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Quand l’élite a peur !

Plus la Wallonie que la Flandre, on voit le pouvoir Régional plutôt inquiet de la tournure que prend la politique en France. Cela se sent dans les programmes des partis de pouvoir proposés aux électeurs, avec l’étonnante position du bureau du MR liégeois favorable à l’augmentation des salaires proposée par la FGTB !
Ces libéraux se fichent du monde. Une décision de ce type n’est négociée qu’à la maison mère, où là, c’est une autre musique. On a remarqué que la prise de parole s’était faite en l’absence de Christine Defraigne, à moins que dans la pièce à côté, elle n’ait pu intervenir à temps.
Bref, ça sent la peur. Une peur que l’effervescence française ne passe sous les portes des partis dévoués à l’économie de marché de libre échange classique. La peur des élites belges de l’insurrection des voisins, puis bientôt des gens d’ici, dirait Brel, après ces gens là !
Si en France, l’urgent est que les gens rentrent chez eux, ici c’est qu’ils n’en sortent pas ! Difficile avec ce gouvernement fanfaron qui confond l’expédition des affaires courantes avec une activité pleine. Épinglons Reynders discutant de la sortie du Royaume-Uni à l’Union Européenne, alors qu’il a besoin de l’appui des autres pays de la Communauté dans son projet de candidature à l’emploi de Commissaire européen. L’inélégance de Borsus signant dare-dare le traité de libre échange avec le Canada au nom de la Région wallonne, ouvrant celui des États-Unis, alors que des réponses restent pendantes sur les marchés et leur influence sur les salaires et l’emploi, comme sur le climat.
Le patronat s’affole en France et la FEB n’est pas sereine. La presse et la télé favorables à Macron débattaient de la situation « Tous les grands groupes vont distribuer des primes, parce qu’ils ont vraiment eu peur à un moment d’avoir leurs têtes sur des piques. Ah oui, les grandes entreprises, quand il y avait le samedi terrible, là, avec toutes les dégradations, ils avaient appelé le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, en lui disant : “Tu lâches tout ! Tu lâches tout, parce que sinon…” Ils se sentaient menacés, physiquement. » (Journal l’Opinion).
Le verdâtre de la classe possédante n’est pas encore en Belgique comparable à la trouille française. C’est une montée et une descente des peurs comme un huit aérien. Chaque samedi voit le wagonnet hésitant à se précipiter vers les abîmes ou remonter en confiance !
Un Castaner en forme qui compte à son actif, une ou deux mains arrachées et deux ou trois borgnes de plus et voilà la confiance de la bourgeoisie qui remonte. La magnifique diversion que des imbéciles (on se demande si ces gens n’étaient pas payés par le gouvernement) ont produite en taguant des croix gammées sur la photo de Simone Veil, en sciant un arbre commémorant la victime d’un fait divers d’origine juive et enfin cet excité vociférant des insanités au philosophe Alain Finkielkraut, sont du pain béni pour la nomenklatura parisienne. C’est un peu le transfuge de la fièvre d’un malade sur un autre !
Faute aussi des GJ d’avoir conspué madame Levavasseur qui après son épisode de candidature s’était tout bonnement remise à sa place parmi les contestataires.
Mais la peur des élites retombée renait à chaque samedi et peut-être en sera-t-il de celui-ci, puisque ces lignes ont été écrites dans le courant de la journée.

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Qu’on ne se méprenne pas sur cette peur des élites, elle les humilie. Le pouvoir, même s’il est photographié au sommet des perrons serrant des mains populaires, ne pardonnera jamais les moments de trouille intense, qu’il a vécus. Ne sont pas près d’oublier, ceux qui se sont retroussés les manches comme Castaner, pour laver le sang des abattoirs. Non seulement les GJ doivent se méfier d’eux directement et pour toujours, mais encore, ceux qui ont été témoins de cette peur auront à redouter toute leur vie le coup de pied de l’âne.
J’aime assez la conclusion du Monde Diplomatique, très insight, pour la servir telle quelle « Le mouvement des « gilets jaunes » — durable, insaisissable, sans leader, parlant une langue inconnue des institutions, tenace malgré la répression, populaire malgré la médiatisation malveillante des déprédations — a donc provoqué une réaction riche de précédents. Dans les instants de cristallisation sociale, de lutte de classes sans fard, chacun doit choisir son camp. Le centre disparaît, le marais s’assèche. Et alors, même les plus libéraux, les plus cultivés, les plus distingués oublient les simagrées du vivre-ensemble… tel Alexis de Tocqueville quand il évoque dans ses Souvenirs les journées de juin 1848. Les ouvriers parisiens réduits à la misère furent alors massacrés par la troupe que la bourgeoisie au pouvoir, persuadée que « le canon seul peut régler les questions [du] siècle », avait dépêchée contre eux. Décrivant le dirigeant socialiste Auguste Blanqui, Tocqueville en oublie alors ses bonnes manières : « L’air malade, méchant, immonde, une pâleur sale, l’aspect d’un corps moisi. Il semblait avoir vécu dans un égout et en sortir. Il me faisait l’effet d’un serpent auquel on pince la queue. » Fin de citation.
Les GJ en France replongent l’Europe dans la « lutte des classes », niée par les socialistes et les libéraux et pourtant qui crève les yeux aujourd’hui. C’est même devenu le critère majeur de la gauche, son combat déterminant ! C’est la raison pour laquelle le PS de Di Rupo a si difficile de s’en prévaloir.

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