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28 février 2005

Ce jeune homme est centenaire.

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Sartre dans la conclusion de son essai d’ontologie phénoménologique nous demande de renoncer à l’esprit de sérieux. En effet, l’esprit de sérieux a pour inconvénient de considérer les valeurs comme transcendantes de la subjectivité humaine. Le résultat de l’esprit de sérieux est de faire voir les choses par leur côté personnel (idiosyncrasie empirique), et les rend opaques et désirables. Pour dire les choses plus simplement, on en arriverait à acheter un aspirateur, non parce qu’il aspire, mais pour sa forme aérodynamique. Qu’il aspire ou n’aspire pas est tout à fait secondaire. (Dac aurait écrit « accessoire » quand on sait que les aspirateurs en sont abondamment pourvus)
Par conséquent abandonnons l’esprit de sérieux pour signaler qu’en juin, on aura une pensée non sérieuse, donc anticonformiste, pour le centième anniversaire de la naissance de Jean-Paul Sartre.
De même nous glisserons sur le prix Nobel qu’il a refusé pour nous épater devant la jeunesse d’esprit qu’il conserva jusqu’à la fin de l’existence.
Il a envisagé sa vie comme une passion. En mai 68, à près de 63 ans, Sartre ne se contente pas de sa tribune du Nouvel Observateur. Il prend part à l’action et harangue les étudiants avec autant de fougue que Daniel Cohn-Bendit.
Si l’on considère avec l’esprit de sérieux Sartre le révolutionnaire, on ne comprendra rien à son parcours ultime, sa révolte de « jeunesse » qu’il fit sexagénaire, allant jusqu’à s’écrier le 11 mai sur Radio-Luxembourg : «Le seul rapport que les étudiants puissent avoir avec cette Université, c’est de la casser; et pour la casser, il n’y a qu’une solution, c’est descendre dans la rue.»
Nourri de la vie et de l’œuvre de Flaubert pour lesquelles il se documentait dans le projet d’écrire « L’Idiot de la famille », il avait sans doute lu du maître de Croisset : « Tous les drapeaux ont été tellement souillés de sang et de merde qu’il est temps de ne plus en avoir du tout », qu’il faut assortir de cette autre saillie (non sérieuse) « Les oiseaux en cage me font tout autant de pitié que les peuples en esclavage. De toute la politique, il n’y a qu’une chose que je comprenne, c’est l’émeute. » Le même Flaubert se reprenant ensuite dira en fils de bourgeois attaché à son « statut » de Flaubert-médecin-chef des Hôpitaux de Rouen (père de l’écrivain) : « Fataliste comme un Turc, je crois que ce que nous pouvons faire pour le progrès de l’humanité ou rien, c’est la même chose ». « Prurit » bourgeois que Sartre explique très bien.

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C’est en prenant avec sérieux l’art de touiller dans les cervelles estudiantines que bien plus tard, l’Haut-lieu de notre Université s’est durablement brouillé avec le sartrisme. Aujourd’hui, la plupart des doctes emmerdeurs de la place du XX Août et des hauteurs géographiques plutôt qu’intellectuelles du Sart-Tilman feraient mieux d’abandonner des carrières à jaquette et Ordre de la couronne pour s’adonner à quelques bonnes professions comme plombier-zingueur ou maître maçon. Mais voilà, il y a le chauffage central, le seul remède efficace à leur frilosité, et l’escarcelle à renouvellement garanti les fins de mois, deux notions fondamentales indispensables pour comprendre l’attachement au statut de l’engeance méprisante.
Sartre qui avait horreur de cette prétention du savoir se voulait « un homme fait de tous les hommes et que vaut n’importe qui ».
Sa modestie ne fut jamais prise au sérieux, ce qui était à la fois pour lui le triomphe de ses idées (voir plus haut) en même temps qu’il vécut mal le sentiment d’imposture qu’il inspirait à ses détracteurs.
Son œuvre philosophique est difficile par les mots savants que parfois il invente à partir des racines grecques, mais aussi par le péché mignon, qu’eut après lui Pierre Bourdieu, celui d’une pensée trop riche qui s’impatiente et gonfle les phrases.
Par contre, son œuvre romanesque et son théâtre sont plus limpides.
Voilà une idée de gauche qui aurait dû séduire Liège : faire au moins quelque tapage autour de Sartre, homme de gauche, s’il en est, comme on en fit pour Simenon, enfant du pays, certes (et encore pas longtemps), mais homme de droite, et pire, si l’on se réfère à sa parentèle dont il ne se démarqua jamais.
Quoique mort depuis longtemps, Sartre, ce gamin incorrigible, effraie encore aujourd’hui. Comme quoi, on préfère, dans nos universités et nos bonnes villes, louanger des anciens sympathisants et des collabos de droite, plutôt qu’un énergumène qui, osant se mêler à la jeunesse du temps, brandit un certain petit livre rouge aussi drôle que « les Pieds nickelés », la bande dessinée que Sartre lisait enfant.
Une fois de plus, on a perdu une belle occasion de ne pas être sérieux. Liège se voue ainsi à la tristesse bourgeoise, bien avant que celle-ci ne capote dans quinze ou vingt ans dans la pénurie d’ «essence de l’être » avant celle du « néant ». Ce qui d’une manière ou d’une autre feront sourire les vrais philosophes.

27 février 2005

Le nœud de l’aiguillette.

- Je ne leur plais pas, c’est tout.
-Comment sais-tu que tu ne leur plais pas, si tu ne leur montres pas de l’intérêt ?
-J’en montre. Mais si j’en montre trop, ça les effraie et trop peu, je passe inaperçu.
- A 32 ans, quand même, tu n’as jamais réussi à en séduire ne fut-ce qu’une ?
- Non.
-Qu’est-ce tu fais, alors ?
-Mais rien. J’attends.
- 1 m 85, 74 kg, yeux bleus et cheveux châtains… peut-être les yeux trop près du nez, à la Richard Geere ? Je ne vois pas pourquoi tu ne leur plairais pas.
- Tu sais, je ne ferais pas le difficile…
-Par exemple moi ? 85 – 65 – 90 pour 1 m 72 et 56 kilos, je ne suis pas un peu forte ?
- Non. Tu es parfaite. Juste celle qu’il me faudrait, mais voilà, nous sommes amis depuis longtemps.
- Oui, nous sommes amis.
-Et puis tu me connais trop bien. Tu ne voudrais pas sortir avec moi.
-Evidemment, si tu ne me le demandes pas.
-Quand bien même je te le demandais, tu refuserais. Nous sommes amis.
-C’est vrai nous sommes amis.
-Et puis qu’adviendrait-il, si tu refusais ?
- Tu te poses trop de question. Tu dois te lancer, par exemple, essaie avec moi, rien que pour savoir si tu as la bonne manière de t’y prendre.
-Rien que pour savoir ?
- Bien sûr.
-Maryse, on est allé à l’école ensemble. On se connaît depuis belle lurette. Nous avons grandi et, comme un idiot, c’est seulement maintenant que je m’aperçois combien tu es jolie et comme tu me plais. Veux-tu qu’on sorte ensemble ?
- Oui, Maurice.
- Avec toi, c’est facile, puisque c’est un jeu et qu’il n’est pas question qu’on sorte tous les deux…
-Pourquoi ?
-Mais parce que nous sortons déjà.
-En amis !
-Oui en amis. Je ne parlerais pas de la même manière à Louise.
-Pourquoi ?
-Je n’oserais pas.
-Qu’est-ce que tu lui trouves de plus qu’à moi ?
- Je ne suis pas son ami. Et si je lui parlais comme je te parle, elle me trouverait bien empressé, trop sûr de moi et ce serait fichu à l’avance. Je le sais.
-Alors, tu n’as plus qu’à poursuivre et sortir avec moi en ami…
-D’autre part, si je sors tout le temps avec toi, les autres vont croire qu’il y a quelque chose entre nous et j’aurai encore plus de difficulté à rencontrer une fille qui voudrait bien…
-Alors ne sors plus.
-Oui, mais j’aime sortir avec toi. Je suis flatté quand tu me prends le bras, quand nous partageons un sachet de pop-corn ou que nous écoutons du jazz chez Jean-Marie.

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-Et si nous faisions semblant ? Peut-être que les filles que tu connais seraient jalouses et qu’ainsi tu pourrais te lancer ?
- C’est une idée, en effet.
-On pourrait s’embrasser. Je me blottirais dans tes bras et tu me dirais "je t’aime".
-Ce serait formidable. Mais c’est impossible.
-Pour quelle raison ?
-Si je venais à m’éprendre de toi ?
-Où serait le mal ? Moi, je t’aime ?
- Ce serait pire encore.
-Même si c’est vrai.
-Même. Tu es trop gentille. Je ne veux pas de ta pitié. Je veux qu’on m’aime pour moi-même.
-Mais…
-Tu serais capable de me le dire, rien que pour ma faire plaisir. Je ne le supporterais pas.
- Eh bien ! Oui, je t’aime et pas par pitié. Je t’aime parce que je t’aime et puis, marre à la fin que tu ne le voies pas !...
-Tu vois, même ainsi, tes aveux sonnent faux. Tu ne me convaincs pas ! Ce n’est pas à la fille de faire le premier pas.
-Où as-tu pêché ça ?
-Peu importe.
-Ne viens-tu pas de me faire une déclaration d’amour, à l’instant ?
-Oui, mais c’était pour rire, par jeu. C’est toi qui l’as dit.
- Ecoute Maurice, à 32 ans, moi presque pareil, nous ne sommes plus des enfants.
-Merci Maryse, j’ai bien compris, va, que tu ne voulais pas détruire notre amitié. C’est gentil quand même d’essayer de me donner le moral. Je crois que je finirai ma vie tout seul…
-Alors là, c’est bien la première fois que nous sommes d’accord.

26 février 2005

Un sentiment d’imposture.

Il y a quelques années, l’excellente émission de Jean-Claude Defossé titrait : les travaux inutiles.
Le public a pu se faire une opinion sur la valse des millions (on n’était pas encore à l’euro) produit de l’impéritie, de la gabegie, et parfois de la concussion de certains décideurs des années 80 à 90.
Cette émission n’accusait pas nommément les auteurs des projets fous, les maniaques du béton, les margoulins des commissions sous la table et les Ricardo Bofill de l’invraisemblable… Elle donnait tout simplement des éléments pour des enquêtes qui malheureusement ne se sont jamais faites.
Puis, Jean-Claude Defossé est rentré dans le rang. On le voit encore dans quelques brûlots dont le dernier sur les cadors de l’extrême droite à Bruxelles et en Wallonie n’est pas passé inaperçu.
A croire que l’actuel staff de l’Haut-lieu est devenu brillantissime, au-dessus de tout soupçon et particulièrement attentif à ne pas jeter l’argent par les fenêtres.
A part quelques petits articles, quelques petits doutes de la Cour des comptes, après les frasques mobilières de madame Arena, on n’a plus l’écho de rien !
Faut-il interpréter le mutisme d’aujourd’hui comme un assagissement des Autorités ou une frilosité des médias ?
Serait-ce qu’en plein 175me anniversaire du « machin » la consigne serait de dissimuler sous le velours grenat des grandes cérémonies les « errements » toujours possibles ?
Cela ferait désordre que l’on en vînt aux grands discours sur la patrie et la grandeur du peuple, alors qu’au même moment on rééquiperait en mobilier Louis XVI, un ministère Modern style.
On se le demande.
Autre hypothèse : la dénonciation de ce qui ne tourne pas rond aurait-il une influence sur l’électeur dont certains n’attendent que cela pour voter Vlaams Belang et Front National ?
Alors, la vérité serait, en quelque sorte, l’otage de la Raison d’Etat !
Si c’est ce type de raisonnement qui prévaut, il est extrêmement dangereux.
Les trafics de toute nature, les influences, les aberrations, les pots de vin ne se sont pas arrêtés avec les émissions de Defossé. En les passant sous silence, on donne à ceux qui les pratiquent un sentiment d’impunité qui les conduira, de hardiesse en hardiesse, à des forfaits qui coûteront de plus en plus chers et, à terme, accéléreront la progression du Vlaams belang et du Front.
D’une certaine manière, les allocations de base et les à-côtés de ces messieurs dames de l’Haut-lieu sont déjà en eux-mêmes, une impudence, une sorte de défi à la majeure partie des citoyens de ce pays dont la plupart gagnent beaucoup moins de 2000 euros par mois.
Il est anormal que l’on se dise représentant du peuple et que l’on vive d’un mandat qui équivaut à l’allocation d’une petite dizaine de chômeurs ou de pensionnés.

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J’entends parfois les propagandistes de notre système se moquer des Régimes de l’Est dont la seule Russie serait le parangon du bakchich et le champion du pillage de l’Etat par ceux qui en ont la garde. Evidemment, ce sont des voleurs téméraires qui ont une réputation méritée. Mais nous, avec nos voleurs prudents, nos Lois faites pour entuber les petites gens et relaxer les fripons, avons-nous tant de raisons que cela de nous féliciter ?
Convenons que nous sommes tous plus ou moins complices des malversations, des traitements surfaits et des exonérations complices. Convenons que ce qui nous différencie du moujik c’est que si ce dernier se lamente d’être volé, nous, dans la même situation, nous croyons que nous ne le sommes pas !
La différence est bien mince entre ces spoliés et nous. Nous avons tort de pavoiser.
La presse est de moins en moins incisive, du fait principalement de la diminution drastique du nombre d’enquêteurs de terrain ; mais aussi à cause que cette vieille dame se fait plus souvent lifter qu’à son tour par les magnats de la publicité qui ont partie liée avec le pouvoir.
Comme un ministre prononcerait un discours sur les vertus de l’école publique, alors qu’il met ses enfants dans une école privée et qu’un autre inventerait des règlements pour dégraisser les chômeurs des indemnités légales, quand sa vie durant il a été fonctionnaire, les gens en ont assez des donneurs de leçons qui n’ont pas l’expérience de ce qu’ils prétendent connaître et régler.
La tentation de crier « tous pourris » est grande, mais elle serait aussi injuste que crier « tous honnêtes ». Le populisme et l’angélisme font partie des opinions extrêmes dont il faut se méfier.
Reste que l’Haut-lieu prend bien à l’aise ses jours de gloire du 175me, en espérant que ce ne seront pas les derniers.
A sa place, je mettrais plutôt les trois couleurs en berne, et par décence, je fermerais ma gueule.
Cela vaudrait mieux pour tout le monde.

