« Charles Michel et Jean-Bedel Bokassa. | Accueil | Du Reichstag aux Champs Élysées… »

Nous, zauditeurs !

Les amuseurs des radios et télévisions sont en instance de séparation de deux mois pleins des zauditeurs. Après, ils retomberont dans les bras les uns, les autres. C’est une séparation qui a pour objet un retour triomphal mi septembre. En attendant, ils ont quitté le domicile conjugal, pas le leur, mais celui de leurs fans, pour des cieux enchanteurs que le public ne peut pas connaître. Ils reviendront bronzés comme ceux qui passent la Méditerranée en gonflable, mais sans la peur au ventre en ayant faim et soif. Ils nous reviendront avec une provision de bons mots piqués sur des journaux qui traînaient dans les halls d’hôtel ou tout simplement téléphonés par leurs auteurs avec lesquels ils restent en contact.
Mais comme la franche rigolade a horreur du vide et que La Grande vadrouille est complètement hors d’usage depuis trente ans qu’on la sort des tiroirs, les agences essaient de nouveaux produits, intérimaires en CDD ou en promotion canapé.
Du coup la cohorte des sédentaires, des paumés et des largués estivaux s’hallucine devant des gars et des filles venus de nulle part et qui y retourneront peut-être ou peut-être, pas selon les caprices d’un producteur, l’opportunité d’une mise à la retraite ou l’aimable performance d’une stagiaire aux jambes magnifiques.
Les gags auxquels il faudra s’habituer, avec les bonimenteurs des vannes d’été dont on voit les têtes pour la première fois, sont un cran en-dessous des habituelles. Faire rire est une profession à revisiter chaque semaine en parcourant la désopilante concurrence.
Le public faute de mieux s’abandonne au provisoire. Les mordus tâtent du Tour de France.
Cette semaine, on est en plein dedans. C’est la centième ! On se jure bien que ce sera la dernière, tant suivre des vélos à la télé pendant trois heures d’affiliées est un exercice tellement abrutissant qu’il n’y a vraiment que les abrutis qui y résistent. Je vous dis ça, parce que c’est mon cas et deux jours plus tard, je n’ai pas encore compris pourquoi.
N’est-ce pas le signe du mépris des Grands, ces sous-spectacles ?
La juste récompense de l’Europe prospère, celle qui intelligemment ne bosse pas à moins de quatre mille euros par mois, c’est juillet et aout. L’élite s’est taillée sous les Tropiques. Cette Europe là, nous fiche la paix deux mois, tout en veillant à ce que les nouvelles applications de la réglementation du chômage ne prennent pas du retard. Eux partis, on est à peu près certains qu’il n’y aura pas de guerre, pas de fusions industrielles jetant à la rue deux mille personnes, pas de procès de prêtres pédophiles, relâche come au théâtre.
Rien que des impasses calmes avec leur alignement des petites maisons comme celles des corons, des ruelles endormies, des corridors sombres au fond desquels des enfants jouent avec des bouts de bois et des chiffons. Les petits voleurs des parkings attendent le retour des belles limousines et taguent les murs de leurs signatures mystérieuses, en attendant.
La société décantée des élites, le fond de la passoire est à l’écume des jours et des moûts informes. Une population imprécise dont on n’a cure de savoir si elle n’aimerait pas se cultiver un peu par le rire et le bel esprit, attend le grand retour des animateurs du bonheur pas cher.
Qu’on lui donne à lire d’Octave Mirbeau « Avec la littérature, il n’y a pas de main-d’œuvre. Ce qui ennoblit la peinture, la sculpture, c’est le côté ouvrier », elle aurait à penser.
Ce n’est pas écrit comme dans Fous-Rires, c’est même tout autre chose, probablement que quelques-uns parmi ceux qui restent seraient intéressés.

1lktrou1.jpg

Pour l’élite, le peuple a besoin de surveillance. Heureusement les vigiles restent.
Une université d’été, moins élitiste que celle d’Onfray, pourrait intéresser. Il y faudrait mobiliser des cadres. Même en haute saison, il n’y en a pas.
On peut rêver. On ne fait rien pour relever le niveau dix mois durant. Pourquoi faudrait-il une autre politique les deux mois d’été ?
Qui paierait d’abord ?
Mine de rien, vacances ou pas, on est toujours bel et bien dans un truc où il s’agit de compter ses sous et marquer ses dépenses. C’est même dans les petits plaisirs des déjeuners sur les aires d’autoroute que de juillet à septembre la tasse de café prend un sacré surcoût.
À croire que les pauvres qui servent sur les aires de repos n’aiment pas les pauvres qui viennent s’y restaurer, à moins que cette fichue loi de l’offre et de la demande… ne le soit que sur un coup de fil reçu quelque part, au large de Saint-Tropez ?

Poster un commentaire