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Trompettes de la renommée.

Si vous voulez savoir ce que deviendront dans l’Histoire les Illustres qui nous cornaquent, il suffit de prendre dans des revues anciennes un personnage équivalant de nos émirs en cours. Exhumer sa mémoire des papiers jaunis est d’autant possible qu’aujourd’hui on ne va plus à la feuillée avec les anciennes gazettes.
Qui connaît Jean Ybarnegaray (1883-1956) qui écrasa en France la vie politique de 1914 à 1940 de tout son poids, équivalant à lui seul toute la famille Michel !
Il n’y a pas vingt Français sur 64 millions qui pourraient répondre à cette question, a fortiori un ou deux citoyens belges sur 13 millions.
Avant de tomber sur ce personnage, je ne connaissais pas son existence.
Pour un Pétain ou un Blum de cette époque, des centaines d’illustres s’enfoncent dans les ténèbres de l’oubli complet. Chez nous, à part Spaak et Degrelle, de l’entre-deux guerres, nous aurions peine à citer quelqu’un.
Si j’en parle c’est non seulement parce que ce haut personnage est complètement oublié aujourd’hui, mais surtout qu’il a manipulé des gens comme le font régulièrement des Louis Michel, des Elio Di Rupo auxquels on pourrait substituer des Georges-Louis Bouchez et des Paul Magnette.
Quand sera-t-il de la notoriété posthume de ces grands noms ? Dira-t-on de ces gens-là, qu’il en restera autant que d’Ybarnegaray ?
Le portrait que des journaux du temps font du personnage mérite le détour. Les propriétaires des journaux n’étaient pas tous de grands bourgeois de la droite. Si bien que les chroniqueurs étaient moins coincés.
Jean Ybarnegaray, en est de son héritage politique comme de son château d’Uhart-Cize, seul subsiste la conciergerie. La génération la plus âgée des habitants d’Iparralde a de lui quelques échos pour le moins tranchés.
«Ybar», comme on le surnommait, est le produit d’un milieu —l’aristocratie terrienne — et d’une époque pour le moins troublée : marquée par deux conflits mondiaux, la «décadence» d’une France qui perd son statut de grande puissance et devient laïque, industrielle, urbaine, éclatée sur la plan social et politique, secouée par les « affaires » et la crise antiparlementaire de février 1934.
Face aux crises et aux forces du «mouvement», la réponse de Jean Ybarnegaray sera celle du conservatisme absolu, de l’ordre, de la famille, du redressement national, des hiérarchies traditionnelles et de la propriété. Après une difficile élection dès 1914, Ybarnegaray deviendra un notable inamovible, constamment réélu jusqu’à la deuxième guerre mondiale, avec des scores frisant le plébiscite : sur le tard, il ne prend même plus la peine d’imprimer affiches et professions de foi pour ses campagnes électorales ! Les soupçons de fraude assortie de procès ne l’atteindront guère.

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Le personnage est un «seigneur» admiré comme tel : grand amateur de chasse, homme à femmes, menant grand train en son château. Le lien qui unit Jean Ybarnegaray à son électorat n’est pas un lien idéologique, il s’agit d’abord d’un lien personnel, d’une identification qui fonde son statut. C’est un notable à l’ancienne, comme a pu l’être un de ses successeurs, Michel Inchauspe (autre inconnu). Sa position « fait de lui un dispensateur de bienfaits, et il est de l’intérêt de tous de se concilier ses bonnes grâces. Ainsi, se constitue-t-il une clientèle de gens dévoués prêts à le soutenir, à condition que celui-ci assure leur protection. Le notable endosse le rôle de médiateur-protecteur«. La file d’attente de ses administrés devant le château du député-maire est souvent très longue. Féodalité et rapports de vassalité ne sont pas loin.
Homme d’estrade plus que leader d’envergure, il participe à la politique de la droite dure. Sa brève participation au gouvernement du maréchal Pétain, lui vaudra d’être faiblement condamné à la Libération et inéligible.
Ce fantôme du passé, c’est le portrait type de nos « admirables », incrustés comme des moules sur les planches vermoulues d’un wharf, vieillards tonitruants ou juste décédés… et déjà dans l’oubli.
Les Michel et De Croo seniors, devraient en rabattre un peu. La postérité ne leur ménage aucun avenir. Ils auront simplement bien vécu sur notre dos, c’est toujours ça !

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