« Jean-Claude et Georges-Louis. | Accueil | OÙ WALLON-NOUS ! »

TOUS CRIMINELS !

Cela se passe encore comme du temps de Zola, sauf que la paie du samedi soir, l’ouvrier ne l’a plus dans la pogne en liquide. C’est la banque qui gère en intermédiaire obligatoire, entre celui qui débourse et celui qui reçoit, à la fin du mois. Sauf qu’en 1900 comme en 2023, la peine, c’est pas lourd.
La suite est identique, l’homme va droit au troquet de l’autre côté de la rue de sa boîte de quincaille. Il va boire quelques bières, histoire de s’apercevoir qu’il existe encore et qu’il fait ce qu’il lui plaît !
Parfois il se saoule. C’est toujours lui qui décide, non ?
Toutes les embrouiles, les brimades de la journée et des autres jours lui remontent du fond des tripes.
À la troisième bière, le courage lui vient.
« Merde, on est des cons », dit-il sentencieux à son voisin de beuverie qui a sa petite idée sur sa connerie à lui et qui n’est pas d’accord que l’autre l’assimile dans la connerie générale.
– Non, c’est-à-dire…
– C’est pas à dire, on est des cons ! le coupe le premier, pértemptoire. Et pas des petits… des gros… des énormes !
Là, il faut qu’il s’explique.
– On est les plus nombreux, pourquoi est-ce que le nombre, ça fait que dalle en démocratie ?
Qu’on doit essuyer leur merde, et encore, pas comme on veut, comme ils le veulent !
Ce samedi-là, il en a dur sur le caisson. L’instinct tricoteuse chez Guillotin l’illumine.
– C’est qu’on prendrait leur place à ces fumiers ! À nous les gonzesses, le luxe, les bains moussants, le pognon à plus savoir qu’en faire… Et le temps qu’on veut à faire ce qu’on veut. Mais faut les éliminer ces ordures.
Il se voit devant six téléphones comme dans un film américain, laisse à une secrétaire la responsabilité de décrocher celui qu’elle veut. Lui s’en fout. Ce qu’il veut, c’est sortir, partir de la boîte où c’est le patron et sa famille qui ont pris le relais de Mimile, Gaston, Perclus et les autres, tous endimanchés et déjà au large pour une java. Sous les ordres du contremaître Ernest Lerugueux et du directeur Lemploie, qui sont restés au poste, stoïques, serviles à jamais, la famille Dublé, propriétaire, s’affaire dans les mêmes contorsions béhavioristes que leur ancien personnel, l’air soudain abêti exactement comme les cols bleus disparus.
– Nom de dieu de nom de dieu, dit l’ouvrier à son sixième demi, taïaut, taïaut… faut les crever ces paillasses…
La suite est imprécise et même confuse.
L’ouvrier que cela soit en 1900 ou en 2013, quand son inhibition sociale s’évacue par n’importe quel moyen, il voit rouge, l’Homme, mais il voit clair !

1aabis51.jpg

Quels sont les bonnes ou les mauvaises raisons qui font la sensibilité des gens à l’énoncé de ce que gagnent les parlementaires, les chefs syndicalistes, les hauts fonctionnaires et, étendu au privé, les actionnaires qui se gavent par rapport aux salaires de leurs ouvriers ?
L’envie est une des mauvaises raisons, quoique souvent compréhensible, devant l’exposition du luxe éhonté qui s’étale dans les magazines sur papier glacé, dans les salles d’attente des Facultés et aux devantures des marchands de journaux.
« Se voir à leur place » entre dans la même conception de la société qui va du milliardaire au président de la CSC ou de la FGTB. Procède de la même envie d’être « comme eux », un bon nombre d’anonymes qui confond justice pour tous et promotion spéciale personnelle, un peu comme le plouc qui ramasse un paquet au Loto et qui, le jour avant, se demandait comment il allait payer son loyer !
Parmi les bonnes raisons, la lutte contre la pauvreté est la plus importante.
Distraire le moindre euro pour sortir de la misère des familles entières, hommes, femmes et enfants, quelle que soit l’origine de leur malheur, tout le peuple en souffrance en somme, oui, dans une vraie démocratie, c’est un crime !
Le voilà avec l’utopie de la société égalitaire, diront les libéraux moqueurs.
Eh bien non, il faut distinguer des différences au mérite, à l’effort, à la situation plus ou moins élevée hiérarchiquement, aux responsabilités. C’est au nombre de fois le salaire moyen de l’ouvrier qualifié qu’il faut chercher le mètre étalon.
S’il est inqualifiable de prétendre que Thierry Bodson de la FGTB vaille cinq salaires d’ouvrier, il est encore plus outrageant pour le citoyen des voir Georges-Louis Bouchez se mettre en poche un salaire de sénateur-coopté sans en faire une secousse pour le bien public.
Ne parlons pas de l’actionnaire, souvent héritier, qui n’en fera jamais une secousse et qui est un parasite complet choyé par ceux qu’on envoie nous représenter dans cette grande bouffonnerie de l’état belge !

Poster un commentaire