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Incitations

Henri Poincaré (ne pas confondre avec Raymond) écrivit une chose très juste qui colle bien aux électeurs français qui vont ou ne vont pas élire le président de la République jusqu’en 2027. « Douter de tout ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir ».
C’est dans la capacité ou l’incapacité de comprendre et d’analyser les enjeux d’aujourd’hui que se joue le sort de la démocratie, et pas seulement en France. Les Béotiens sont partout qui ne voient que l’huile de tournesol et son prix, qui s’affole pour conclurent que tout est fichu et que ce n’est plus la peine d’aller plus loin.

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Ce n’est pas la démocratie qui ne nous mérite pas, mais nous qui ne la méritons pas.
Montesquieu se tromperait s’il écrivait de notre temps, ce qu’il a pensé du sien « Il faut que le petit peuple soit éclairé par les principaux et contenu par la gravité de certains personnages ». L’école pour tous est passée par là qui donne une raison de s’affranchir des hiérarchies pour une lecture et une critique personnelle, dans les politiques sensées nous apporter une meilleure vie demain. L’école du présent « forme » aussi les chenapans qui vivent en bande et s’en prennent au passant. Que s’est-il passé entre eux et le savoir ?
Même d’horribles pamphlets dont Céline fut l’auteur ne disent pas n’importe quoi à propos du n’importe qui. Une bêtise qui monte, c’est une démocratie qui descend. « Le bonheur, c’est parler de rien, de laisser crever les pourris, à l’heure et au jour du Destin, de ne pas s’occuper de la petite sœur. De faire votre cour à tréponème avec des menues dragées blanches et des gros mensonges ».
Il n’y a pas dans notre monde d’opposition plus claire et plus radicale qu’entre penser et agir. On dirait que penser dispense d’agir. Et quand bien même on se retiendrait d’agir parce qu’on a la conviction de penser faux – qualité rare que celle d’en convenir – la démocratie se bâtit en agissant.
Qu’avons-nous bâti en Belgique depuis plus de cinquante ans ? Sinon, que nous suivons le courant d’un fleuve qui s’appelle l’Europe, comptant sur les autres nautoniers pour bâtir, comme eux le pensent aussi de nous.
De l’extrême droite à l’extrême gauche le populisme semblerait donner des lettres de noblesses à ceux qui le dénonce par esprit petit bourgeois en vertu du centrisme, cette opinion libérale de gens qui n’en ont pas. Dans le fond, le populisme n’est-il pas tout simplement le refus des classes supérieures d’appliquer les décisions du peuple ? Le populisme n’existe que par la grâce de l’élitisme, soutient Emmanuel Todd dans La lutte des classes en France. C’est-à-dire si et seulement si la démocratie représentative a été liquidée par ceux d’en haut.
On ne dira jamais assez que les anciennes lectures des grands écrivains de Louis XIV à Napoléon III asseyait l’homme sur les bancs de l’école, le smartphone et Internet n’y assoient plus que les gamins.
Alors comment s’y prendre pour que la démocratie tienne d’aplomb ? Quand le peuple ne croit plus à rien, on peut lui faire croire n’importe quoi. Les gazettes s’y emploient avec le zèle des commis bien payés. Au point qu’aujourd’hui, ce sont les petites gens qui fabriquent les grands hommes. Macron compte bien y reprendre pour cinq ans grâce à eux. La recette est simple. Il fait tout ce qu’il peut pour marquer son mépris et c’est justement ça qui les séduit ! Si par malchance il perdait d’un cheveu contre Marine Le Pen, c’est parce qu’au lieu de leur prédire la pension à soixante-cinq ans, il eût dû la vouloir à septante !
À défaut d’une instruction générale, critique et variée, le peuple a un certain humour et une vraie honnêteté. Les hommes de pouvoir dont la vocation est d’y rester, portent eux, les germes du totalitarisme.
Avec les hommes politiques, l’esthète possède aussi en lui une sorte de totalitarisme en supposant qu’il n’y a que deux sortes de gens qui peuplent la démocratie et qui sont vraiment intéressants, ceux qui savent absolument tout et ceux qui ne savent absolument rien, avec une tendresse pour les seconds, puisqu’il peut à sa guise se joindre au premier.
Chateaubriand a une curieuse manière de définir le bonheur. Pour lui, c’est l’aporie ! « Le bonheur est de s’ignorer et d’arriver à la mort sans avoir senti la vie. » Ce que les libéraux traduisent parfaitement en démocratie, puisque pour eux le plus clair des hommes sert la démocratie par le sacrifice d’eux-mêmes sans avoir senti la vie.
À ce long cheminement dans le but de toucher la démocratie comme la main de la statue du commandeur, il fallait le point final de Michel Adam qui a fait sa vie durant l’étude de notre bêtise. « La bêtise sépare d’une façon irrémédiable les personnes, d’une manière encore plus caractéristique que le manque d’éducation et interdit la communication dont les valeurs humaines seraient le principe ».
Selon ce qui précède, j’en conclus que tant que nous serons « bêtes » il est inutile de penser améliorer la démocratie, mieux même, de nous la représenter à notre portée.

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