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Steve et les autres…

J’aime beaucoup Félix Vallotton (+ 1925), peintre, graveur, écrivain, surtout connu pour sa peinture.
Pourquoi j’ouvre cette chronique sur Félix Vallotton, consacrée à la disparition depuis trois semaines de Steve Maia Caniço au cours d’une soirée entre jeunes, dispersée violemment par la police à Nantes ? C’est parce que les réactions politiques rares l’ont été par le moyen assez connu de la diversion. On parle d'un homme pour un autre, caché entre les lignes, des journalistes font ça très bien.
Félix Vallotton convient parfaitement à cet exercice, sa peinture est nette, tranchée, elle ne se cache pas, avec lui Steve ne sera pas une ombre fugitive entre les lignes. La présentation qu’Octave Mirbeau fit de l’artiste à la belle époque est la vérité qui manque à Steve, celle qui tendrait à sa disparition de la faute de la police de Nantes.
« Félix Vallotton n’est point un “idéologue”, au sens fâcheux que nous donnons à ce mot, – écrit Mirbeau – il ne se dessèche pas l’âme dans les théories, lesquelles sont, en général, la revanche des impuissants, des vaniteux et des sots. Comme ceux qui ont beaucoup vu, beaucoup lu, beaucoup réfléchi, il est pessimiste. Mais ce pessimisme n’a rien d’agressif, rien d’arbitrairement négateur. Cet homme juste ne veut pas se leurrer dans le pire, comme d’autres dans le mieux, et il cherche en toutes choses, de bonne foi, la vérité. »
La vérité ! C’est le moins que l’on souhaite pour Steve disparu depuis une dispersion musclée des policiers impressionnants dans leur exosquelette, matraque et bouclier, colt 45 ou ce qui y ressemble, sur la cuisse.
En France, il est possible d’aller à une fête et de n’en pas revenir, la police a le pouvoir de veiller à ce que le retour soit impossible ! Ce mauvais pli a été pris en décembre 2018, lorsque sous des prétextes divers (il faut les explications de Christophe Barbier pour comprendre), éborgner du manifestant, on avait la technique, maintenir en détention sans motif des paquets de passants par banc de douze, on s’était fait la main dès les premiers samedis ; jeter un jeune à l’eau pour savoir s’il sait nager, c’est du dernier chic de commissariat, on apprend. C’est nouveau. Peut-être que cette puissance diligentée par l’État à ses sbires de Nantes aura-t-elle permis à Castaner d’en décorer dernièrement l’un ou l’autre à titre d’une conduite exemplaire !

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Le macronisme innove, c’est du néolibéralisme musclé. On n’aime ou on n’aime pas.
Tout en étant musclé, le gendarme REM en a pourtant sous le képi et, même sous son casque pour la castagne, il lui en reste quand même un peu. Le maître mot après « on a tous les pouvoirs, on est les plus forts », c’est mentir. Mentez dit Castaner le patron vous couvre. Le préfet montre l’exemple « …l’intervention de Nantes s’est déroulée « de manière proportionnée ».
Qu’en aurait pensé Félix Vallotton ? La réponse se trouve dans sa peinture.
La survie des institutions commande le mensonge. Macron l’a très bien senti, les institutions ne fonctionnent plus pour ceux qu’elles sont censées servir. Elles turbinent pour le pouvoir pas pour ses usagers. Pour sauver l’essence contre la matière, on mentira. Et comme les avatars s’accélèrent on ment beaucoup et de plus en plus sur tout. On compte sur Christophe Barbier et Jean-Michel Aphatie pour arranger le coup.
A propos du pauvre Steve, dont on est sans nouvelle (ce serait un comble que la police de Nantes émette un avis de recherche pour signaler sa disparition), le muscle au service de l’État s’était déjà entraîné sur Geneviève Legay, brutalisée et jetée par terre. L’état avait délégué un procureur pour mentir. Avait-elle « été en contact avec la police » ? Elle aurait pu tomber toute seule ? Quand c’est vieux ça tient à peine debout, un contact, même gentil, une petite baffe avec des gros gants, mais du bout des doigts. Christophe Barbier ou Bruno Jeudi pourrait prouver que ce n’était pas une bourrade, mais un soufflet ! Évidement avec Geneviève Legay, on entre dans l’impondérable… une sorte de mort assistée, la rue clinique des derniers instants, peut-être ?
Si on retrouvait le corps de Steve, on craindrait les faux relevés d’autopsie. Sans doute était-il bourré, voire avait-il pris des substances ? Ce pouvoir capable de tout est prêt à tout aussi.
De fil en aiguille, du peintre Vallotton, aux éborgnés en Gilet Jaune, en passant par Steve, puis madame Legay et pourquoi pas, si on revenait à Adama Traoré, pour faire le compte ? L’affaire a pour origine la mort d'un homme de 24 ans, Adama Traoré, le 19 juillet 2016 à la gendarmerie de Persan, après son interpellation à Beaumont-sur-Oise.
Si on s’arrêtait là pour aujourd’hui ?
Parce qu’en remontant et remontant encore, on finirait par revenir sur l’histoire du métro Charonne : 10 morts et 250 blessés tous ouvriers syndicalistes, par les musclés de la Préfecture… mais c’était le 8 février 1962 !
Comme fit dire Racine dans les Plaideurs à Perrin Dandin : «Avocat, ah ! passons au déluge ».

Commentaires

Charonne 1962 : 9 (neuf) morts, 1 dessinateur, 1 secrétaire, 4 employés, 1 apprenti, 1 typographe et 1 (un) maçon. Et si ce n'est pas important, il ne faut pas écrire "10 ouvriers".

Sur le boulevard Voltaire, des manifestants croient échapper aux coups de matraque en descendant dans le métro Charonne. Mais c'est pour s'apercevoir que les grilles ont été fermées dès le début de l'après-midi.

À 20 heures, tandis que la foule commence de se disperser, des policiers s'acharnent sur la cohue qui se presse dans l'escalier du métro. Des manifestants, assommés, sont même jetés par-dessus la rambarde sur les manifestants collés aux grilles...

Enfin, les grilles cèdent sous la pression de la foule. À l'heure du bilan, on comptera huit morts, victimes d'étouffement ou d'infarctus, ainsi qu'une centaine de blessés parmi les manifestants et un peu plus de deux cents parmi les forces de l'ordre.

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