus au top.
La tolérance zéro est encore une de ces foutaises qui nous vient des États-Unis où elle a germé début des années nonante, dans les cervelles dérangées de deux étudiants. Et de citer en exemple la ville de New-York dont la criminalité aurait notablement baissé à cette époque, en appliquant le pricipe.
Pour ne pas refaire l’histoire, les cops (flics NY) dans ces années là sont passés de 30.000 à 40.000, soit un flic pour 180 habitants. À Bruxelles aujourd’hui, environ un million d’habitants, il y aurait toutes polices confondues, communale, fédérale, PJ et des transports, un flic pour 383 habitants.
Encore de nos jours cette politique est critiquée aux USA. Elle n'a pas été la méthode radicale et miraculeuse, loin s’en faut. Aux États-Unis, comme en Belgique, le coefficient entre criminalité et paix publique est lié à la prospérité ou au paupérisme des couches sociales vulnérables aux variations du système économique.
Dans le district de New-York, les années 90 ont vu le chômage baisser et le niveau de vie augmenter du fait de l'importante croissance économique. La criminalité est repartie à la hausse après le krach boursier de 2008/9 et la dépression qui a suivi.
Le jeu du MR et des journalistes réunis en meute autour du symbole de « la tolérance zéro » est simple. Les politiciens libéraux veulent détourner l‘attention du public en suggérant des mesures dont la plupart ne seront pas appliquées faute de moyens, sur la capacité de répression, plutôt que sur l’application de mesures sociales capables de freiner la paupérisation.
Et puis ça fait bien d’entendre ça et les gens s’en reviennent tout ragaillardis remplacer des carreaux à leurs fenêtres.
Est-ce que tous les jeunes Marocains et assimilés lors de l’émeute à Bruxelles étaient des casseurs, certainement pas. On oublie que la foule, qu’elle soit celle d’une manifestation politique ou d’un événement sportif laisse faire les casseurs ou les empêche de casser, en fonction d’un bon état d’esprit ou d’un malaise croissant du quotidien.
Dans le second cas, on considère que le casseur traduit une manière d’exprimer la joie ou la colère compréhensible de la foule.
Sauf à RTL-TVi, des spécialistes de la criminalité critiquent la politique de tolérance zéro, pour ses effets pervers. Madame Lalieux, qui fut criminologue, en sait mieux là-dessus que tout le plateau réuni.

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Dans la mise en œuvre d’une politique de répression, les policiers sont pressés par leur hiérarchie de produire du rendement, afin de justifier aux yeux du Parlement l’accroissement des dépenses en effectifs. Les plaintes à l’encontre des policiers pour des brutalités s’accroissent et engorgent les tribunaux déjà encombrés des délinquants réprimés.
L’atmosphère entre citoyens et policiers se trouble des rapports conflictuels par l’effet produit de l’agressivité de ces derniers. Inversement, la moindre agressivité de la part des personnes contrôlées, déchaîne les représailles des policiers, alors que chercher à faire baisser la tension est plus efficace.
La tolérance zéro est aussi l’occasion de renouer avec le vieux fond raciste du contrôle au faciès.
Comme les regroupements à Bruxelles étaient principalement ceux de la communauté marocaine, on voit jusqu’où pourrait aller l’amalgame, avec une police à cran.
Enfin, le risque de voir la police considérer comme des émeutiers en puissance, les « guindailleurs » du samedi soir, n’est pas moindre.
Par exemple, à Baltimore, la tolérance zéro a conduit à un affrontement entre la police et les habitants !
Bref, cela fait toujours bien quand on est libéral d’afficher la volonté farouche d’appliquer la tolérance zéro. Les applications se révèlent liberticides et onéreuses, pour souvent devenir un sujet dans le sujet de la violence, mettant la police et le ministère de l’intérieur dans l’embarras.
Enfin, selon les expériences vécues, elle n’enraie en rien la violence urbaine, en ce sens qu’elle ne s’attaque pas au mal lui-même : la paupérisation due au système économique.
Si pour Ducarme, Reynders et les libéraux en quête de clientèle, une vitre brisée d’un commerçant fait un électeur mécontent, il va de soi qu’ils feront tout, pour faire croire que leur action permettra que l’émeutier se retrouve en prison.
Il s’en faudrait de beaucoup, pour qui casse un carreau soit incarcéré ; alors que ceux qui volent des millions au Trésor public, se pavanent en chic costume en attendant la prescription de leurs méfaits.

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