25 février 2005

Requiem aeternan dona eis

On enterre samedi un personnage fort controversé. Toujours est-il que depuis lundi, on ne pourra plus l’impliquer dans une affaire. C’est toujours ça.
Les foules ont plus besoin d’idoles que d’hommes justes, attachés à leur service.
Guy Mathot était le type même du militant boulimique. Il s’acharnait à accumuler tous les mandats, parce qu’il savait qu’à travers eux, c’était sa popularité qu’il soignait.
Combien avait-il de mandats ?
Le savait-il lui-même ?
Il arrondissait ses rentrées avec ses nombreux jetons de présence. Mais, il n’est pas sûr que seul l’argent l’intéressait. Le pouvoir, est une drogue. Il ne pouvait s’en passer.
Parachuté à Seraing, le jeune Mathot s’y intégra si bien qu’il devint en peu de temps la personnalité locale. En même temps, il faisait son chemin ailleurs, à Liège et à Bruxelles. Les roitelets locaux ont toujours eu beau jeu de se faufiler dans les hautes sphères pour faire avancer le schmilblick local, en même temps, cela les pousse eux-mêmes.
Ce fut comme s’il était l’enfant des corons du Many, lui qui naquit à Nandrin. Il avait la manière de se mettre au diapason de la foule. L’universitaire biologiste incarnait l’ouvrier mineur ! Sa familiarité un rien vulgaire était devenue naturelle à force d’être étudiée. Il savait combien quelques mots de wallon valent plus pour se faire apprécier que de longs discours.
Sa présence sur tous les terrains l’obligeait à un travail constant et, pour s’en distraire, il avait besoin d’une vie nocturne adaptée, afin d’oublier ses contraintes.
Véritable caméléon, il était à la fois tendre avec les vieilles et les vieux adhérents du parti, celles et ceux de qui il attendait la reconnaissance des urnes pour services rendus (pension, logement social, embauche, etc.), et dur avec ceux qui le contrariaient dans sa résistible ascension.
Tel était aussi André Cools. Et qu’il y ait eu entre eux, sur le tard, des rivalités épiques, ne fait pas l’ombre d’un doute.
Sa carrière eut un départ classique, comme tous ceux qui deviennent militant comme on embrasse une carrière de comptable, ou d’ouvrier qualifié. Il devint le porte-serviette d’un homme fort : Freddy Terwagne, et qui ne le fut pas tant que cela puisqu’il décéda à un âge où il n’avait pas encore eu le temps de pourvoir son apanage.
Tout était-il à refaire ? Non. Pas tant que cela.
Entre-temps, le jeune homme avait réussi à prendre des contacts et il n’eut pas de mal à se rétablir avec les bonus que l’on sait, à prendre pied là où avec un flair indiscutable, il sentait le pouvoir à portée de main.
Et ce n’est pas tant Guy Mathot et ses semblables qui sont responsables de cet emploi particulier de la démocratie pour établir un pouvoir personnel, un empire pourrait-on dire ; mais les habitudes d’un parti, du pari socialiste en l’occurrence, et d’une Belgique aux mœurs cannibales et bourgeoises à la fois.
Le PS qui devrait être l’espoir et le refuge des petites gens dans la croyance de jours meilleurs n’est en réalité que la caverne d’Ali Baba où les privilégiés qui connaissent les mots de passe, comme Franc-maçonnerie ou « qui je défends est maître » peuvent concevoir une vie débarrassée des contingences matérielles contraignantes.
Tout le reste n’est que blabla publicitaire et faux semblants destinés aux croyants, aux purs, aux laissés pour compte de la vie, aux militants de base pour tout dire. Et ils sont nombreux. Ils vont du chômeur, à l’enseignant, au syndicaliste, au retraité. Tous croient encore que c’est ça la démocratie !.... Dans les défilés, ce ne sont pas ceux qui portent les pancartes, mais ceux qui sont devant qui passent au tiroir-caisse. Comme a si bien dit Bonaparte après le 10 brumaire « Il y a ceux qui font les révolutions et ceux qui en profitent. »
Cela ne veut pas dire que tous les dirigeants du PS sont indignes. Il y a, certes, des pointures qui ont commencé comme Guy Mathot, pour faire leur mea culpa ensuite, des militants de pur hasard et qui se sont trouvé sans le faire exprès là où il faut quand une « vedette » avait besoin de quelqu’un. Ces gens-là sont l’espoir qu’un jour, les arrivistes, les faiseurs, les cupides seront dénoncés par la majorité des militants qui n’ont jamais voulu que l’on osât parler de la difficile vie des petits, sans l’avoir jamais vécue soi-même..

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Comment situer Guy Mathot par rapport à cela ?
Il était peut-être un compromis, à la fois cupide et généreux, glorieux et modeste, rancunier et laxiste, versatile et sûr. Il croyait peut-être à ce qu’il disait. Mais alors, sa lucidité devait lui poser des problèmes de conscience ?
Un homme, en quelque sorte. Un homme qui aurait été autre si son parti avait été différent.
Mais voilà, on ne refait pas sa vie. On ne refait pas les mœurs, les traditions, les sociétés secrètes, les alliances hors nature. On ne refait pas le fond des êtres – leur « trognon » comme a dit Céline - leur soif de paraître et de dominer, ce goût de « mettre de côté pour les vieux jours », quand on a de gros besoins, quand on est pressé de jouir de tout : les femmes, la bonne bouffe, les vacances, la grande vie… Un idéal en somme, lorsqu’il est possible pour tous. Une monstruosité, quand il n’est accessible qu’à quelques-uns.
Tous les mandatés de tous les partis feraient bien de s’en souvenir et d’en méditer.

24 février 2005

KOMT ER EEN REFERENDUM OF NIET ?

MM. Reynders et Vande Lanotte ont remis un premier rapport à la Commission sur BHV. Il doit tenir sur un timbre poste. Nos deux illusionnistes n’ont rien fait et donc n’ont rien à dire.
Parlons plutôt d’une autre patate chaude.
Il s’agit du référendum sur le projet de Constitution européenne. Cette affaire est parallèle aux revendications des francophones au sujet de BHV (Bruxelles, Hal, Vilvoorde). Cette fois, tous les Belges sont intéressés.
C’est une curiosité typiquement belge du Cabinet du docteur Mabuse Verhofstadt : dans le pays des Institutions européennes, capitale de l’Europe, c’est plutôt gratiné, mais aucun référendum ne sera organisé... jusqu’à nouvel ordre !
Curieux, non ? Tous les Européens vont être consultés, sauf nous, apparemment.
Ce n’est pas que le citoyen compte beaucoup dans l’Europe du fric et de l’esbroufe ; mais tout de même, si ce référendum ne sert pas à grand-chose, pourquoi l’Haut-lieu n’en veut-il pas ? Au moins, il aurait eu l’air de se conduire démocratiquement.
Explication :
Le référendum n’a pas force de loi en Belgique, mais un référendum consultatif est possible. Les représentants politiques sont divisés. Verhofstadt est pour, car il veut en profiter pour clamer son amour de l’Europe. Dehaene est contre car, dit-il, «90% des gens ne comprennent pas de quoi il s’agit». Enfin, la perle dans la bouche de ce bon gros cynique : «s’ils disent non, il faudra les faire revoter jusqu’à ce que ce soit oui.».
Malgré le nationalisme à fleur de peau quand il est question de jauger les sentiments pour d’autres amours que flamandes, les vraies raisons du refus de procéder en Flandre à un référendum sont ailleurs. Elles datent de 1963 quand on a cadenassé « l’identité flamande » en la dotant d’une frontière linguistique. Il n’a plus été question du recensement établissant clairement « qui parle quoi ? ».
Les politiciens flamands jouent la politique de l’autruche. Ils ne veulent pas savoir et surtout faire savoir, malgré les brimades et les vexations qu’ils prodiguent aux francophones, que le français en tant que langue parlée fait toujours des progrès dans la périphérie bruxelloise et que des communes entièrement flamandes il y a seulement vingt-cinq ans basculent dans le parler usuel du français.
Cette évidence est pour eux dénoncée comme le mal absolu.
Ils en deviennent fous. Ils en rêvent la nuit.
Le Vlaams Belang joue sur du velours en ce domaine. Il rassemble les plus pointus et les plus nostalgiques nationalistes rancis dans leur conviction. La fin de l’Allemagne nazie leur a fait perdre : une identité « national-socialiste » avec laquelle ils s’incluaient dans un idéal pangermaniste.
Les autres partis flamands suivent l’ogre, sans faire autre chose que le singer. Ce qui ne veut pas dire qu’ils seraient prêts à négocier l’ostracisme linguistique dont ils se sont fait une spécificité qui stupéfie l’étranger.
C’est dans le cadre d’une terre flamande en danger, que le pire peut se produire, comme la naissance d’un Etat flamand.

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On croit toujours en Wallonie que le Lion des Flandres va nous manger tout crus, si l’on tient compte du rapport des forces économiques et notre couardise légendaire à voir les choses en face, certes. Mais eux aussi sont fragiles. Nous, nous crevons de peur d’être lâchés. Eux sont empêtrés dans le grand mensonge d’une langue flamande triomphante, alors qu’en réalité elle est en déclin sévère par rapport au Français. La preuve évidente est sous les yeux de tout le monde depuis plus de quarante ans. Qui s’est armé d’une frontière linguistique et qui vit depuis à l’intérieur comme dans un ghetto ? Qui fulmine à tous propos contre les francophones ? Qui efface ou goudronne toutes les indications officielles dans les communes à facilités ? Qui en arrive à couvrir l’ensemble des Belges de ridicule ?
Ils auraient trop la crainte qu’en modifiant la loi, on en arrive à réclamer d’autres référendums.
Côté du PS, le président est contre également. Sans doute Di Rupo craint la grogne de la base comme celle qui agite aujourd’hui le PS français.
En général, on pense au PS que ce n’est pas le moment d’exposer au grand jour les divergences de l’Haut-lieu avec la base.
Cela, on le devine, ferait désordre.

23 février 2005

Un pote au fauteuil 36

Jean de LA BRUYÈRE (1645-1696)
Élu en 1693 au fauteuil 36 de l’Académie
Prédécesseur : Pierre CUREAU de LA CHAMBRE
Successeur : Claude FLEURY

Mort il y a 308 ans, cet essayiste moraliste a du « caractère ». C’est le moins qu’on puisse dire.
Il avait deviné trois siècles plus tard ce qu’allait devenir la société qu’il connut sous Louis le Soleil, c’est-à-dire pas grand-chose…
Mais encore ?
« Il y a des gens d’une certaine étoffe ou d’un certain caractère avec qui il ne faut jamais se commettre, de qui l’on ne doit se plaindre que le moins qu’il est possible, et contre qui il n’est pas permis d’avoir raison. »
On a tous quelqu’un comme ça qui rode quelque part dans la vie de tous les jours et qui doit être né exprès pour vous emmerder… et pas que le patron, les petits chefs… des âmes d’adjudant dans des endroits pas croyables, des sacristies aux recoins d’ombres pédophiliques… des automobilistes complaisants à la jeunesse qui s’appellent Fourniret… un paquet de mondes, dissimulés, punaises de boiserie, maquereaux de l’Haut-lieu, pervers de toutes les Assemblées, maniaques de l’Autorité, qui viennent chercher jusque dans les latrines à vous pourrir la vie.
On ne mettrait plus les pieds nulle part, si on était prudent. On ne ficherait plus rien, pépère à l’abri dans sa casemate, à se boucher les oreilles pour ne pas entendre les cris du voisin qu’on assassine.
Faut bien bouffer ! Et pour bouffer, il faut sortir, prêter le flan, s’aventurer, tâter d’abord de l’enseignant, puis du contremaître, de l’arbitre, du type qui parle pour vous, qui vous a compris… tu parles !
A l’extérieur, dès le bout du nez dehors, on s’expose aux plus ficelles. Ils font du zèle dès qu’ils savent que vous avez des malheurs. Alors, ils ne vous passent rien. Le flic qui roule bourré et qui vous en colle une parce que vous conduisez avec quelques dixièmes de plus d’alcool qu’il n’est permis, le préposé aux interviews à l’ONEm qui prend son pied quand il pénalise un pauvre type de six semaines ! Ah ! la crampe terrible sous le comptoir… Par contre, son collègue qui a du cœur… qui fait « bureautier » à côté, même s’il est pistonné par six générations de PSsistes montois, certain soir, aurait plutôt envie de se flinguer en comprenant comme l’Haut-lieu se sert de lui pour les basses besognes.

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Quelques pages plus loin, le fauteuil 36 de l’Académie nous met en face de Madame Bush, la sous-du-président à l’interview. Ah ! cette façon de la journaliste de parler avec précaution, en s’excusant presque, et ce rire, ce rire d’une hyène qui renonce à sa part, avant que l’autre ne l’ouvre pour dire une de ces banalités qui ne prête à aucune conséquence puisque toujours il est question de « resserrer l’amitié entre les peuples » !
A poil au lit avec son mec, cette journaliste doit se venger de l’humiliation où elle s’est mise elle-même, alors que madame Bush ne lui demandait rien, de toute cette journée épique où en même temps qu’on la choisissait « Mon chou, t’es la meilleure ! », elle-même est restée à choisir ce qu’elle allait se mettre sur le dos, pour ne pas éclipser l’autre, la grande dame, tout en ne passant pas pour une pauvresse, un cauchemar !...
- Qu’est-ce que tu as ce soir, ma chérie ? Tu n’es pas heureuse qu’on t’ait choisie pour interviewer madame Bush ?
- Tu vas me foutre la paix, dis l’excité ? Si tu me mets la main au cul encore une fois, je te retourne la mienne sur la gueule !
Il paraît que ça soulage. Demandez au psy : il faut se libérer du stress par un langage vert.
Tout ça, je le lis page 150 des Caractères, Edition Firmin Didot, 1869, une rareté pour esthète bibliophile.
« Dans la société, c’est la raison qui plie la première. Les plus sages sont souvent menés par le plus fou et le plus bizarre : l’on étudie son faible, son humeur, ses caprices ; l’on s’y accommode : l’on évite de le heurter ; tout le monde lui cède : la moindre sérénité qui paraît sur son visage lui attire des éloges ; on lui tient compte de n’être pas toujours insupportable. Il est craint, ménagé, obéi, quelquefois aimé. »
Dès que l’on s’est habitué au point virgule et surtout au deux points, Jean nous ravit. C’est un pote. Il a compris que l’homme n’est pas prêt d’échanger ses vices contre de la vertu.

22 février 2005

Le roi est mort. Vive le roi.

Oui, mais lequel ?

Guy Mathot qui vient de mourir était un homme qui tenait beaucoup de place où il allait.
Son parcours est édifiant de ce que peut être une « carrière » au PS. On l’a vu partout. Il a occupé tous les mandats possibles avec une boulimie de travail et un appétit peu commun pour les emplois les plus lucratifs, mais cela est monnaie courante dans ce parti, et il ne faut pas y voir autre chose qu’un désir de reconnaissance, par le statut.
Bien entendu, le grand public n’a retenu de lui que les coïncidences qui le voyait côtoyer des relations douteuses qui d’une façon ou d’une autre étaient marquées par des affaires sans que jamais la Justice réussisse à le déstabiliser et à l’impliquer officiellement dans l’une d’entre elles. Mais la régularité avec laquelle il a été cité à comparaître dans presque tous les scandales de ces 25 dernières années, donnait de lui, en-dehors des socialistes de Seraing qui l’adoraient, une image négative.
Pour mémoire, un bref rappel non limitatif des affaires au cours desquelles son nom a été cité.
En 1998, il sera blanchi dans l’affaire Agusta. Son nom n’est pas parmi les personnalités politiques citées à comparaître devant la Cour de cassation.
Une affaire de faux tableaux (surnommée le scandale du Gotha) où des proches de Guy Mathot étaient impliqués, l’affaire du circuit de Francorchamps, dans laquelle la Cour des comptes dénonça certains abus, alors que Guy Mathot était ministre des Travaux publics et enfin en 1984, la tentative d’escroquerie organisée autour du rachat de la raffinerie de Feluy, une affaire dans laquelle une amie de Guy Mathot, Eliane Van Vreckom, avait tenté de négocier un faux chèque au porteur de 10 millions de dollars.
Fatalité ? Amitié douteuse ? Volonté délibérée de lui nuire ? Peut-être un peu de tout cela.
Mathot était aussi un épicurien, grande gueule et bon vivant. Ce qui ne l’a pas toujours servi.
Sa disparition va provoquer des remous place Sainte Véronique au sein des seins du PS de Liège.
On sait l’importance de la présidence au national dans l’attribution des mandats. Depuis que Di Rupo est président, Mons ne se porte pas mal. La rénovation de son terrain de football avec l’argent du Régional fait des envieux jusqu’en Flandre. Marie Arena est un pur produit du crû. L’influence de la région montoise est grandissante.
Depuis l’assassinat d’André Cools, Liège a perdu son aura. C’est une Fédération en déclin. Elle n’a plus de ces grands gabarits comme l’était le maître de Flémalle pour redonner de la couleur à notre Région. Mathot a beaucoup souffert indirectement des affaires. Sans quoi, il aurait eu toutes ses chances à la succession de Philippe Busquin.
Mathot n’était probablement élu à la fédération liégeoise du PS que pour assurer la rénovation. Il s’était impliqué avec Michel Daerden, dans le redéploiement économique de la région après l’annonce de la fermeture de la ligne à chaud de Cockerill par Arcelor, sans grand résultat. Ensemble, ils devaient ramener la paix au sein de la fédération liégeoise du PS, particulièrement divisée après l’assassinat d’André Cools. Il faut craindre que cette paix tant souhaitée ait du plomb dans l’aile avec son départ de la scène politique.

