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Bourges de toujours…

On voit décidément Macron partout. Mais, convainc-t-il ?
En pleine session du « grand débat », se dévoile peu à peu, non pas Macron, le chef, mais une classe entière ; en filigrane se profile la bourgeoisie, résumée par Castaner.
Ceux qui se dressent devant les Gilets Jaunes, avec l’appui de la presse et l’exhibition du bon droit et du bon sens, ne sont pas là pour la République ni pour bâtir un monde nouveau, mais pour préserver leur monde ancien. C’est le comportement de Charles Michel en Belgique.
Leurs patenôtres pourraient apparaître comme un appel à l’apaisement, en réalité, c’est le coup de semonce du navire amiral contre un nouveau Potemkine, préavisant de ne pas toucher à la souveraineté d’un pouvoir délégué par les urnes et protégée par le Flash-Ball.
Une identité sourd des commentaires et des réflexions autour de la crise des Gilets Jaunes par les professionnels de l’information, celle du mépris d’une classe supérieure par les salaires, ce qui est sûr ; mais par les qualités de l’intelligence, ce l’est beaucoup moins.
Avoir la clé de leur psychologie aide à percer le mépris qui touche aux ressorts de la haine de certains éditorialistes. Dès qu’il est question de mettre en cause l’économie de marché néolibérale actuelle, le journaliste et l’homme politique sont tout de suite sur le qui-vive. Toucher la conception ultralibérale de l’économie, équivaut à une tentative de meurtre !
Le gouvernement qui gère sa propre faillite en Belgique est aussi à cran que le français en pleine activité. C’est un pur phénomène de classe.
Quelques belles âmes voient dans les Gilets Jaunes des sortes d’antéchrist. On peut citer pour le plaisir : Bernard-Henri Lévy, Alain Duhamel, Nathalie Saint-Cricq (sa spécialité le Mélenchon-basching), Patrick Cohen, Bruno Jeudy, etc.
Les anti-gilets implémentent la phase finale de rejet dans une complète dérive de ce que devrait être le métier de journaliste. Ils sont les porte-paroles de la bourgeoisie. Et en ce sens, ils se rendent utiles, malgré eux, pour que nous la débusquions.
De leur entre-soi intellectuel s’est distendu le lien social entre les classes dirigeantes et les classes dirigées par devers elles.
Les gardiens de l’ordre bourgeois ont montré leur peur de perdre leurs privilèges et ont réagi violemment dans un réflexe solidaire entre politiques, patrons et médias.
Certains ont stigmatisé l’ignorance par la haine vouée à ceux « ayant fait de longues années d’études » ! Comme si seule la classe bourgeoise était lettrée et capable d’assimilation des sciences et techniques ! Et que voit-on ? Leurs contradicteurs, venus de nulle part, n’ayant pas appris les mêmes codes, s’exprimer autrement pour dire les choses avec plus de justesse qu’Alain Finkielkraut !
Bien entendu, n’en convenant pas, les médias se réservent de publier les grossièretés, les racismes et les expressions de la colère, mettant un doigt sur un fait pour en escamoter cent autres.
En réalité des bourgeois belges du MR, aux godillots du macronisme de la France en Marche ne vivent pas la première révolte des gens « n’ayant pas déjà grand-chose, à qui on dispute encore ce qui reste. »

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Un même état de désobéissance des masses pauvres s’opère au moment de la Commune de Paris. Elle saisit les ancêtres des ferrailleurs actuels du conformisme bourgeois. Le poète Leconte de Lisle s’emporte contre « cette ligue de tous les déclassés, de tous les incapables, de tous les envieux, de tous les assassins, de tous les voleurs ». Pour Gustave Flaubert (1), « le premier remède serait d’en finir avec le suffrage universel, la honte de l’esprit humain ». Rasséréné par le châtiment (des milliers de morts et de déportations), Émile Zola en tirera les leçons pour le peuple de Paris : « Le bain de sang qu’il vient de prendre était peut-être d’une horrible nécessité pour calmer certaines de ses fièvres. »
Jules Guesde en 1900 vendait déjà la mèche « On s’est divisé en bourgeoisie progressiste et en bourgeoisie républicaine, en bourgeoisie cléricale et en bourgeoisie libre-penseuse, de façon à ce qu’une fraction vaincue pût toujours être remplacée au pouvoir par une autre fraction de la même classe également ennemie. C’est le navire à cloisons étanches qui peut faire eau d’un côté et qui n’en demeure pas moins insubmersible. » Évidemment, notre homme parlait de cloisons étanches avant le naufrage du Titanic.
« “Gilets jaunes” : la bêtise va-t-elle gagner ? », interroge Sébastien Le Fol dans Le Point (10 janvier). « Les vrais “gilets jaunes”, confirme l’éditorialiste Bruno Jeudy, se battent sans réfléchir, sans penser » (BFM TV, 8 décembre). « Les bas instincts s’imposent au mépris de la civilité la plus élémentaire », s’alarme à son tour Vincent Trémolet de Villers (Le Figaro). « mouvement de beaufs poujadistes et factieux » (Jean Quatremer), conduit par une « minorité haineuse » (Denis Olivennes), est volontiers assimilé à un « déferlement de rage et de haine » (éditorial du Monde) où des « hordes de minus, de pillards » « rongés par leurs ressentiments comme par des puces » (Franz-Olivier Giesbert) donnent libre cours à leurs « pulsions malsaines » (Hervé Gattegno). « Combien de morts ces nouveaux beaufs auront-ils sur la conscience ? », s’alarme Jacques Julliard.
J’arrête ici le catalogue de la bêtise que j’ai piqué dans « Le Monde diplomatique ».
Les « gilets jaunes » illustrent le fiasco d’un projet né dans la décennie 80 des évangélistes du social-libéralisme : une république qui en aurait fini avec les convulsions idéologiques en expulsant les classes populaires du débat public pour le triomphe de la bourgeoisie cultivée.
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1. Gustave Flaubert, écrivain lucide et pourtant… complètement bourgeois par réflexe de classe et ne s’en défendant pas lors de la Commune (1871) jusqu’à la fin de sa vie (1880) au point d’abandonner à la misère son ancienne maîtresse, Louise Collet, pauvre insurgée se cachant dans les caves de ses amis, après le retour triomphant des Versaillais.

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