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Requiem pour le temps présent.

Des études comparent les acquis des Trente glorieuses et ce qu’il en reste en 2018, un demi-siècle plus tard.
La conclusion aurait dû être favorable, puisqu’on produit plus, à meilleur coût et dans des conditions de mécanisation poussées rendant le travail moins pénible.
Or, il n’en est rien. Pourquoi la pauvreté a-t-elle progressé dans ces cinquante dernières années, malgré la prospérité industrielle non pareille ?
Tout incite à penser que les contrats renouvelables, les alternances entre chômage et travail, la lente mais inexorable remise à niveau des employés de l’État sur le privé et non l’inverse, les épouvantails comparatifs de la mondialisation (le plus haut étant toujours réadapté sur le plus bas), les suppressions en matière sociale des prépensions et des perspectives du chômage, l’évidente stagnation voire diminution des pensions, surtout les petites, tout enfin, laisse à penser que le travailleur subit une régression de ses acquis.
Encore que s’il était prouvé que cette prospérité industrielle n’était que le produit de cette régression, on pourrait en tirer au moins la conclusion d’une efficacité économique.
Cette situation est le produit de différents acteurs dont le principal – l’opinion publique – est sous la coupe d’un concept de droite dans l’organisation politique.
Cela est visible de l’Europe à la Belgique.
Cette domination toute intellectuelle déséquilibre les rapports entre le travail et l’argent, stigmatise les gens sans travail et ridiculise les syndicats dans des actions rendues difficiles par le remplacement du bénévolat de base par des universitaires, véritables employés de maison sans culture ouvrière. Tout cela dans une rage purificatrice d’un libéralisme complètement dégagé d’une social-démocratie larguée et dont les socialistes font les frais pour y avoir crû !
Cela va même jusqu’à précariser les petits retraités qui vont devoir compter pour rien les périodes chômées ; alors que les pensions complémentaires par point d’épargne, adoptées par Bacquelaine, sont des copies du système américain.
Ce qui se passe actuellement en Europe et en Belgique est la somme de toutes les petites capitulations et les compromis entre le pouvoir et ceux qui en sont les victimes.
Le bilan est visible sur les statistiques en matière de pauvreté et de faillite sociale. Les travailleurs de base ne sont pas les seuls atteints, les petits commerçants devenus les gérants pauvres de ce qui fut le socle de la société bourgeoise de l’entre-deux guerres sont dans la déshérence, habilement déstabilisés par le discours libéral de la fin de la lutte des classes. Alors que le seul argument que l’on comprendrait serait de dire qu’ils soutiennent Charles Michel, parce qu’ils ont des prêts à rembourser.

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Un de mes lecteurs assidus – que je salue au passage – faisait allusion dans un de ses derniers blogs, d’un couple brocantant sur un espace réservé de son village. À son étonnement, ce couple tenait des propos d’extrême droite, certainement aux antipodes de ceux qu’ils auraient dû tenir, compte tenu de ce qu’on pourrait appeler le « niveau social », alors que les livres qu’ils désiraient vendre étaient assez éclectiques et témoignaient d’une ouverture d’esprit (à moins qu’ils aient été confiés au couple pour être vendus).
Ce témoignage ne manquait pas d’intérêt pour la compréhension de la droitisation de la société. Quels ont été les éléments extérieurs déterminants à leur état d’esprit de départ pour qu’ils instrumentent une doctrine contre eux-mêmes, c’est-à-dire leur classe sociale ?
C’est le phénomène d’aujourd’hui.
La démocratie est à un virage qui n’augure rien de bon, une sorte de suicide collectif aux noms d’intérêts qui ne sont pas ceux des travailleurs, ni de cette classe moyenne qui disparaît dans un naufrage généralisé.
La solidarité dans le malheur, la volonté d’obtenir peu pour chacun plutôt que beaucoup pour quelques-uns, cette attention pour les plus démunis et ce respect des anciens qui ont travaillé avant nous, tout ce qui fut en un mot l’idéal socialiste partagé parfois par des majorités et jamais complètement minoritaire, est en train de faire place à l’individualisme le plus sauvage, l’idée assez farfelue mais répandue qu’il n’y a qu’une seule façon de réussir, c’est de le faire seul et souvent au détriment des autres.
De ce point de vue, les comparses de Charles Michel pourront se dire qu’ils ont réussi. L’homme moderne qu’ils ont contribué à mettre debout est, par son aspect général, assez proche encore de l’homme d’hier, sauf qu’une chose échappe à ces esthéticiens de l’âme.
Cet homme là pour survivre ne peut que détruire ce qui l’entoure, des hommes qui l’accompagnent, à la nature qu’il croit maîtriser et transformer à sa guise.
N’en déplaise aux brocanteurs de tout à l’heure, à Charles Michel et plus haut encore à Juncker et à Trump, cet homme là est un homme perdu !

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