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Parfois, des échos nous parviennent par les journaux de cette pétaudière où les candidats se marquent à la culotte, mais où personne n’émerge. En attendant Liège végète. Le PS toujours très puissant dans le bassin s’épuise dans des coups de théâtre où les petits chefs, tous plus anonymes les uns que les autres, s’affrontent. Guy Mathot est le père du député fédéral, Alain Mathot (32 ans). Ce dernier, n’a pas le sens politique et la finesse de son père. Il n’en est pas moins l’héritier. Il va recueillir toute la sympathie des gens. Conseiller communal à Flémalle, il a récemment annoncé son déménagement à Seraing, pour pouvoir succéder à son père lors des prochaines élections communales.
Cela a toujours été une tradition au PS, d’avoir des dynasties de plusieurs générations amuser le tapis et reproduire des carrières. Alain en sera-t-il capable ? Il part à l’assaut avec quelques avantages sur d’éventuels concurrents. A moins que pour calmer le jeu, Michel Daerden qui est le seul personnage nationalement connu place Sainte Véronique ne reprenne les rênes juste le temps de la réflexion.
Le seul qui pourrait mettre tout le monde d’accord, c’est le bourgmestre de Liège qui fait son petit bonhomme de chemin, comme son homologue parisien, Bertrand Delanoë qui avant son élection était inconnu. Willy Demeyer est sans doute la personnalité d’avenir de la Ville. Il inspire confiance aux Liégeois et est très populaire. Mais voudra-t-il ramasser ce sceptre local qui le rend quasiment prisonnier des situations vaudevillesques dont la Fédération est coutumière ?
La fonction qu’il occupe est-elle compatible avec une présidence locale ?
Nous le saurons très vite.

21 février 2005

Les précurseurs des adolphins.

A propos du film « La chute » qui montrait les derniers jours du Führer dans son bunker à Berlin, des critiques se sont laissé aller à des propos mitigés sur les qualités du film et de l’interprétation des acteurs.
Pour avoir lu les mémoires de Speer, je peux dire que le film serre bien la réalité historique, si l’on fait la part des choses depuis le document écrit en prison par le Reich ministre.
Ne pas avoir montré Hitler et Eva Braun morts avant que les SS les déposent dans une fosse dissimulés sous des tapis est le seul point délicat mis en évidence par un critique dont je partage l’opinion. Disparus sans laisser de trace, ils deviennent des personnages légendaires.
Evidemment, ce film n’a pas l’ambition de refaire le parcours du nazisme depuis une obscure brasserie de Munich de l’entre deux guerres, jusqu’à sa destruction en 1945. Je suppose que tout qui a des notions d’histoire contemporaine ne peut qu’éprouver de l’horreur devant une perversion totalitaire qui a causé la mort de millions d’innocents.
On pense généralement que la folie raciste qui s’était emparée des dirigeants nazis ne s’appuyait que sur les élucubrations de mégalomanes de l’extrême droite aux alentours de 1900, l’affaire Dreyfus en France, la perte de la guerre en 1918 et les rancoeurs qui suivirent.
De la sorte, on passe sous silence certaines expériences dans les colonies allemandes du IIme Reich de Guillaume, bien avant la Grande Guerre. C’est sur les territoires de la Namibie, du Cameroun, du Togo et du Tanganyika (l’actuelle Tanzanie) qu’apparurent les premiers camps expérimentaux, suite à la révolte du peuple Herero. C’est là que les futurs bourreaux du IIIme Reich se sont fait la main.
« Konzentrationslager » était le terme employé pour désigner les bagnes coloniaux. Les horreurs qui s’y perpétrèrent ne connurent aucun écho, sinon de quelques rescapés dont les voix furent étouffées par le colonialisme ambiant de l’Europe du temps.
Cette propension des gardiens de l’ordre allemand à faire périr ceux qui n’adhéraient pas à leurs lois était déjà une manière de gouverner dans l’Allemagne prussienne avant Adolphe.
Les nazis s’en souvinrent lorsqu’il fut question d’exterminer les Juifs, auxquels ils adjoignirent bientôt les Tziganes et les Noirs d’Allemagne, dès 1936.
La continuité est d’autant plus troublante avec les faits qui s’étaient déroulés dans leurs anciennes colonies jusqu’en 1918, que le gouverneur allemand en Namibie de l’époque était Heinrich Goering, le père de Hermann Goering, un des proches d’Adolphe.
Ainsi le fils s’est souvenu des « hauts faits » du père.

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En 1904, Goering père donne un ordre d’extermination (Vernichtungsbefehl) des Hereros. En quelques mois les coloniaux allemands tuent 80 % de la population locale. Les survivants sont regroupés dans des camps où des expérimentations anthropologiques et médicales sont conduites par le docteur Eugen Fischer, qui, quelques années plus tard, devenu adolphin, dirigera l’institut d’anthropologie et d’eugénisme de Berlin. Il sera secondé par son assistant Josef Mengelé, un des plus grands criminels de l’Histoire.
Ceux qui ont écrit l’Histoire de la période préhitlérienne, ont cru bon «oublier » cet antécédent fâcheux qui aurait, au-delà du Régime nazi, accablé davantage l’ensemble de la nation allemande à la défaite de 45.
Une autre explication de ce silence serait que les crimes dans les anciennes colonies allemandes auraient pu, par leur divulgation, entraîner des enquêtes et encourager les témoignages des populations noires qui ont eu à subir l’occupations des Belges, des Français et des Anglais.
Bien sûr, il est toujours hasardeux de rejuger des faits cinquante ans après, tant l’esprit dans le contexte d’une époque a évolué.
L’exposition qui se tient actuellement à Bruxelles au Musée de Tervuren sur le Congo au temps de la Belgique coloniale n’aborde pas ce thème qui nous fâcherait avec les dirigeants de notre ancienne colonie. Tout au plus voit-on quelques « punitions » (un vol = une main coupée) et par-ci par-là quelques exactions. Un voile prudent recouvre évidemment les intentions secrètes de nos chercheurs d’or pour laisser place aux bons sentiments de nos missions et de nos administrateurs de districts. Ce qui permet de masquer toutes les contrevérités que l’on a pu proférer sur la question.
Sans vouloir aller jusqu’à dire que les pays colonisateurs avaient tous leur docteur Mengelé, il est certain que nous ne saurons jamais l’importance des exactions que nous avons commises en Afrique.
Reste que de tous les colonisateurs musclés, on sait aujourd’hui que les plus « inhumains » étaient bel et bien les Allemands.
La suite allait nous le confirmer.

20 février 2005

Le 175me anniversaire de la RTBf

Le 175me anniversaire de la RTBf coïncide avec celui de la Belgique !
En effet, c’est Armand d’Étrange Lucarne, grand patriote, qui tint la RTBf sur les fonts baptismaux de Notre Dame de l’Amplitude le 21 juillet 1830.
Avec du vieux, on fait du vieux à la RTBf . M. Philippot (PS) qui allait « révolutionner » la chose et faire du neuf, s’est mis à faire du vieux comme ses glorieux prédécesseurs. D’abord sans le savoir, puis, imprégné de l’ambiance maison, le mauvais œil kafkaïen du boulevard Reyers, il vient de ressortir un discours de Wangermée des années 70, dorénavant « il associerait les gens de télévision au processus de conception des programmes ».
Les « prolétaires » du lieu ayant eu la réponse qu’ils souhaitaient, tout est rentré dans le désordre habituel.
1. Il n’y aura pas de concertation ;
2. Trois préavis de grève sont maintenus, dont 1 pour le 28 février, jour de la nouvelle grille des programmes.
La raison de l’attente jusqu’au 28 ? C’est le temps nécessaire à l’information « pour remonter la pyramide de la hiérarchie».
Reste que la RTBf est la seule télévision au monde qui réalise le tour de force de concevoir des programmes de télévision comme si la télévision n’existait pas encore. On en serait à découvrir les mérites de la galène des ondes radios, en vue d’une radio-télévision expérimentale qui espère bien ne plus faire des pertes.
En attendant, RTL, avec des programmes d’un plus bas niveau encore, rafle la grosse part de la publicité et rameute la population attirée par le scintillement des images de l’entreprise commerciale. C’est aussi médiocre, mais RTL a la réputation de faire du neuf. C’est comme ça. On n’y peut rien.
Idem en radio, où la RTBf découvre Edison, tandis que RTL s’envole dans les sondages avec Philippe Bouvard, un contemporain du télégraphe. Que voulez-vous quand le destin est contraire !
Stratégiquement Armand d’Étrange Lucarne, pardon Philippot, n’a pas tort. Il a voulu donner un coup de pied dans la termitière, mais mollement, à l’ancienne, si bien que les termites remontent par les jambes de son pantalon et il ne sait plus sur quel pied danser ?
Les 125 millions d’euros pour remplacer les sémaphores usagers ne serviront qu’à établir les licenciés dans leur droit et faire taire les mécontents d’un nouveau règlement qui sabre dans les heures supplémentaires et les notes de frais. Si bien que les vieux sémaphores ne seront remplacés qu’à demi. Ainsi, les vieilles images ne pourront que mieux se débobiner dans les appareils de projection anciens, qu’on aurait tort de liquider à présent. Les Frères Lumière les ont peut-être manipulés lors de l’Exposition Universelle de 1905.

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Il paraît que la Grande vadrouille et les Gendarmes s’enclenchent tout seuls dans les appareils.
On excipe des termes du passé pour signifier que l’avenir sera grandiose. L’Administrateur a appelé son plan Magellan (1480-1521). Preuve que l’initiative fait défaut, personne ne lui a suggéré Marco Polo (1254-1324), antérieur de deux siècles !... C’est dire que même en plongeant dans le passé, on loupe quand même des choses.
Les Horaces vont-ils virer les Curiaces ? Ce serait drôle, si ce n’était pathétique.
La machinerie était entrée en service avec Janine Lambotte. Bientôt, il n’y aura plus personne pour tourner les manivelles aux nombres de tours réglementaires. C’est la consternation !
Le Parlement de la Communauté française a entendu la ministre de l’Audiovisuel, Fadila Laanan (PS). Très vite, elle est tombée dans des généralités.
Quand on a un cursus d’animal politique, c’est comme ça. La généralité, c’est un lit honteux. On y fait tout ce que l’on veut. Rien n’a d’importance, puisqu’on y est invisible.
Les interpellateurs en ont été pour leurs frais. D’autant qu’Istasse (PS), le président de l’Assemblée, avait attribué à chacun 5 minutes de glose, pas plus, comme à la RTBf quand les temps de paroles dans les débats sont fonction du statut de l’intervenant, l’Haut-lieu étant crédité du temps maximum, bien entendu.
En ces temps de commémo, la RTBf se devait d’évoquer 1830. En raison des circonstances, la reprise de la Muette de Portici qui devait se glisser entre deux actes du « Mariage de Mademoiselle Beulemans » de Fonson et Wicheler, sera remplacée par « Lî naissance » du Théâtre impérial de Roture. On ne sait où sera monté le castelet, sans doute à Mons, décentralisation oblige, de toute façon c’est Philippot (PS) qui tirera les ficelles.

19 février 2005

Circé et l’étrange Ulysse.

-Pourquoi m’aime-t-il, Aiétès ? Qu’ai-je d’intéressant, sinon, mes yeux ?
-Ce n’est pas mal, Circé.
-Si je tachais d’en savoir plus ?
- Avant, assure-toi qu’il n’est pas fou.
-A quoi le verrais-je ? M’aime-t-il réellement ? On le dit amoureux d’Hélène.
-C’est peut-être un jeu ?
-Quelle idée ! Avec mon agricole semeur d’ellébore…
- …ton dernier avatar.
-…il était menteur, roublard, nul. Je l’ai vu tout de suite, mais il m’amusait…
-Tu l’as renvoyé. Tu as bien fait.
-Au moins je ne pouvais pas m’attacher. Je n’en ai pas souffert.
-Tandis qu’avec Ulysse, tu crains le pire.
-Oui, il a l’air sincère.
- Ce sont les plus dangereux.
-…à s’en débarrasser... Puis, il a trop voyagé. Il est trop vieux, trop intelligent…
-On a toujours trop de quelque chose qui vous désavantage, mais l’intelligence ?
- Si je lui mens, il le saura tout de suite.
-Mais, s’il est si intelligent que tu le dis, tu ne sauras pas qu’il sait que tu mens….
-Il va me parler de choses que je ne comprendrai pas.
-Ce sera l’occasion de les apprendre.
-Je n’oserai jamais lui présenter mes amis ;
-Pour lors, tu as raison. Tu trimballes une belle collection d’imbéciles.
-Ma famille.
-Ta famille, comme les autres, critiquera l’intrus. Dans le fond, elle s’en fout.
-Mes enfants.
-Elles te demandent ton avis pour changer de bonhomme ?
-Et puis les intellectuels n’ont pas de tempérament, ils n’ont que du vice.
-Possible. Mais à certains moments, le vice supplée. Tu ne t’en es jamais plainte.
-Il est trop vieux.
-Tu n’es pas jeune non plus.
-Je ne fais pas mon âge.
-Lui pareil.
-Il y a quand même entre nous une grande différence.
-Ça ne se voit pas.
-S’il vient à être malade ? Je me vois mal en Pénélope.
-Par contre, si c’est toi qui prends un râteau, je suis sûre qu’il sera à ton chevet.
-Là, je veux. Mais, c’est l’inverse qui me préoccupe.
-Tu pourras toujours dire que tu n’as pas la force, le courage, que sais-je ?
-Avec la profession que j’ai !
-Et alors ? On a vu des médecins défaillir à la moindre piqûre qu’on leur fait.
- Enfin, je n’en ai pas envie.
-Ça, c’est un argument.
-A d’autres moments, il m’intrigue. Un homme qui a tant voyagé. Qui sait tant de choses !
-Entreprends un voyage avec lui, tu verras bien la suite.
-Je ne peux pas. Je suis avec Horace.
-Ce valet de ferme que tu as ramené chez toi aux fêtes ! Tu l’aimes ?
-Non. Mais, il est de mon village. Je sais d’où il vient, où il va, ce qu’il fait
-Mais, il ne va nulle part !
-C’est rassurant. Il a une santé de cheval. Il fait l’amour comme un tracteur. Tandis que l’autre : un artiste, un poète !
-Demande l’avis de tes enfants, puisque tu en es là !
-C’est ce que j’ai fait. J’ai fait venir la cadette exprès. Elle l’a vu.
-Résultat ?
-Négatif. Elle le trouve moche et emprunté.
-Ils se sont parlés ?
-Deux mots à peine.
- Et sur cinq secondes, elle a su qu’il ne te conviendrait pas ?
-C’est comme ça.

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-C’est bizarre la vie. D’un côté, c’est flatteur qu’un type vous aime. L’inconnu attire. Il intrigue. Puis, d’un autre, on se rassure en restant dans un paysage et avec des gens que l’on connaît. On aime à la fois courir « l’aventure » avec hôtel réservé en bout de piste et pension complète et en même temps savoir qu’on va rentrer et retrouver ses pantoufles. On est à la fois furieuse que le sablier continue sa course dans un quotidien d’une grande banalité et fort aise que le futur soit aussi connu que le quotidien. On voudrait seulement rêver les choses. Quant à les vivre, c’est une autre histoire. Ulysse t’écrit des pages enflammées et des poèmes. Tu les lis Tu en es émue et flattée, mais c’est un bouseux qui frappe à ta porte qui fait l’affaire. Il n’intrigue pas. Il est rassurant. Il lit la Meuse et va le dimanche au football. Tout ce que tu détestes, mais qui te donne le sentiment de dominer les choses, de maîtriser la situation. Tu as raison Circé, laisse tomber cet Ulysse. Mais si par hasard, tu as encore son numéro de téléphone…

18 février 2005

Elle me drague.

