« Ah ! la démocratie cache-misère. | Accueil | Les troufions de dieu. »

Désir : pas simple du tout.

C’est en lisant chez Folio le livre de Philip Roth (1) « Professeur de désir » que, par réminiscence, Richard3.com a retrouvé dans l’œuvre de Spinoza, la philosophie du désir. L’homme n’est pas « causa sui », parce qu’il ignore « volontairement » ce qui cause son désir.
Ça a l’air compliqué de prime abord, mais cela ne l’est pas.
Imaginons l’attirance du pied – pour rester correct – de la personne qu’on aime. Du pied à la chaussure, il n’y a qu’un pas si je puis dire, n’y a-t-il pas dans cette attirance un fétichisme que nous ne voulons pas voir, tant ce penchant heurte une définition sans ambiguïté de l’amour, de l’image que nous nous en faisons et de la nature « saine » que nous nous supposons ?
Croyez-vous que ce désir parmi d’autres soit moderne ? C’est-à-dire qu’il ait été « inventé » depuis que nos compagnes montrent leurs pieds sur les plages et possèdent, pour certaines, des dizaines de paires de chaussure ?
Bien sûr que non. Dans la scansion du ver grec, on peut relever certains fantasmes qui ne datent pas d’hier.
Encore une fois, je parle du pied pour ne pas heurter certains lecteurs. « L'origine du monde »
de Gustave Courbet (1866) que Lacan cacha dans son bureau est de nature à concentrer plus de désirs qu’hypodêma et cothurne. Il faudrait plus d’une chronique pour en écrire.
L'éthique du désir chez Spinoza ne ramène pas sa fraise à l’espagnole. En apparence seules les mœurs sont rigides. Le sexe enlève son chapeau devant la volonté divine. Le philosophe amstellodamois (1632-1677), va essaimer, deux siècles et demi plus tard, à la suite d’une lente maturation des philosophes, et ouvrir le champ à la psychanalyse plus propice à Jung, qu’à Freud (2).
Spinoza adoucit nos mœurs, en rejetant toute transcendance divine. Identifiant Dieu à la Nature, il déculpabilise les consciences inquiètes qui au cours des âges des plus lointains à nos jours, doutaient de l’invincibilité de la foi.
En bon cartésien, il a réfléchi sur le désir à une époque où il était limité au désir d’enrichissement, seul compatible de l’« agapè » (l’amour désintéressé chez les Grecs) avec l’amour absolu de Dieu. Il relâche enfin l’esprit de tous les philosophes qui lui succéderont y compris les plus « rigides », les grands penseurs de la foi, Maritain, Aron ou Foucault.
Ce qui détermine structurellement le sujet est inconnu par le désir. C’est dire que la saisie de soi d’un sujet aborde nécessairement ce que Lacan appelle "s’égaler à la structure".
En réalité, on ne réfléchit pas sur le désir lui-même, par contre tout ce qui peut permettre son assouvissement rencontre des imaginations illimitées.
Tombé récemment dans le club des « amis/amies » de Facebook, je me demande quelle est la notion de désir qui entraîne à se voir traiter et à traiter d’amis et d’amies, des personnes que vous ne verrez jamais et qui ne sont là, le plus souvent, que par désœuvrement (3) ?

1jfeti2bbh.jpg

Alors que ce pourrait être un bon conducteur de désirs pour des rapprochements collectifs et sociaux, très éloignés des prédateurs, exsudant leurs particularités, en offrant des services à concurrence de la réciprocité.
La causalité psychique et l’intemporalité de l’inconscient réactivent un modèle de causalité. Pour éclaircir la nature de cette causalité psychique, on se réfère à l’interprétation de Bergson et Whitehead, sur la notion de causa sui. Dans les deux cas, Spinoza est la référence.
La joie selon Spinoza, n’est peut-être pas si éloignée de la familiarité de l’analysant avec ce qui le détermine, et qui transforme ses jouissances.
J’ai écrit, il n’y a un mois, un texte de situation où l’on voyait une bipolaire et un atrabilaire dialoguer dans une voiture sur nos routes, un dimanche.
S’il y avait bien du désir dans chacun des protagonistes, il n’entrait pas dans le cadre d’un huis-clos à connotation sexuelle qu’est l’intérieur d’une voiture, entre un homme et une femme. Les deux désirs ne se complétaient pas mais s’affrontaient. Une sorte de voyeurisme en était issue, à la fois plus élémentaire mais plus vive que les deux autres. Leur haine réciproque était devenue l’ordre suprême de leur désir.
Il n’est donc pas pertinent de parler de "joie" pour marquer la fin du parcours du désir.
Il n'y a rien de plus incertain que la réalité humaine, dit Jacques Lacan.
Il y a le désir de haine et le désir d’amour. Ils se confondent souvent. Ils sont inséparables.
L’essentiel n’est-il pas qu’on ait des désirs ? Les plus incongrus pour certains, comme aimer un pied que l’on chausse et déchausse dans ses chaussures vernies noires à talons de six centimètres, incompréhensible pour la plupart des gens, traversent à l’instant votre esprit si vous avez eu le courage d’aller jusqu’au bout de cette chronique.
Peut-être cela influencera-t-il votre réflexion sur le désir, focalisée en ce moment sur l’avènement aux responsabilités de l’un ou l’une des candidat(e)s.
C’est aussi le but de cette chronique.
---
1. Revenant à hier sur la photo de la militante PTB Mathilda El Bakri, que j’avais captée sur mon téléviseur, je me suis rendu compte de l’importance des femmes de tous les partis, dans le combat pour la survie de la planète.
2. Pour des raisons de cultures différentes uniquement.
3. Seuls les politiques y ont une démarche claire et compréhensible.

Commentaires

Je ne retiens qu'un bout de phrase "le plus souvent, que par désœuvrement (3) ? , c'est stupide et vexant, à mon tour, pourquoi êtes-vous sur le réseau social par intérêt alors ?

Cher Camarade,
Vous avez mal lu ou vous avez oublié "le plus souvent". Cela change tout. Un utilisateur de FB, aussi averti que vous, aura sans doute fait le constat que de nombreux utilisateurs, ne pensent pas ce qu'ils écrivent, considérant ce contact comme un pur divertissement. Il faut bien qu'il le soit aussi; mais,reconnaissons également que, comme dans la vie, il y a dans FB bien des cas d'opportunité, synonymes d'indifférence "intéressée". A contrario les vraies amitiés qui s'y nouent peuvent être profondes aussi, comme dans la vie physique.

Poster un commentaire