-Elle me drague, je te dis, elle me drague !...
-Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
-Tu n’as pas vu sa façon de me tourner le dos ?
-Elle parlait à Jean-Charles…
-Tu as déjà vu quelqu’un tourner le dos comme elle, rien que pour moi ?
-Mais non…
-Et le regard qu’elle m’a lancé en se retournant brusquement, tu l’as vu au moins, le regard ?
- Mais tu marchais sur sa robe, écoute.
-Non, j’ai marché sur sa robe après quand elle s’est à nouveau intéressée à ce petit con de Jean-Charles.
-Je me souviens, tu avais coincé la bride de son sac entre ton genou et la table. Voilà pourquoi elle s’est retournée vivement.
-Mais pas du tout. Elle me drague, je te dis. Mais tu ne sais pas tout.
-Quoi ?
-Quand l’autre est allé aux toilettes, elle s’est tournée vers moi, tu t’en souviens. Elle avait un de ces regards ! Et sa gentillesse ? Tu l’as entendue, de sa petite voix câline ?
-Ecoute, elle n’allait pas te tourner le dos tout le temps.
-C’est quand même elle qui m’a adressé la parole en premier.
- C’est normal. Le garçon en mettant le plateau hors de sa portée, il fallait bien que quelqu’un lui passe son verre. Elle t’a dit : « Pouvez-vous me passer le gin-fizz s’il vous plaît ? »
-Et son sourire ?
- Elle voulait être aimable. Ecoute, c’est naturel. Elle te demandait un service.
-Elle aurait pu s’adresser à son voisin de gauche.
-Mais, il était aux toilettes !
- Elle aurait attendu qu’il soit aux toilettes pour m’adresser la parole ? Tiens, ce n’est pas bête, ça. Ah ! elles sont rusées, quand même.
-Enfin, Jean-Yves, le garçon est arrivé avec son plateau alors que Jean-Charles était encore aux toilettes. A qui voulais-tu qu’elle s’adresse ?
- Et quand je lui ai donné son verre… cette façon qu’elle a eu de me refuser de me donner son numéro de téléphone ? Je ne le lui ai demandé qu’une fois, tu as remarqué ? Or, elle m’a dit « non », trois fois ! Et j’ai senti que le troisième « non » était moins catégorique.
- Si tu le veux, elle me l’a donné.
-Pour moi ?
-Pas spécialement. C’est parce qu’elle me parlait du livre de Vitoux sur Céline, que je lis. Elle a suggéré que lorsque je l’aurai terminé…
- Que tu es bête. Elle sait que tu es mon ami. Je te signale que ton livre dépassait de la serviette que tu avais posée en évidence sur la banquette. C’est une ruse que je te dis. Ah ! elles sont fortes.Donne son numéro. Je l’appelle de mon portable. Tu vas voir.
- Allô, Myrèse, ici Jean-Yves.
-…
- Oui, Jean-Yves, au restaurant « L’imbibé », vous ne vous rappelez pas, avant-hier ?
-…
-J’étais assis à côté de vous. Vous avez fait semblant de ne pas me voir. Vous parliez ostensiblement à Jean-Charles ?
-…
-Vous ne voyez toujours pas ? Un monsieur un peu fort, entre deux âges, à lunettes ? Vous avez parlé du livre de Frédéric Vitoux à mon ami Polo, assis en face ?
-…
- Bon, ça y est. Vous me remettez.
-…
-Non. C’est de mon ami Polo dont vous vous souvenez. Bon. Ce n’est pas grave.
-…
-Qu’est-ce que je vous veux ? Mais, rien, c’était pour vous remercier de cette charmante soirée et…
-…
-Vous n’y êtes pour rien… que c’est le hasard. Que vous dites !... Si vous voulez, le hasard fait bien les choses.
-….
-Mais non. Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire… Merde. Elle a raccroché. Ah la finaude !...
-Comment la finaude ?
-Oui, je lis dans son jeu comme dans un livre ouvert. Comme vous vous êtes échangé vos numéros, elle va te téléphoner pour te demander le mien et me resonner, quand je serai chez moi, seul et disponible.
-Elle te l’a dit ?

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-Non. Mais tu le sens quand une fille te drague. Et elle, comme toutes filles qui manquent d’assurance, elle voudrait bien que je fasse le premier pas…
-Tu viens de le faire, là ?
- Penses-tu ! C’est plus subtil que ça. Sur la fin, elle s’est montrée agressive, même un rien grossière. Tu comprends.
-Je dois comprendre quoi ?
-Que c’était pour avoir l’occasion de me téléphoner, sous prétexte de s’excuser !...

17 février 2005

Embrassons-nous Folleville !

Ah ! qu’ils sont forts nos grands reporters (pour tout autant qu’il y en ait en Belgique).
Sinon, quelle est forte l’agence de presse qui a diffusé l’information qui suit : « les chiites d’Irak remportent les élections, la violence se poursuit. »
Comme s’il pouvait en être autrement, puisqu’ils sont majoritaires, laissant aux sunnites l’alternative de perdre le pouvoir, de jouer le jeu de la démocratie à l’américaine ou de soutenir le courant Ben Laden !
Et c’est justement après les élections que l’on va pouvoir juger si en politique irakienne le président Bush avait raison ; car, les résultats étaient prévisibles. Seule incertitude, on ne savait pas si les sunnites minoritaires allaient former une opposition « démocratique ». Maintenant, on sait !
Condi est venue nous dire à Bruxelles que la démocratie au pays de Saddam associera les sunnites marginalisés à un gouvernement d’Union nationale. Sinon, le pays risque de sombrer dans l’instabilité politique et la violence.
Madame Rice n’a tort que sur un seul point : la violence. L’Irak ne risque pas d’y sombrer, elle est dans un processus de violence depuis que les Américains y ont gagné la guerre.
Les Kurdes, maîtres de leur territoire, sont la deuxième force politique. Ils vont voter pour renouveler le Parlement de leur région, ce qui fait qu’ils seront plus autonomes que jamais. Reste à deviner quelles seront les réactions des Kurdes installés de l’autre côté de la frontière sur un territoire annexé par les Turcs et que les Kurdes revendiquent.
Le grand ayatollah Ali Sistani devrait assurer aux chiites la majorité absolue des 275 sièges de l’Assemblée nationale. Nul n’ignore que le rêve chiite serait de créer une République islamique sur le modèle de l’Iran, à l’opposé du rêve du président Bush qui voit partout une démocratie à l’américaine. Tout cela risque de virer au cauchemar à la Maison Blanche.
A Bagdad, on est en plein marchandage pour former une coalition.
Puisque le titre de ce blog a été emprunté à une pièce de Labiche, les géopoliticiens craignant la mésentente des communautés, on dira bientôt de l’Irak « Tout est rompu, mon gendre ».

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C’est dire si, comme en Belgique, les tapis vont être soupesés en passant entre toutes les mains. Condi aurait dû nous demander d’envoyer nos chefs de file. Les présidents des partis de chez nous forment la brochette d’experts la plus performante au monde, question marchandage. Qu’on se le dise. Milquet en couple avec Di Rupo, ces deux-là feraient un malheur dans les souks les plus fermés aux négociations.
Certains rêvent que les chiites se divisent. Cela les obligerait de partager le pouvoir. Rien n’est moins sûr.
L’ayatollah Sistani ne se présente pas. Mais il compte tirer les ficelles pour le compte de l’Iran.
Le président George W. Bush se montre prudent. Madame Rice attend la "certification". Mais tous les deux soulignent que "les Etats-Unis sont fiers du rôle qu’ils ont joué dans ce pays en faveur de la démocratie.
Reste que le gouvernement provisoire nommé, il faudra pourvoir l’Etat d’une Constitution.
Comme aucun des problèmes n’est résolu, voilà une nouvelle occasion de s’empoigner entre Communautés.
Mais comme Madame Rice l’a dit à Bruxelles, presque tous les différents entre l’Europe et son pays sont aplanis. On se comprend de nouveau. La confiance est rétablie. Rien ne nous empêche de prendre le relais en Irak, ne serait-ce que pour y aller relever les compteurs, refaire fonctionner le gaz et l’électricité. Bref, y aller démontrer ce que notre armée sait si bien faire lors des catastrophes naturelles. André Flahaut jouerait le rôle de chef de gare. Il a déjà le physique bon enfant qui établit la confiance. Il ne lui manque plus qu’une casquette à galons et une trompette de signaleur de trains.
Bref. Tout va beaucoup mieux, en attendant la catastrophe suivante qui se profile au Liban. On aime de nouveau l’Amérique et vive les « jambes » de Condi.

16 février 2005

Richard Miller : le retour !

Voilà qu’à l’occasion d’une nomination de compensation, on reparle de Richard Miller, ministre débarqué jadis du Gouvernement de la Communauté française pour faire place à Daniel Ducarme au temps de la superbe de ce dernier et avant la divulgation de son ardoise au fisc.
Les Arts et Lettres avaient besoin d’un gestionnaire, ce fut un Ducarme mirliflore qui obtint le poste.
On sait ce qu’il en est advenu et la douleur de Miller qui n’est ni parent avec dear Henry
de Sexus, ni d’Arthur le dramaturge, époux de Marilyn, mais un politicien comme il y en a à foison sur les chemins des thunes et du pouvoir, qui eut le malheur de rencontrer au sein de son propre parti une pointure 47 alors que lui chausse du 43..
L’histoire de la fourmi qui mange le puceron, de l’étourneau qui mange la fourmi et de la crécerelle qui mange l’étourneau est d’une grande banalité en politique où les emplois à bon rendement financier se disputent à belles dents.
Mais, parfois, les dessus du panier de l’Haut-lieu ont des gestes en faveur des malchanceux.
C’est ainsi que Richard Miller le libéral, le MR 100 %, plaît à une certaine gauche.
La solidarité inter parti est touchante, quand on sait que, du temps de ses malheurs, ce libéral farouche fut secouru et réconforté par Elio Di Rupo qui lui a fait confiance et avec qui il siège comme échevin des finances au conseil communal de Mons. (Décidément le président du PS est l’homme providentiel du MR après le cadeau à Louis Michel). Ce fut ensuite Didier Reynders, qui ne pouvait pas faire moins pour son collègue que le socialiste, qui nomma Miller à la tête de l’intergroupe MR pour chapeauter les groupes parlementaires. Et enfin, l’électeur l’a réélu au Parlement wallon.
L’homme n’est pas particulièrement démuni et il donne même des cycles de conférence à Mons : «Cette année, je parle de saint Georges, c’est fou ce que cela attire comme monde», dit-il. Et il s’est laissé pousser la barbe, un peu comme Castro à l’égard de Batista, pour fournir des poils à la queue du Dragon. «Je dis en riant que j’ai pris du poil de la bête.»
Ce n’est pas bien méchant tout cela, si ce n’est cette étrange solidarité des hommes politiques du sommet pour les héros malheureux du camp opposé. On ne rencontre guère de tels exemples dans les corporations où on a plutôt tendance à se marcher dessus.
Que Richard Miller ait conservé des prétentions à la culture ne fait pas de doute. Il aurait même pleuré en apprenant que Daniel Ducarme avait accueilli un acteur de Miami Vice avec les mêmes égards que s’il avait reçu Woody Allen ou Clint Eastwood.
Ceci dit, il ne faut pas croire que Richard Miller soit une flèche en matière d’art. Ce n’est qu’un honnête homme, et c’est déjà beaucoup.
S’il est bien noté au PS comme au MR, c’est qu’on apprécie de part et d’autre son indéracinable conformisme et son goût pour les arts dans la grande tradition bourgeoise. Héros libéral de la diversité culturelle, il ne va rien diversifier du tout, bien entendu. Les soupirs des anges n’ont jamais révolutionné personne.

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Voilà notre miraculé relancé pour postuler dans le futur un nouveau portefeuille des Arts et Lettres. En attendant, il ferraille contre la directive Bolkenstein qui ouvre les portes de la sous-culture anglo-saxonne, que Busquin contresigna en 1994 du temps où il était Commissaire rond-point Schuman. Au niveau européen, les règles de l’OMC (l’organisation mondiale du commerce) menacent de ficher en l’air le peu de culture française qui reste. La pression américaine directe et indirecte est intense. « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » comme dirait l’autre.
Reste que cette solidarité des partis est l’exemple de ce que les chômeurs devraient faire pour qu’on entende parler d’eux. Oublier les clivages, les sollicitudes intéressées et limitées des organisations syndicales, les recherches en solitaire d’un emploi chimérique, pour se pointer à six cents aux portes des usines afin que l’on y acte leur présence et le refus de la direction de leur signifier qu’ils sont effectivement à la recherche d’un emploi.
Tout cela bien loin, évidemment, des contingences du pouvoir. L’objectif était de sauver un homme aussi admirable que Monsieur Miller.
Voilà, c’est fait.
Les milieux spécialisés s’en félicitent.
L’Haut-lieu a toujours su préserver l’environnement ouaté de son Corps politique.
Que n’apprenions-nous à en faire autant !

15 février 2005

Condi la slick-chick

Jusqu’à la réélection de Bush, l’Amérique républicaine était vilipendée par les gazettes et les Européens de l’Haut-lieu. C’était même devenu une mode dans les couloirs du mastard building au rond-point Schuman.
Evidemment, il existait de solides raisons qui n’ont pas fondu comme neige au soleil de l’Irak. L’Amérique n’a pas changé et Bush est resté un redoutable évangéliste. Il persiste dans son ignorance des raisons qui nous l’ont fait détester : une guerre qu’il décide sous de faux prétextes, le dédain des accords de Kyoto, le refus d’arrêter la production des mines antipersonnel, son militantisme ultraconservateur, son mépris de l’ONU, sa vision musclée de la démocratie, etc…
Après Collin Powell et la fiole symbolique brandie au Conseil des Nations Unies qui, si elle s’était répandue, n’aurait produit qu’une tache sur la moquette, madame Condoleezza Rice est passée de conseillère à secrétaire d’Etat, en même temps que Dobeliou étrennait un deuxième mandat.
Du coup, l’Haut-lieu européen change son fusil d’épaule.
Miracle, l’atmosphère s’éclaircit. Condoleezza devient Condi et les médias découvrent qu’elle a des jambes magnifiques.
Quand après les fâcheries on recommence à parler fesses, c’est que ça va mieux.
Dans les quinquagénaires, elles sont deux ministres à se disputer le titre de « miss belles jambes », Condi et Michèle Alliot-Marie, la Française. (En principe, il y a toujours une Française dans des histoires de cul, une vieille réputation à défendre.)
Mais, qu’est-ce que c’est pour une politique ? Et on dit que gouverner est un domaine sérieux ?
Condi fait une tournée éclair en Europe, convainc tout le monde que les quatre premières années de Bush étaient un brouillon. A présent, on est dans le vif du sujet. Elle veut la pax america partout.
Même la famille régnante d’Arabie saoudite se met aux élections, ô modestes et sans signification, mais c’est un premier pas.
On s’arrangera avec l’Iran et même la Corée du Nord. C’est une question de bonne volonté et de dollars. Le raïs d’Egypte devra sortir des urnes de sa manchette, s’il veut encore être reçu à la Maison Blanche. Quant aux Palestiniens et aux Israéliens, Mahmoud Abbas et Ariel Sharon partiront incessamment en week-end amoureux.
Il n’y en a plus que pour Condi et le renouveau charismatique de son patron.
On la voyait bien vêtue de blanc à sa visite bruxelloise, comme Fabiola à l’enterrement de Baudouin. Elle était en rouge.
Qu’à cela ne tienne, on a fait le rapprochement avec ses connaissances du russe. A côté de cette polyglotte, l’oncle Vladimir rougirait de son accent de Piter.

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A l’OTAN, la nouvelle messagère de paix a célébré l’unité retrouvée de l’Alliance atlantique et les possibilités d’actions conjointes en Irak et en Afghanistan, dans les Balkans et au Proche-Orient. Bref, ce qui était impossible il y a six mois, est devenu d’une ridicule facilité.
On se demande ce qui a pu nous fâcher à ce point avec Collin Powell !
Lui qui était une colombe, cachait difficilement ses serres. Condi avec sa réputation de faucon était en réalité « coucou rou coucou » una paloma. Naturel, avec la paire de gambettes qu’elle a, c’était impossible qu’elle ne fût pas glamour et prête à damer le pion à tout le Crazy Horse !
On ne sait pas pourquoi, seul subsiste un trouble, à peine une divergence sur la Chine.
Les Européens sont fous de la croissance chinoise. Cela ne fait pas rire le président Bush qui voit d’un mauvais œil la levée de l’embargo de la vente des armes européennes à la Chine.
Alors, Condi la superbe, sans l’ombre d’une hésitation et sans qu’aucun de ses interlocuteurs ne pipe mot, a parlé des droits de l’homme, et de la place Tienanmen, dans un pays qui a procédé à 200 exécutions capitales en deux semaines, comme le rapporte Amnesty International.
Etaient-ce les jambes de Condi, le champagne, l’atmosphère de chaude amitié ? personne n’a relevé qu’en matière d’exécution capitale, Jeb Bush, frère du président et gouverneur de Floride, se pose un peu là.
Enfin, l’Haut-lieu retrouvait son Amérique.
Comme quoi nos élites sont de grands enfants. On les croit rigoureux et organisés, alors qu’ils ne sont que les clients peu exigeants d’un bar où les « small rabbits » qui servent le whisky aux hommes sont aussi « sexpot » que les femmes qui se tortillent à hauteur du bar en se tenant d’une main à la barre chromée qui descend du plafond.

14 février 2005

Arena, deuxième service !

Pour trouver un emploi de manœuvre léger sur un zoning, le latin n’est pas nécessaire. Cette juste assertion est conjointe aux pensées patronales et arenastotéliciennes.
Contrairement à la fois précédente quand la décision n’appartenait plus aux citoyens et que « roulez casquette » le divin architecte mettait la touche finale à l’écrin bureautique de Madame Arena, ici, sur une nouvelle initiative de la ministre, l’Haut-lieu va réfléchir à l’utilité de « causer » en déclinant.
Mais, tout n’est pas encore perdu pour le latin. On va encore « de asini umbra disceptare » (discuter gravement de l’ombre d’un âne) dans les belles somnolences des après-midi de réflexion des nouveaux locaux « jet set » de la charmante.
Il est vraiment trop dur de voir pleurer une femme. (Et lacrimæ prosunt). Je n’ai guère apprécié que perlât une larme au bord des cils de la belle Marie lors de ses explications sur ses « maladresses » en matière de dépenses de son cadre de vie au Ministère. Je me demande si un torrent de larmes serait suffisant pour qu’elle se repente de faire du latin la cible de son stand de tir.
Supprimer le latin dans le secondaire, c’est oblitérer la suite dans les études romanes où il est impossible de réussir sans cette connaissance. Autrement dit, à moins de recourir aux leçons particulières, il serait présomptueux d’effectuer sereinement des études supérieures de français, si l’on considère qu’on y apprend pour ceux qui n’ont aucun rudiment, le latin en six mois !
On peut réussir ce tour de force, mais les qualités de mémoire et d’application sont telles qu’on ne pourrait mieux préparer des étudiants à l’élitisme. Ce qu’apparemment Marie, esthète en mobilier, voudrait éviter. Elle aurait dû s’en ouvrir à l’autre fashionable du gouvernement, Madame Simonet, égérie des facultés. L’a-t-elle fait ? Mystère !
Supprimer le latin ?
La question est posée. Le contrat stratégique Arena pour l’éducation parle de réduire les possibilités d’options au secondaire. Le choix serait limité aux cours de langue et philosophiques. Le latin ne serait supprimé que si ce cours exerçait une forme de ségrégation entre les élèves, les fameuses filières fortes et faibles.
Alors, pardon, pour ce qui est de la ségrégation dans les Ecoles, inutile d’aller farfouiller du côté de la « distinction » que conférerait le latin, elle se situe bien avant, dans l’accablant programme primaire où à de rares exceptions près, seuls ceux qui ont des parents à la hauteur peuvent aller dans le secondaire sans complexe. Pour tous les autres, c’est la clé de douze et le tournevis qui les attendent, dans le cadre de l’apprentissage d’un métier où les plus idiots finissent professeurs d’atelier de l’enseignement technique.
Ce que madame Arena veut, sans le dire, c’est une génération se ruant sur les emplois disponibles, avec humilité et désir de bien faire, sans se poser d’autres questions que celle de plaire en esclave aux maîtres de l’économie.

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Or, le latin, avec la vérité apurée de son langage par rapport au français beaucoup plus « faux cul » dans ses variétés diffuses de répétition (complexion) et ses antanaclases à la mords moi le nœud, est une langue morte qui exerce le sens critique de l’étudiant et le forme à la connaissance de toutes celles dont elle est la source.
Evidemment, Arena sait bien qu’on n’attend pas d’un demandeur d’emploi toutes les qualités qui ressortent avec évidence du latin. Elle ne veut pas former des hommes, elle veut former des pions.
Que feror insanus ? quid aperto pectore in hostem mittor et incidio prodor ab ipse meo ?
Après le latin, on s’en prendra au français, déjà si naturellement relégué loin derrière les sciences exactes. Alors si elle veut lutter contre la ségrégation, la belle Arena, après le latin, elle va avoir du boulot pour raboter les différences et qui dit raboter, évidemment, signifie rendre la planche plus mince, de sorte qu’au bout du compte, lorsqu’on dira des futures générations « tous des cons » elle aura gagné. Tout le monde sera à niveau : le niveau zéro ! On écrira comme on prononce. La technique se met déjà au point sur Internet.
Il y a deux façons de lutter contre la discrimination, celle qui consiste à ressembler à l’idiot du village est la plus mauvaise. Par contre agir pour donner les mêmes chances à tous au départ de la vie est la meilleure. Mais, pour ça, il faudrait plutôt réfléchir à un vrai programme socialiste.
Une seule voix concordante :
Dominique Fontaine, de la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Liège, juge que beaucoup d’écoles se servent du latin pour constituer des « classes de niveau », les unes regroupant les élèves plus forts qui ont choisi le latin, les autres les élèves déjà plus faibles au sortir du primaire.
Cela est vrai. Mais, c’est le résultat d’une culture en chute libre, d’un aveuglement des parents et des profs de latin aussi peu psychologues qu’une baleine de parapluie.
Décidément, Marie Arena est très bien dans son rôle du temps présent. Elle transpire la prétention et la sophistication. Une haute opinion d’elle-même et une farouche détermination à diriger et dominer les autres, lui fournissent toutes les qualités pour aller loin en politique.
Mais plutôt que d’« égaliser » les chances en supprimant le latin, elle ferait mieux de supprimer les avocats au PS afin de rendre la parole aux autres, ce serait bien plus résolument égalitaire.

13 février 2005

I fé s’treut po les lådges à Lîdge

On a assez décrit au fil du temps le désastre architectural à la Ville de Liège au sortir des crises bétonnières des années soixante dont le Bourgmestre Destenay fut le porte drapeau, pour revenir une xième fois sur les pertes irréparables des témoins d’une architecture d’une grande qualité qui depuis le comblement des bras de la Meuse jusqu’aux années vingt ont témoigné d’une époque.
Le résultat actuel est pitoyable, tant par le peu d’unité des décors que par la laideur des buildings qui ont poussé un peu partout à côté d’ensembles plus modestes rendant les perspectives Sauvenière et Avroy irregardables, sans oublier les parkings dénaturant ce qu’il restait de verdures avec la piste centrale du bus ajoutant sa note au chaos apparent.
La Place Saint-Lambert telle qu’elle s’offre à nos yeux n’est pas ce que l’on peut appeler une parfaire réussite, mais elle a le mérite d’en terminer avec une catastrophe locale vieille de trente ans. Il valait mieux n’importe quoi que ce trou béant infâme qui a été le symbole de l’échec complet des bétonneurs. Reste que la polémique n’est pas close. Il faut « fermer » cette place côté gare du Palais et côté Tivoli.
Quand on voit la manière dont on a résolu le problème côté Saint-Michel, on peut douter de la capacité de l’architecture à la Strebel de conclure par un coup d’éclat. Il y a contraste entre ce bloc de bâtiment de type stalinien avec l’élégante façade de l’ancien Grand Bazar. On peut dire d’emblée qu’il n’y a aucune unité entre ces deux architectures. Il était évident qu’il fallait orner la façade Saint-Michel et surtout ne pas employer ce matériau clair dont on ignore encore comment au fil des ans il va évoluer. L’ensemble de la place est déjà si hétéroclite et disparate qu’on appréhende la suite.
La prétention de la justice à s’accrocher à notre palais historique en dit long sur la volonté d’en prolonger les bureaux par des annexes de proximité dont il est impossible de concilier la fonctionnalité et l’esthétique par rapport à la façade côté gouverneur. On va donc du côté de la gare du Palais nous sortir un bidule qui ressemblera peu ou prou à ce dont a été capable ceux qui ont construit l’Ilot Saint-Michel. Quoi que l’on fasse, il faut donc s’attendre à une nouvelle calamité visuelle qui va poursuivre l’œil des Liégeois pendant au moins deux générations.
N’aurait-il pas été plus simple de repenser l’ensemble de la Justice liégeoise sur un terrain – et il y en a encore de disponibles en-dehors du site de Bavière, notamment en Publémont et Fond des Tawes – qui aurait au moins deux mérites, celui de regrouper tous les services et de ne pas trop montrer sa modernité fonctionnelle probablement affreuse dans le centre historique de Liège ?
Des riverains se sont offusqués de cette offensive du mauvais goût et le Conseil d’Etat n’a pas fini d’examiner les plaintes en annulation.
Reste le côté Tivoli où là aussi, c’est la foire d’empoigne. Faut-il boucher la vue sur la place du Marché et si oui, par quoi ? On n’est pas près de trouver une solution à la fois fonctionnelle et esthétique.
Mais comment voulez-vous que dans une ville qui est fière de son esplanade remplaçant la prison Saint Léonard, on fasse l’unanimité sur ce qu’est le bon goût et sur ce qu’il faut démolir ou sauvegarder ?
Car, au lieu de garder les quatre tourelles d’angle de la prison et sa porte monumentale sur le mur de laquelle était une plaque à la mémoire de ceux qui y sont morts lors de l’Occupation allemande, on a préféré tout raser pour nous construire « rien » ! C’est à dire un immense désert, inutile, sans cachet, sans relief et sans caractère, se terminant par ce pont ridicule et déjà dégradé qui ouvre aux promeneurs la promenade des coteaux de la Citadelle !
S’il avait eu du génie, l’architecte qui a dessiné cette place aurait fait en sorte que le fond se marie avec la colline en s’élevant progressivement, en passant au-dessus de la rue Vivegnis.
Une place doit être un lieu de rassemblement, d’échange… or celle-ci n’a aucune utilité. Elle n’est même pas intégrée dans le marché de la Batte qui se déroule le dimanche matin sur les quais de la Meuse toute proche.
Comme, tout de même cette platitude étonnante avait de quoi surprendre, on a pensé compenser cet effet par la pyramide de bobines de Julos Beaucarne ! On se croirait dans un dépôt d’Electrabel… Mais qui donc à la Ville de Liège décide que telle chose est un monument et telle autre un déchet de dépotoir ? Nous avons un autre exemple avec ces demis cercles d’acier devant l’hôtel de Ville qui font penser à un squelette d’une baleine qui se serait échouée là par hasard. (Depuis nous en avons été débarrassés. Merci!)

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Cette Ville au sortir de la guerre 40-45 avait des défauts, ses bâtiments avaient besoin d’une importante rénovation, d’autres pouvaient être rasés sans mal, mais l’ensemble semblait cohérent de Coronmeuse aux Guillemins.
Des fous furieux se sont emparés de ce qui existaient, rêvant d’Amérique. Ils se sont rêvé les bâtisseurs d’un nouveau Manhattan. Quand leur baudruche s’est dégonflée, c’était trop tard. Des monuments avaient été détruits, des rues entières avaient disparu quelques hideurs avaient eu le temps de pousser comme le building de la Cité administrative, l’ensemble des Contributions qui pose aujourd’hui problème à la perspective de la nouvelle gare des Guillemins et l’ensemble des Chiroux, sans compter quelques chicots de vingt étages à côté de bâtiments anciens lilliputiens.
A présent que cette mode à la Le Corbusier-Empire State Building s’est effondrée dans les désastres dont Droixhe est la belle illustration, nous devenons les champions de l’inachevé et du saugrenu, une sorte de record kitsch qu’aucune ville flamande nous envierait tant, les architectes et les Administrations communales de Flandre ont été bien plus intelligents que nous en matière de restauration et sauvegarde du patrimoine.
Même Bruxelles, pourtant si dévastée par les spéculations immobilières, est moins outragée que la nôtre dans son centre ville.
Une seule belle rénovation qui promet : celle de l’ensemble muséal de Féronstrée, c’est peu.
Après ça, on aura beau soupirer après nos belles façades anciennes, numérotées et dont on serait bien en peine de restituer le puzzle, rien ne nous fera revenir sur les erreurs du passé.
Vigilants sur l’avenir ? Peine perdue, on n’écoute pas les doléances des gens. Il ne reste plus qu’à émigrer à Gand, Louvain ou Bruges, si on ne veut pas être malade à la vue d’une ville que l’on ne reconnaît plus… et apprendre le Flamand.

12 février 2005

Le procès de Mickey.

- Que viens-tu de dire, là ?
- …que le bordel fait autour du procès de Michael Jackson a quelque chose de révoltant.
- Tu ne devrais pas parler comme tu le fais!
- Ah ! non… pourquoi ?
- Tu emploies des mots trop violents et…
- …ce n’est pas sur l’affaire en elle-même que tu me dis de ne pas dire cela ?
- C’est sur la façon d’en parler. Bordel, révoltant… tu ne te rends pas compte. C’est dur…
- Tu trouves que mon vocabulaire n’est plus adapté à l’air du temps ?
- C’est ça. Tu devrais dire par exemple « confusion » au lieu de « bordel » et « déroutant » au lieu de « révoltant ».
-Comme ça les gens ne se sentent pas agressés. C’est mieux à ton avis ?
-Exactement.
-Au lieu de dire qu’une telle, en changeant le mobilier de son ministère, à la folie des grandeurs, je devrais dire « elle a modifié le look de son ministère de façon significative, mais de manière un trop dispendieuse. »
-Ce n’est pas bon non plus. C’est trop compliqué. Il faudra que les gens aillent voir la signification de « dispendieuse » dans le dictionnaire. Or, ils vont trouver que dispendieux signifie « cher, onéreux », ils vont être choqués…
-C’est encore trop dur à entendre ?
-Je ne te le fais pas dire. Nous sommes à une époque de civilisation douce. Les gens s’effraient des mots.
-J’ai remarqué. Ils s’effraient des mots plus que des événements.
-C’est par réaction avec les épouvantables choses qui se passent dans des pays lointains.
-Tu résumes bien l’opinion « épouvantables choses » c’est neutre, encore que « épouvantable », mais passons. « Pays lointains » là c’est magnifique. Tu ne parles pas d’Irak, d’Afghanistan, du Congo. Bref, tu n’éveilles pas chez l’autre le vif sentiment d’agression lui tombant dessus d’un point précis du globe… le vague toujours.
-C’est ainsi qu’à l’avenir on s’exprimera.
-Plus la situation sera difficile, intolérable, plus on donnera l’impression du bonheur, de la légèreté des êtres. Je comprends. Ce qui fait qu’au bout du compte le langage sera codé et pour dire « difficile », on dira que la situation était presque parfaite.
-Oui, c’est le « presque » qui mettra un doute dans l’esprit.
-Pour te résumer, si je parle de politique, je ne dois jamais dire que c’est grave. Avant la situation était mauvaise et c’était grave. La même aujourd’hui est désespérée, mais ce n’est pas grave.
-Voilà tu as tout saisi.
-J’ignorais que nous étions un pays plein de gens traumatisés par les mots ?

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-Une névrose générale.
-Mais qu’est-ce qui génère de la souffrance à un point pareil ? La faim dans le monde ? Les bas salaires ? Le cancer ? La délinquance urbaine ?
- Non A ce stade, ce qui écorche les gens, c’est leur famille. Les conflits entre générations,
les complexes d’Œdipe, vieillir, maigrir quand on est gros et moins souvent grossir quand on est maigre.. un sentiment général de culpabilité… un mal être…
-La mort ?
-Malheureux, ne prononce jamais ce mot. Personne ne veut plus en entendre parler.
-Les consultations en psychiatrie doivent aller bon train.
-Non. C’est d’abord le psy qui fait la bonne affaire.
-Ils vont s’y faire engueuler ?
- Non. Au contraire. Ils vont chercher de la compréhension et de la douceur. Ils y racontent leurs peurs, leurs angoisses. Pourquoi ils n’ont pas su dire « je t’aime » à leur petit dernier. Comment ils ont mal vécu leur dernier dimanche chez tante Sophie…
-C’est vachement intéressant.
-Non. « vachement » est de trop.
-Ils parlent de leur boulot, de la chienlit du Vlaams Belang, de la société du fric ?
-Pas du tout. Ils ont évacué ces problèmes grâce à la bénignité de leurs pensées, de la douceur des mots qui sortent de leurs bouches et de l’effroi que des types dans ton genre leur suggèrent.
-Ça arrange bien l’exploiteur, cette grande douceur.
- L’entrepreneur industriel suit le mouvement. Bien entendu. Il ne licencie plus, il met à disposition. Le préavis n’est plus qu’un délai d’attente… La perte du salaire est devenu un réajustement nécessaire.
-Comme la femme d’ouvrage est devenue technicienne de surface. J’ai compris. C’est admirable. Plus de gros mots, d’agressions verbales, mais de la douceur. C’est le temps de la tendresse.
-Pas du tout. La tendresse est ce dont ils se méfient le plus avec le stress.
-Ce sont de grands stressés ?
-Plus que jamais. Ils le disent partout. Mais, ils ont apprivoisé leur mal de vivre. Ils s’en accommodent. Quand ils manquent de stress, ils replongent dare dare dans leur passé pour recharger leur ressenti.
-Ils aiment souffrir, en quelque sorte.
-Oui, mais avec distinction et ils n’aiment pas qu’on le leur dise.
-Merde ! Oh ! excuse… on parlait du procès de Michaël Jackson.

11 février 2005

Un pape élevé à la gelée royale

Les laïcs boivent du petit lait avec le tapage des medias autour de l’hospitalisation de Jean-Paul II, 84 ans. Les spéculations de sa démission doivent être laissées à sa conscience, a affirmé le cardinal secrétaire d’Etat Angelo Sodano.
La déchéance physique de Jean Paul II, depuis qu’il bave en direct à la télé et use du play-back comme Madona, consterne jusqu’à la Belgique laïque.
Il faut dire que cette religion a vraiment montré ses limites dans ce qu’en psychanalyse on appelle un sentiment collectif de culpabilité. Un chrétien est coupable d’être né, de manger, de faire l’amour, en un mot d’essayer d’être heureux ! On se demande après ça comment, cette religion contre nature a duré si longtemps ?
Elle n’est pas la seule à vouloir le renoncement aux plaisirs. La musulmane dans le genre est tapissée d’autant d’aspérités à quoi il convient d’ajouter la place subalterne réservée aux femmes.
Bien sûr, le temps des Torquemada est passé et les papes ont adouci les angles, depuis Alexandre VI, Borgia, qui jouait aux cartes avec Pic de la Mirandole sur le trône papal. La religion est tombée dans les rideaux, les afféteries, la mode ecclésiastique et la politique collaborationniste, jusqu’à flirter avec les Allemands sous Pie XI et proscrire les préservatifs sous son dernier successeur en exercice.
Le pape, hospitalisé depuis mardi dernier pour des problèmes respiratoires, nous entraîne dans une nouvelle réflexion sur les institutions de l’Eglise. Lorsqu’il a voulu donner sa bénédiction, sa voix s’est étranglée et il a été inaudible. L’archevêque italien Leonardo Sandri en terminant la chose a répondu implicitement à ceux qui se posaient la question de savoir à quoi Jean-Paul II sert encore au Vatican ? Il n’est plus évidemment qu’un calicot peint à l’image de ce qu’il représente et qu’on agite aux fenêtres.
A sa sortie ce jour de l’hôpital, il a fallu démolir la porte des urgences pour que la papamobile puisse passer. Ce pape qui se veut comme tout un chacun aurait pu utiliser la chaise roulante mise à la disposition des malades. Voilà qui aurait été une belle leçon d’humilité pour tout le monde. Il est sorti dans sa cage de verre, comme si de rien était devant des fidèles enthousiastes de le revoir.
Sa possible retraite avait été relancée en octobre 2003, lors du 25e anniversaire de son pontificat. Un muet ne peut célébrer la messe et cela pose le problème de la renonciation, avait alors affirmé le cardinal argentin Jorge Mejia.
Si le pape voyait qu’il ne peut absolument plus continuer, alors il démissionnerait, avait affirmé Mgr Ratzinger. La rumeur avait couru que Jean Paul II aurait laissé à son secrétaire particulier, Mgr Stanislaw Dziwisz, des dispositions en cas d’empêchement, comme l’avait fait avant lui le pape Paul VI. Pas si sûr, car enfin, ces Messieurs de la Curie oublient un détail : et si JP II n’avait plus la faculté d’esprit nécessaire à l’évaluation de sa capacité de gérer l’Etat pontifical ? En un mot, s’il était gaga ?
Il y a seulement un siècle, les papes empêchés ne faisaient pas long feu. Un dévoué de la Curie faisait ce qu’il fallait pour qu’un autre pontife succède mezzo voce. Il faut croire qu’aujourd’hui, on n’ose plus…

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Vous me direz, en quoi cela me concerne ? Cher King, vous n’êtes pas catholique, vous vous dites laïc, donc, ce ne sont pas vos oignons ?
Certes. Mais, ce qui me touche avec ceux qu’une déchéance humaine pareille interpellent, c’est l’exposition qui en est faite. C’est porter atteinte à la dignité de toutes les personnes âgées que nous serons un jour. Et ça, c’est inadmissible.
Que je sache, la maladie n’est pas un étendard. Elle ne peut servir d’exemple. Qui nous dit que le vieillard au bout du rouleau qu’on nous exhibe se fait trimballer volontairement dans une sorte de cercueil vertical ? Son martyr est-il voulu par lui ou bien sert-il de paravent à la lutte de succession qui doit être chaude ?
Nous n’aurons pas de réponse à cette question.
On se satisfait de savoir comme on prend soin de ce vieillard. Il fait de plus en plus penser à une larve royale d’une ruche avec ses centaines d’ouvrières qui la nettoient, l’entourent et la nourrissent.
Ah ! si on pouvait être aussi attentionné pour les vieilles personnes qui s’éteignent dans l’indifférence des mouroirs dont nous peuplons les périphéries des grandes villes !

10 février 2005

Un homme heureux

-Ça y est. Je la prends !
-Tu prends quoi ?
-Ma carte.
-Comment ça se fait, si tard ? Tu n’es pas un perdreau de l’année !
-J’ai hésité. C’est toi qui m’en as donné l’idée. J’ai envie d’être un membre actif.
-Moi, je t’en ai donné l’idée ?
- Tu ne te relis pas ? Toujours négatif, critiquant tout. Alors…
-Alors ?
- On n’est pas si mal mon vieux, dans ce pays. Il y a beaucoup plus de gens honnêtes que tu ne crois… La situation n’est pas mauvaise… Le capitalisme que tu critiques tant, depuis que je te lis, tu n’as rien proposé de mieux. Je prends ma carte parce qu’il y a des gens comme toi, si négatifs ! On dirait que tu as peur du progrès. Positive, nom de dieu !
- Ma foi…
- La misère, tu n’as que ce mot à la bouche. T’es misérable, toi ? Tu serais pas plutôt jaloux ?
-Bien, non…
-En plus, je te connais, fourré chez tes intellos d’amis qui sont plus à gauche que leur chauffeur, en compagnie de jolies femmes qui parlent du Che en buvant du don Pérignon… Personne travaille où tu fréquentes et personne s’en plaint… D’où ils sortent l’argent pour leurs faux frais ?
-Il faut faire abstraction de sa situation personnelle pour…
- Et vas-y de tes phrases tiroirs qu’au milieu on sait plus ce que tu veux dire…
-Bref, c’est ma « gauche-attitude » qui t’a décidé ?
- Oui. Je veux militer pour la joie, le bonheur et le progrès social, mais dans l’ordre et la discipline. Tradition ! Tradition ! Tout est là. Chacun son tour. Respect des Institutions.
-Beau programme !
-Rigole pas. Si je suivais tes informations, pas toujours exactes je te signale, j’irais me pendre dans la cabane au fond du jardin avant l’apocalypse, le tsunami général, la vague monstrueuse qui effacerait d’un coup l’humanité !
-Tu as de bonnes nouvelles pour remplacer les miennes?
-Absolument. Les partis sont honnêtes. Les syndicats défendent bien les travailleurs. La Belgique est un pays d’avenir. On y gagne bien sa vie et personne ne meurt de faim.
- Dis donc ! Si c’est à cause de moi que tu causes ainsi, on va me demander de tenir la chronique des désespérés dans le Journal La Meuse, pour rendre le moral aux lecteurs.
-C’est la façon dont tu conçois le métier de journaliste qui me déçoit le plus. A t’entendre, nous sommes tous vendus au pouvoir. C’est cela qui m’a incité à prendre ma carte, par défi !
-On peut dire que tu es déterminé !
- Si tu décourages les patrons, que tu critiques les institutions, la justice et le gouvernement, je ne vois pas bien ce que tu fais en Belgique.
-Tu veux expulser pour incivisme un type qui est né place Del’Cour?
-Je n’irai pas jusque là. A la différence de toi, je n’ai pas de haine. J’aime tout le monde.
-Je parie que c’est à cause de ce que j’ai écrit sur Jean-Marie Leblanc et Paul Bolland qui te mets dans tous tes états ?
-Pas seulement. Des si braves gens, quand même, et Lance, un si grand sportif ! C’est ignoble ! Je te le dis, Richard, tu files un mauvais coton. Pourquoi tant de haine ?
-Que veux-tu que je fasse ? C’est dans ma nature. Je fais ce que je sais le mieux…
-Et bien, c’est pas grand-chose, tandis que moi, je positive. Les gens sont heureux quand ils me lisent
-C’est ton choix, vieux. Mais m’emmerde pas avec ta chanson du bonheur.
- Aha ! ça te gêne de me voir en pleine certitude, prêt à prendre ma carte…
-Au fait tu t’affilies à quel parti ?
-Je ne sais pas encore.

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-Non ?
-C’est comme ça !
-Tu aurais un doute ?
-Non, aucun. Mais ils sont tous tellement intéressants que je ne sais quel choisir.
- Affilie-toi à tous les partis.
-Ce n’est pas possible. Ce ne serait pas honnête.
-Pourquoi, si tu les aimes tous ?
-Je me demande si je ne vais pas d’abord m’affilier à un homme !
-Comprends pas !
-Oui, j’ai suivi la carrière extraordinaire de Paul Bolland, mais notre gouverneur étant pensionné, je me demande si je ne vais pas m’affilier à Michel Foret !
- En voilà une idée !
-J’ai envie de créer un fan-club, les amis de Michel Foret ! Il est dynamique, talentueux… enfin tout, simple, bon Liégeois…
-Vas-y reprends ton souffle… Tu fais une fixette sur les gouverneurs, alors qu’on parle de les supprimer ? Fais une fancy-fair, avec lâché de ballonnets et concours de pétanque ?
-Pourquoi pas, on pourrait faire ça en été à côté du village gaulois.
-Et le bourgmestre ? Tu oublies le bourgmestre, ce n’est pas bien !
-J’y ai pensé. Il est très sympathique. Il est parmi ceux que j’admire le plus. Il faudrait faire le tri, et je ne peux pas. Je les aime tous.
-Tu pleures ?
-Oui. C’est de joie d’être Belge, Wallon, Liégeois, marié et père, de rassembler dans un même amour le Bourgmestre, Michel Foret, Daerden, les frères Taloches et l’incomparable Julien Lepers !
-Lepers est Français !
-Il mériterait d’être Belge.
-Et bien, au revoir. Je te laisse. Voilà les infirmiers. Ne t’en fais pas. Sois heureux…
- Oui, il n’y a qu’une ombre à mon bonheur, c’est la douche. J’y entre gai, « pour le plaisir » comme Julien… et j’en sors triste !
-Faudra le dire au psychiatre.

09 février 2005

La consigne d’Arlette…

Evidemment, il y a les vacances de carnaval. Si la population dans son ensemble n’est pas présente sur les pistes alpines et encore moins à s’agiter avec les cariocas sur les trottoirs mosaïques de Buenos-Aires, elle doit se satisfaire à ce qu’en disent les conteurs de la joie officielle.
Comme jaspine l’optimiste « si tout le monde ne part pas en vacances de neige, presque tout le monde a les moyens de s’évader quelques jours de la ville. » J’admire ce « presque tout le monde » en ce qu’il recèle déjà une interprétation libérale de la loi des nombres.
Oui, ce pays sur les affiches vit bien. Il a sa réputation de belle vitrine de l’Europe à l’étranger et ses ambassadeurs sont bien propres sur eux, avec train de vie et tralala adaptés.
Ses belles avenues vont des profondeurs de l’Ardenne aux réserves ornithologiques de Knock-le-Zout. Il n’y a jamais eu tant de richesses ostentatoires dans les parures et les voitures… aussi peu partagées. Quand les fonctionnaires de l’Europe descendent sur Bruxelles, ce n’est pas en métro. Ils n’ont pas précisément le singlet de Marlon Brando dans « Un tramway nommé désir ». Leur charme réside plutôt sur leur compte en banque.
Les « considérés » qui glissent silencieux sur les moquettes de direction se sont acoquinés d’ex trublions jadis faméliques : les politiciens. Ils complètent la belle brochette des joyeux fêtards de l’Europe. L’Haut-lieu devrait se faire violence pour retourner à sa pauvreté et à sa médiocrité originelles.
On voit même parfois, fait rarissime, un loustic pas bien armé pour la vie, sauter gaillardement la barrière avec un Loto gagnant en poche.
Mais à part ça, tout ne va pas si bien dans cette foire d’empoigne à 500.000 chômeurs et à 500.000 pensionnés dans la pauvreté, sans compter les hors circuit, vivotant de charité et de petits boulots, des travailleurs au minimum, les demi portions du travail (mi-temps) et les naufragés du petit commerce.
Ça monte à combien, d’après vous, le déchet « inévitable » : un, deux, trois, quatre millions de personnes ? Et c’est ça qu’on appelle une société qui a réussi ?
La sélection capitaliste a rangé dans les placards ceux qui, d’une manière générale, n’ont pas été armés pour ses critères. Il ne pouvait pas en être autrement. Ne serait-ce que par l’impossibilité d’assurer la prospérité à tous. Ce qui est possible pour quelques-uns deviendrait impossible pour tout le monde. Donc, il faut trouver un système sélectif.
Et c’est là qu’intervient le statut, non pas pour la recherche des droits identiques, mais pour que la discrimination inévitable fût acceptable sans perspective de désordre.
- Ah ! bon. Toi, c’est pas pareil. T’as pas le même statut. T’as même pas de statut du tout.
Et c’est en cela que la société capitaliste a réussi. Elle a accompli ce tour de force que ceux qui sont écartés par l’arbitraire sélectif de l’argent et des capacités à en gagner en aient conscience soumis et passifs, encadrés par des responsables politiques qui, dès lors, ne sont que des comparses de la mise en boîte. Les pauvres sont culpabilisés de leur état de pauvreté. Le comble, quand on songe qu’ils sont les seuls à rendre la dignité aux « statuts » en leur donnant la possibilité de faire un examen de conscience (Ce qu’ils se gardent bien de faire).

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La société libérale a ainsi proclamé avec insistance l’égalité de tous ses membres pour mieux s’efforcer en toute impunité de les ranger en ordre décroissant, dans l’évidente intention d’exclure ceux qui apparaissent impropres à son fonctionnement.
Ayant ainsi trop bien réussi avec sa piétaille, le capitalisme ne s’est pas longtemps frotté les mains d’avoir anéanti l’extrémisme de gauche. Il avait oublié son excès : l’extrême droite. Et voilà que dans une aberration incompréhensible, les déboussolés de gauche rallient l’extrême droite, parce que s’ils savaient, ils fuiraient à toutes jambes. Mais le fait est dans les Flandres…
J’approuve le raisonnement d’Arlette Laguiller qui a donné des consignes d’abstention dans les élections présidentielles entre Chirac et Le Pen. Les partis majoritaires belges récoltent ce qu’ils ont semé, qu’ils se débrouillent avec le Vlaams Belang. Ce n’est pas après s’être foutu des petites gens qu’on demande leur aide. Si en France personne ne met en cause l’intégrité d’Arlette Laguiller et sa vocation de gauche, je ne vois pas pourquoi, en Belgique, avec les mêmes arguments, cela serait différent ?
C’est quand même la défense de leur système qu’ils ont baptisé Démocratie, qui est ici en cause. Ce n’est pas le mien. Qu’ils aillent se faire foutre.

08 février 2005

Without hope

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Je n’ai vu dans votre œil que des horizons verts
Savanes et forêts sous des climats humides
A travers le confus de mes amours timides
Je vous imaginais l’Athéna aux yeux pers

Notre complicité sous la tente obsolète
D’un nomade parcours à ses derniers instants
(Le Service allait vers son déménagement)
N’était le plus souvent qu’un hochement de tête

Qu’êtes-vous devenue avec le temps qui passe
Votre sourire à tous sans arrêt dispensé
Aurait-il eu pour moi cet air particulier
Qui fait que dans mon cœur j’en sens toujours la trace

Allez je crois savoir qu’ainsi meurent les choses
Le passé n’est cruel qu’à ceux dont les déserts
Ne se sont inspirés que de tous les hivers
Gardez donc ce silence en votre chambre close

Telle en mystère ainsi pour moi vous resterez
Avec chère Myriam pour uniques trophées
Les quelques rendez-vous aux heures programmées
Et votre doux prénom en secret murmuré

Nos envols monteront dans le ciel tourmenté
Nos trains se croiseront au hasard des voyages
Quand deux indifférents se frôlent au passage
Comme si moi de vous j’étais désenchanté

De cette triste fin c’est tout ce qu’on peut dire
Les valises sont là le bilan est tiré
C’est l’heure des adieux et mon cœur chaviré
Par habitude bat sans savoir qu’il expire

07 février 2005

L’Haut-lieu en délicatesse…

Rien n’est plus masqué que l’événement qui se joue en ce moment. Il peut bouleverser le hochepot et renverser le chaudron sur nos trois couleurs! Même les médias d’habitude si diserts, font silence !...
Il y a une dizaine de jours, pour donner une idée à propos de Bruxelles Hal Vilvoorde, Laurette aurait déclaré que si les parlementaires flamands déposaient une proposition de loi pour la scission, tous les parlementaires francophones quitteraient l’hémicycle.
Devant ce tsunami bruxellois, les plus farouches défenseurs de la liberté d’expression la bouclent, pour ne pas faire plaisir aux éjaculateurs de l’âme flamande qui seraient heureux qu’on les photographiât à la Cartier-Bresson le drapeau au lion noir sur les épaules, titubant de joie, s’écrier en trébuchant sur les mots « Adieu, belle gigue, adieu ! ».
Ce scénario douloureux aux francophones « républicains-royalistes », comme chacun sait, mais tellement attaché à la prise de la Bastille… en vendémiaire, est tellement près de leur apporter des emmerdes avec la liberté, qu’ils s’opiniâtreraient plutôt à repousser celle-ci pour se préserver de ceux-là !

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On ne voit pas Reynders et Di Rupo en Assemblée constituante, accueillir le roi fraîchement débarqué par des énergumènes anversois et le plaçant, en attendant, en résidence surveillée au château de Quaregnon.
Donc, l’Haut-lieu a planché sur les scénarios pour n’en retenir qu’un seul selon le principe de l’ancien président du Conseil français, Henri Queuille : « Il n’est pas de problème que le temps et l’absence de solution ne contribue à résoudre ».
On s’encommissionnera avec ardeur, quitte à commencer par discutailler sur la forme de la table, le confortable des fauteuils et la marque de l’eau minérale. Verhofstadt est un maître HORECA hors pair en matière d’hôtellerie. Puis viendront les desiderata des différentes sensibilités représentées. Di Rupo est un aussi bon architecte d’intérieur que celui d’Arena.
On se demande même si, à ce petit jeu, les « pousse aux crimes » flandriens ne sont pas autant soulagés de la palabre, que leurs collègues « sous-développés » francophones ?
Il y a donc du côté flamand, dans le rituel d’exaltation du nationalisme, une large part de théâtre. Ce qui devrait rassurer nos francophones dans leur rôle traditionnel du gnou mangé par le lion.
Quand on considère la situation, le peu d’intérêt que ces francophones apportent à la souffrance des petites gens, à la publicité que leur politique donne à moudre au moulin du capitalisme mondial, aux mesures qu’ils ne cessent de prendre et qui tendent à séparer ceux qui n’ont rien de ceux qui ont tout, on se demande bien pourquoi on se ferait du mouron pour leur problème, alors qu’ils s’en font si peu pour les autres ?
Bien sûr, l’Haut-lieu compte sur notre attachement à la dynastie, à l’Etat belge, mais la clientèle de culs bénis de la culture officielle sur laquelle ils s’appuient depuis 1830 a beaucoup évolué. Dans ces milieux, on n’adore plus les trois couleurs comme au sortir de la dernière guerre. Ils ont cru malin de poser les fondements d’un Etat fédéral. Les culs bénis ne les ont pas compris, même s’ils les ont suivis. Leurs rangs s’appauvrissent des défections. Encore heureux pour eux que les nationalistes francophones ne soient pas plutôt derrière un Gendebien, qu’un Minguin.
L’Haut-lieu est terrorisé que ce fédéralisme aille jusqu’au bout de sa logique.
Que les citoyens soient excédés de ce débat communautaire ne fait pas de doute, qu’ils conservent encore l’adamesque (vous avez bien lu, mot tiré du nom du chanteur Adamo) perspective de l’Etat belge, c’est moins certain. Personne ne saurait contraindre à parler le flamand à des milliers de personnes qui n’en ont pas envie. C’est ici un droit universellement reconnu, sauf en Flandre. L’opinion francophone n’admettrait pas qu’une fois de plus, on voie nos parlementaires en liquette et la corde au cou, supplier les « craqueurs d’R » de les garder encore un peu, en lâchant du lest sur B-H-V !
En attendant, le ministre flamand Geert Bourgeois (NVA) en remet. Il a donné comme instruction au délégué flamand du tourisme en Allemagne de ne pas utiliser le mot «Belgique», ni les couleurs nationales dans les manifestations relatives au 175ème anniversaire du pays. On voit le genre !
Tous les historiens vous le diront, les politiques dans les Royaumes anciens et modernes qui ne se sont pas intéressés au sort des petites gens sont tous passés à la trappe ou sont en passe de l’être.
La responsabilité de nos partis politiques est telle que si la Belgique disparaissait, ce serait aussi bien de la faute des partis « démocratiques » que celui du Vlaams Belang.

06 février 2005

Dithyrambe

Qu’est-ce qu’on a entendu comme louanges de l’Haut lieu l’année dernière, à propos du tour de France !
Le bonus pour Liège… l’extraordinaire exploit sportif… l’entregent du gouverneur Boland… son amour de la bicyclette… On en a fait des rayons.
Concrètement pour le citoyen, ça nous a valu la réfection rapide du boulevard d’Avroy. Pour le reste, une certaine retombée pour les marchands de gaufres à la sauvette.
A Liège, on raisonne en boutiquier. La boutique fait des bénéfices, donc les Liégeois apprécient. Dire que le petit commerce, c’est toute la raison d’être de Liège, c’est enrouler un peu vite le pédalier.
Mais ce Tour, pas comme les autres, nous a permis d’avoir en premier podium les Castor et Pollux de l’amitié indéfectible : Jean-Marie Leblanc et Paul Bolland, le régional de l’étape !
On n’aura jamais vu autant de dithyrambes, à croire que la ville entière n’avait pas assez de voix pour entonner l’hymne à la reconnaissance éternelle. On en avait le pignon fixe brisé menu !
Le vélo étant annexé par l’Haut lieu, il n’est plus possible d’y côtoyer des docteurs Mabuse. Les EPO et autres drogues antisportives, Liège en a trouvé le vaccin : la tolérance zéro ! Le Tour, enfin, est pasteurisé, propre et digne d’admiration. Enfin, c’était ce que l’on a cru comprendre des déclarations de nos Castor et Pollux. Les antidotes au poison de l’exploit plus médical que sportif, c’est sur le terrain même qu’ils ont été administrés sous forme de discours et de résolutions. Plus jamais ça !.
Il faut dire que pour les loustics de l’écriture, c’était surtout Popaul et Jean-Marie qui intéressaient, par une sorte de réflexe clientéliste, une manière d’être trop ancienne pour qu’elle pût changer. Des inconditionnels établirent en ce mois de juillet 2004 une sorte de nouveau record du monde, c’était à celui qui astiquerait le mieux les pompes de l’Haut lieu.
Pour anesthésier tout à fait le public, il fallait bien quelque sportif exemplaire à mettre en évidence. Qui plus digne que Lance Armstrong, pour ce rôle ?
Ce n’est tout de même pas Popaul et Jean-Marie qui grimperaient l’Alpe d’Huez ! Il fallait un héros moderne. On choisit Lance, dont on se doutait bien qu’il allait arriver à Paris dans un fauteuil.
On jura sur la bible du Tour de France que s’il y avait bien un athlète « clean » c’était bien lui.
Quelques mois plus tard, stupeur et damnation, aurait-on tout faux ?
Qu’est-ce qu’on lit dans la presse de Dallas à Austin ?
« Suspecté de dopage, Lance Armstrong est privé d’une prime de 5 millions de dollars « !
Depuis le triomphe aux Champs Elysées de la vedette texane, il s’en est passé des choses du côté de « l’univers impitoyable ». Il y a d’abord eu le livre des journalistes David Walsh et Pierre Ballester qui avec les témoignages qu’ils ont recueillis mettent en cause l’intégrité des performances sportives du coureur. Son ancien coéquipier Stephen Swart laisse entendre que Lance avait recours à l’érythropoïétine (EPO) au milieu des années 90. Une ancienne soigneuse du prodige parlerait de seringues, bref, il se déverse un chapelet d’horreurs qu’à côté Richard Virenque n’aurait été dopé qu’à la camomille !.

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Mais le comble, c’est que Vance tient à sa prime de 5 millions de dollars et que le procès que la Compagnie d’Assurance entend bien gagner va avoir lieu en plein Tour de France.
Popaul n’est plus concerné. C’est Jean-Marie qui va monter seul aux créneaux.
C’est dommage, en duo, ils auraient sans doute eu leur saoul d’articles élogieux de la presse sportive, sans compter l’occasionnelle… A moins que Monsieur Bolland n’étant plus en exercice, les empressés de l’année dernière ne se jettent aux pieds du nouveau gouverneur, Michel Foret, qui, on le sait, n’est pas un adepte farouche de la petite reine.
Que va-t-il se passer si en juillet Lance Armstrong est convaincu de dopage à son procès ? Pendant les périodes où il a gagné le Tour dans les cols, les mains au-dessus du guidon, alors que les autres avaient la langue qui se prenait dans le dérailleur, aurait-il été chargé comme une canonnière ? Jean-Marie sans Popaul va-t-il rétrospectivement refaire les palmarès douteux ? Est-ce qu’on va homologuer les six tours de l’hyper champion ?
Il est heureux que Popaul ait pris sa retraite fin de l’année dernière ; car, si cela avait été cette année, Liège en aurait vu de belles au départ des coureurs. Et peut-être bien que les discours triomphants eussent été plus modestes et les larmes d’admiration du parterre moins visibles.
Encore que, l’Haut lieu ne refait pas facilement machine arrière.
La politique, c’est comme dans le sport, plus on a tort, plus il faut persister à faire semblant d’avoir raison.

05 février 2005

Tendinite.

« T’es pas sûr de t’être accompli 100 %, tu vois, au boulot, quand t’arrives bord du gouffre, pas tout à fait chômeur, pas tout à fait retraité… que dans ta hiérarchie, ils commencent à te faire la gueule. T’es comme qui dirait dans l’état du consommateur au comptoir : t’as la dose et que le patron du troquet sait qu’il te vendra plus de la bibine de la soirée. C’est pas peu dire, tu deviens encombrant.
Voilà dix ans qu’une autre catégorie de loustics est plus à la recherche d’elle-même que d’un emploi. L’un comme dans l’autre, tu te dis « Mais, nom de Dieu, qu’est-ce que je fais dans la vie ? ». Si t’as viré américanolâtre, t’ajouterais « putain » dans tes misères verbales. Exemple « Mais, nom de Dieu, qu’est-ce que je fais de bon dans cette putain d’existence ? » C’est la même chose, mais c’est plus fort.
T’as pas trente six solutions. Chez toi, le désert, bien que la connerie ait peur du vide. Prudente, ta charmante s’est barrée. Si elle ne l’est pas, vous vous destinez à faire la gueule devant la télé jusqu’à ce qu’il y en ait un des deux qui clabote. D’habitude, c’est le mâle, trop rondouillet, infarctussissant, le boyautique à 110 % de matière grasse. Le malheureux est pas armé pour survivre. Si bien que Bobonne libérée à la ménopause n’a plus qu’un recours : celui de se jeter dans la peinture à L’Aca ou l’ouvroir libéral, rayon tricots pour nécessiteux.
Si t’as résisté au cancer de la prostate, au stress du travail et que par contre, bobonne s’est tapé le col du fémur à cinquante carats et qu’elle en a pas réchappé vu le concours de circonstance où elle a confondu l’hosto avec la descente en kayak de la vallée du Tarn, te voilà dans la panade avec la circonstance aggravante que t’es pas capable de cuire un œuf.
Jeté de chez l’Antoine Birotteau, parfumeur, chez lequel t’as été employé pendant trente ans et qui te fout dehors avec une montre à vingt euros où sur le boîtier t’as quand même l’inscription qui sauve : « Les Etablissements Birotteau à Ernest Poissard, son employé modèle », t’es mal préparé à l’interrogation décisive. A l’école, on t’a appris ajusteur, pas critique de société.
Alors, club des pensionnés, café des anciens du monde moderne, philosophie d’arrière salle ou reprise des études au niveau zéro ? Pour commencer, tu t’affaisses au café du commerce, entre les machines à sous, sur la chaise des départs Ricard. C’est là que t’entends qu’il y a un Popov qui se bricole une porte de sortie à côté des toilettes dans un tour de table où tu peux déballer ta connerie, plus à l’aise qu’entre deux hoquets de poivrot.
T’y cours. Le mec est sympa, les vielles folles qui sont là ont manifestement des problèmes « au niveau du vécu », ouais, c’est le nouveau dialogue, la phrase à mystère. Pour te mettre à niveau, tu reprends les bouquins qui t’échappaient des mains quand t’avais que la branlette en tête. C’est le même effet, sauf que cette fois, t’es pris par la sieste.
Tu t’aperçois que tes années Birotteau t’ont servi à rien, que t’y as perdu avec tes cheveux jusqu’au souvenir de Cadichon l’âne savant, tes cinq semaines en ballon et même la petite Cosette quand t’étais en âge de la faire monter au rideau entre deux passes chez Ténardier.
Au lieu de te sortir du trou, ça t’enfonce un peu plus parce que tu prends conscience que ta connerie, c’était pas des « on-dit » mais des certitudes.
Reste plus que la Religion, mais ça te dit rien non plus. Croire aux couillonnades, purs produits de l’imagination très ancienne distillée par la peur de l’inconnu et qui a saisi l’homme depuis l’âge des cavernes, c’est plus fort que toi, tu peux pas. C’est ce qui te reste de bon sens qui fait que t’es pas tout à fait le roi des cons.
T’as plus qu’une solution, tu t’assures « Aristoffe » l’Assurance contre le risque de l’ennui. »

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- C’est quoi ce cirque ?
- C’est pour la pub Aristoffe.
- Vous vous foutez de qui, là ? Vous traitez les futurs clients de cons ! Vous espérez avoir un carnet de commande avec ça ?
- On peut toujours essayer. Pourquoi ça ne marcherait pas ?
- Il faut faire rêver, nom de Dieu, et pas mettre les gens dans leur caca.
-Vous m’aviez demandé un truc réaliste ?
- Une réalité politicienne bon sang ! Une réalité arrangée.
-Mais elle est arrangée, merde, la réalité, tellement arrangée que je peux pas aller plus loin dans l’arrangement.
-J’entends bien, l’arrangement pas dans le mauvais sens, le portrait charge, l’outrance !
- Mais pas du tout. C’est bien pire ce qui arrive aux débarqués de la cinquantaine, aux naufragés du rêve économique !
- Ecoutez mon vieux, je sais que vous êtes très fatigué, surmené, à bout, que diriez-vous d’un petit séjour à Garmisch-partenkirchen ?
- Mais pas du tout, je vais bien.
-Vous avez beaucoup écrit ces temps-ci en dédicace à une certaine M. Vous êtes sûr que vous ne nous faites pas une dépression « chagrin d’amour » ? Vous savez, ce sont les plus virulentes…
- Aïe ! cessez donc, vous réveillez ma tendinite…

04 février 2005

U2 en concert.

- Simonetta, mon amour, je vois que tu me fais la gueule.
-Non chéri, c’est juste que je pense toujours à l’autre.
-C’est quand même un comble, après ce que tu m’as dit !
-Qu’est-ce que tu veux, c’est plus fort que moi !
-Il a quoi de plus que moi ? Il est vieux, chauve, marié et ne pratique pas le muff-diver dont tu es si friande ?
- C’est vrai. Je sais cela. Il avait quand même des qualités.
-Lesquelles ?
-Tiens. Il est intelligent. Il a un déodorant bucal… attends… Broute-cresson.
-Broute-cresson, le parfum d’Edith ?
-Ce que tu es bête ! Tu devrais essayer… une fraîcheur de la bouche que, qui… quoi…
-C’est ça je pue de la gueule !
-C’est toi qui me demande. Je ne dis pas que tu pues de la gueule, mais…
-Presque ?
- Tu n’en peux rien. C’est plus profond. On dirait que chez toi, ça te remonte de l’estomac.
- Ah ! j’en apprends !... Et quand tu dis qu’il est intelligent, c’est par rapport à qui ?
- Je sais, tu as l’intelligence du cœur, toi, c’est déjà quelque chose.
-Voilà, on y est. Je suis con !...
-Non, pas du tout par rapport à ceux que nous connaissons. Tu es même au-dessus.
-Je m’en fous de ceux que nous connaissons, c’est par rapport à lui qui m’intéresse ?
-Tout est relatif, mon chéri…
-Ne dis pas « mon chéri » maintenant. Après, oui, si c’est encore possible…
-Il y en a peu qui ont son intelligence.
-Donc, par rapport à lui, je suis un con.
- Pas exactement. Tu n’as pas son expérience, sa culture...
-Parlons-en de son expérience. Est-ce que je claironne partout que je trompe mon épouse, comme lui l’a fait en te prenant pour maîtresse ? Est-ce que je mets sur ma carte de visite « finaliste des Chiffres et des Lettres à France 2 » ? Enfin, qu’est-ce que c’est pour un type ?
- Tu n’as pas sa culture, un point c’est tout.
-Vrai, je n’emploie pas des mots comme « ataraxie » ou « prolégomènes » pour dire que je vis seul depuis peu de temps.
-Tu vois comme tu es jaloux ! C’est insupportable.
-Non ? Tu l’as vu ? Il n’a plus un cheveu sur le caillou !
-Ça lui donne un air de virilité qui lui va bien. Tu ne trouves pas ? Tandis que toi…
- Quoi, moi ?
- Les cheveux des tempes que tu rabats sur le dessus de la tête, ça veut dire que tu n’en as plus tellement et que tu les perds progressivement.
-D’accord. Je suis un con qui perd ses tifs. Reste plus que l’âge. Là, tu ne peux rien dire. J’ai quand même 25 ans de moins que lui et dans le fond, soit dit sans t’offenser, 5 de moins que toi.
- Je savais que tu parlerais de mon âge. Dis tout de suite que je suis une vieille femme ?
-Je n’ai pas dit ça, puisque tu as encore 20 ans de moins que lui.
-Et alors ? Qu’est-ce que l’âge vient faire en amour ?
- Pas immédiatement, à 50 ans, il en a peut-être encore sous la semelle, mais dans 10, voire, 20, ce ne sera plus qu’une épave. Ce n’est pas quand il changera la pile de son pacemaker, qu’il se mettra à avoir des « ardors » ?
-A 25 ans, tu es fort immature, tu n’es pas mûr pour comprendre ces choses !
-Je ne savais pas que le jeune âge c’était aussi un handicap. Quand même au lit, c’est un avantage !
-Non, mais de quoi tu causes ? Comment sais-tu ce qu’il fait au lit ? Qu’est-ce qui te fait croire que tu lui es supérieur ?
-J’allonge la liste. Jusqu’à présent j’étais con, trop jeune, presque chauve, avec un ulcère à l’estomac, voilà que par rapport à lui je suis une couille-molle !
-Parfaitement. Maintenant que je vous compare. Quand je range tes caleçons dans l’armoire, j’ai l’impression que j’empile des surplis à la sacristie de la Chapelle-Sixtine !

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-Je tombe de haut !
-Et, c’est pas fini.
-Qu’est-ce tu fais ?
-Je regarde par la fenêtre. Sa voiture est là. Il m’attend.
-J’aurais dû savoir… Simonetta est amoureuse du troisième âge. Madame fait dans le débris, l’occasion…
- Ma valise qui est sous le lit, hop, je la tire. Je suis bien heureuse que ce soit toi qui me vire. Merci, de m’avoir tendu la perche. Je n’aime pas rompre.
- Mais, je ne te vire pas !… Tu peux rester. Réfléchis… Ne fais pas ça…
- Que je te dise, franchement, tu es ignoble, dégueulasse… Tu finirais par me supplier de rester…
-Qu’est-ce que je vais faire des deux places de U2 ?
- Non. Tu as les places pour le concert d’U2 ! Pourquoi ne l’as-tu pas dit tout de suite !
-Et ton petit vieux qui est en bas dans la bagnole ?
-En y regardant mieux, c’est un break Toyota, mais ce n’est pas le sien.

03 février 2005

Pendant les fortes chaleurs…

…les viandes sont au frigo.

Dans un passé, pas très lointain, la « classe moyenne » définie comme le palier d’accès à l’aisance et à la bonne bourgeoisie, était considérée comme le premier objectif vers des destins supérieurs.
Le récent développement d’un capitalisme ravageur montre en évidence que les données ont changé et que l’on ne devient pas « industriel » aujourd’hui de la même manière que par le passé, où il suffisait d’agrandir la boutique des parents ou des grands parents, d’année en année, pour « réussir » et avoir pignon sur rue.
Les petits commerces n’en finissent plus d’essuyer les faillites les plus retentissantes. Les loyers exorbitants des rez-de-chaussée commerciaux et les charges excessives acculent rapidement à déposer le bilan ceux qui pensaient qu’une belle situation en ville, de bons produits et un travail sérieux étaient des éléments suffisants pour réussir.
Si par le passé travailler douze heures par jour, économiser sur l’éclairage et sur le pain, se payer moins que le dernier commis étaient la recette qui conduisait à la réussite du petit commerce, il faut d’autres arguments en 2005.
De même, les réussites des professions libérales n’ont plus l’automaticité des 30 glorieuses.
Des médecins sont au chômage, des ingénieurs sont employés de bureau et des architectes ne sortent jamais des Administrations publiques.
Monsieur Mené, le président libéralo-chrétien des Petites et Moyennes entreprises n’est plus que le factotum des mauvaises nouvelles pour les « classes moyennes ». Celles-ci surnagent par habitude. Le pauvre Mené devient l’invité du bout de la table d’un autre genre d’industrie qui pue l’argent et qui n’a plus aucun rapport avec le commerce de jadis.
Les partis de gauche et de droite qui ciblent « la réussite » en axant leur politique sur « l’effet classe moyenne » ne savent pas encore que les commerces de détails n’existent plus que sous la forme de comptoirs pakistanais de denrées alimentaires et de gérants minimexés préposés à la vente des fringues et des gadgets électroménagers.
Avant que cela ne tombe dans le néant, il serait amusant de définir ce qu’était, du boutiquier à l’employé modèle, l’homme d’avenir au bel âge de l’élévation sociale du commerce et de l’artisanat, comme l’entendent toujours MM. Di Rupo et Reynders.

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Avant de « parvenir » l’individu « classe moyenne » vivait sans superflu. C’était un homme du nécessaire.
C’est au début du siècle dernier que cette catégorie sociale s’est structurée. Dès avant la première guerre mondiale, elle pèse sur les décisions de la classe dirigeante, tout en prenant conscience de son impuissance politique. De là, naîtront tous les mouvements – appelés aujourd’hui poujadistes - issus des plus radicaux de ses membres (1) qui donneront le jour au Rexisme puis à la collaboration avec l’Occupant. Ce qui influence encore des partis du Front National au Vlaams Belang, dans le discours, tout au moins..
Le problème de ces indépendants est socio-professionnel. Intermédiaires entre les classes défavorisées et les classes prépondérantes, ils connaissent le poids de leur dépendance des nantis et leur qualité par rapport aux classes défavorisées, d’où leur mépris, voire leur haine des travailleurs manuels.
Ils mangent pour travailler, travaillent pour épargner, épargnent pour s’élever, et finissent par travailler plus encore après s’être élevés.
Ces « forçats » d’une époque révolue ne s’arrêtent jamais pour jouir du fruit de leurs efforts. Ils ne connaissent pas le luxe du repos, de la sieste, de la réflexion philosophique. Si la machine a dorénavant remplacé la plupart de leurs tâches (ensachage, stockage, mesurage, etc.) il faut s’en prendre aux ingénieurs ergonomiques qui les ont singés.
C’est l’homme moyen, l’homme des moyennes, l’homme égal en tout et en lui-même, étranger aux fins de la classe dirigeante. C’est l’auxiliaire parfait des nantis, des Lois, de l’Ordre, de la police.
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1. La majorité de la classe moyenne fut toujours fortement dépolitisée. Sachant cela, les partis politiques ont essayé de l’attirer à eux, sans jamais trop y parvenir. Cette dépolitisation n’empêche pas la plupart de ses membres de voter à droite. Malgré les efforts d’un Di Rupo qui a sacrifié les intérêts des travailleurs et des petits revenus en général, les « centres » sont restés hostiles à la politique socialiste.

02 février 2005

La tontine à tonton.

- On est dans une société où le non veut dire oui.
-Tu crois qu’elle voulait dire oui, quand elle m’en a flanqué une ?
- Tu as peut-être été trop vite ?
- Après trois mois de restaurants, de spectacles, de causeries au coin du feu, je la prends par l’épaule et j’essaie de l’embrasser, et voilà qu’elle me colle une mandale !
-Qu’as-tu fait ensuite ?
-Je lui ai présenté des excuses ;
-Elle-même m’a présenté les siennes, en me disant qu’elle avait ses « vapors »…
-Ah ! oui, j’oubliais, elle est Anglaise.
-« Vapors » ou pas, elle est enceinte et je me demande ce que je dois faire !
-Je ne comprends pas. Tu disais qu’entre vous, même pas un baiser…
- Evidemment, je ne suis pas le père.
-Qu’est-ce que tu as à voir là-dedans ?
-C’est de ma faute.
-Comprends pas.
- Tu sais comme j’ai toujours été délicat avec les femmes. Chichi, blabla, la moitié de mon mois passe en colifichets, fauteuils au Forum…voyages… Tandis que les moins délicats, les gros beaufs qu’hésitent pas à se curer le nez et à roter plein dans la gueule des filles, pensent qu’à leur joystick, ça leur donne une meilleure chance…
- Ça va. Passe…
-Il paraît que j’ai trop traîné. C’est un rustique qui traînait dans un coin de bistrot, un type qu’elle m’a décrit, pouilleux, inculte, sale…
-Un mancheux ?
- Oui. Elle ne sait pas ce qu’il lui a pris. Elle s’est retrouvée « grumble and grunt » comme elle dit…
-Ah ! bien… elle est Anglaise…
-Je dois voir Priscilla demain pour faire le point.
- Le point de quoi ?
-Elle me dira si elle veut bien de moi.
-Je rêve ! Elle est baby up d’un champêtre qui lui a filé un coup dans les brancards et qui se retourne même pas en foutant le camp vers sa campagne fleurie et toi, tu répares ! Et encore, c’est pas sûr. Elle hésite… Elle reste « stare at the ceiling over a man’s », puisque madame est Anglaise et toi, tu fais « plafond »!
- C’est que, j’hésite à lui proposer le mariage.
-Quand même.
-Elle ne veut pas d’un collage. Même pas d’une tontine.
-C’est quoi une tontine ?
-C’est un contrat d’essai dans lequel on s’engage pour une période…
- Le temps qu’elle se retrouve « grumble and grunt » avec un autre moissonneur, le jour qu’elle sera with cock in eye…
- Priscilla n’est pas comme tu crois…
-D’abord où tu l’as rencontrée ?
-Dans l’annuaire.
-Quoi, elle mettait des petites annonces ?
-Oui, à 90 cents la minute.

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-Hôtesse ? Charity dame ?
-Elle, c’est pas ce que tu crois…
-Pour sûr, c’est jamais ce qu’on croit.
-On a sympathisé. Elle fait du téléphone coffee-grinder pour payer la fin de ses études.
-Et quand vous vous voyez, c’est toujours 90 cents la minute ?
-Non, justement, elle a abandonné l’activité.
-Attends. Tu me dis que vous êtes sortis pendant trois mois, sans que tu l’aies embrassée, et que tu l’as rencontrée love-machine au téléphone ?
-Tu comprends au téléphone, on exprime ses fantasmes. On se dit des crapouillettes. Dans la vie, c’est différent. On n’est pas « horizontal bop » comme elle dit avec son accent british.
-Comment on peut dire des cochonneries au téléphone et bredouiller des petits mots gentils installés face à face autour d’un guéridon de bistrot ?
-Enfin, on n’en est plus là. C’était juste pour te demander ton avis sur Priscilla.
-Sur quoi exactement ?
-Si elle refuse la tontine, dois-je aller jusqu’au mariage ?
- Ecoute, je suis complètement largué. Je ne suis peut-être pas assez moderne ? Je ne regrette qu’une chose, c’est de t’avoir perdu de vue jusqu’à l’année dernière.
-Pourquoi ?
-Parce que l’année dernière, j’avais besoin d’argent et que je t’aurais tapé de mille euros pour commencer. Peut-être même qu’il n’est pas trop tard ?

01 février 2005

On se prépare un de ces avenirs !...

On l’a très bien compris, sauf dans les milieux syndicaux, la récente éviction des premiers chômeurs pour une période déterminée, laisse augurer après les sanctions pour ne pas avoir répondu à une convocation, qu’il y aura des suppressions d’allocations pour non recherche d’un emploi. Voilà qui en dit long sur la politique socialo-libérale qui s’inspire directement du « Help your self » typique du réalisme américain.
L’émulation comprise de cette manière est la pire façon de produire des esclaves pour les futurs développements du capitalisme.
En effet, on demande à des gens exténués et écoeurés de la façon dont on les utilise de redevenir agressifs sur le plan du travail en recherchant n’importe quoi pour ne pas déchoir davantage.
Ces chômeurs menacés n’ont d’autres alternatives que devenir des marginaux ou reprendre au plus bas de la file le chemin des petits boulots, des intérims douteux. Un nouveau genre de vie, en somme, d’un misérabilisme confondant en comparaison duquel le parcours du sans-travail était une sorte de petit paradis.
J’entends les contribuables actifs sortir les couplets distillés par le pouvoir et condamnant le parasitisme, l’entretien d’inutiles, etc. pour aboutir à la conclusion que le chômage n’est pas le résultat d’un manque de travail, mais le fait du chômeur lui-même.
Qui ne voit aujourd’hui la pente sur laquelle nous sommes ? La perte progressive des avantages acquis tout au long des luttes ouvrières est un des constats premiers de la dégradation générale des conditions de vie, le droit au travail, les horaires fixes et réglementés, les normes d’application dans les industries de production intensive, l’allongement de la durée du temps de travail, la suppression de la prépension, tout est remis en question, raboté, renégocié, etc.

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Les chômeurs, dont il reste encore à en faire des « bout de droit » comme en France, grossissent ce que jadis on appelait la réserve de main-d’œuvre afin d’éviter la surchauffe. Ils servent de tampon entre les revendications des travailleurs estimées excessives par le patronat et le lumpenprolétariat inscrit ou non dans les CPAS. Au préalable, on aura prédisposé la population active à critiquer les « parasites ».
Les chômeurs ne coûtent pas tant à l’Etat et au patronat que certaines autres dépenses sur lesquelles on ne discute pas et qui ne servent qu’au prestige ou aux manies dépensières de quelques-uns. En forçant les chômeurs à accepter n’importe quoi, on conforte les négriers – comme certaines sociétés de nettoyage – de puiser dans un vivier d’une main-d’œuvre qui n’est pas en position de refuser l’innommable. Ce nouveau créneau d’exploitation de la misère intéresse au plus haut point les marchands louches et les industriels les plus doués en mercantilisme et friponnerie. Ce marché-là tire tous les autres vers le bas, y compris l’univers douillet du fonctionnaire dont par ce biais, on arrivera à la diminution de ses avantages.
Cette vision de la société, dite à l’américaine, a de quoi inquiéter. Elle préfigure la fin de l’illusion des partenariats producteur/travailleur/consommateur et ouvre une ère de recherche du profit qui revient à ce que pensait Hobbes dans sa vision de la fin d’une société : l’homme est un loup pour l’homme.
Si l’on estime que l’augmentation prodigieuse du PNB sur les cinquante dernières années était due à une société bien structurée avec des pouvoirs forts des syndicats et des classes dirigeantes liées par des accords, il est vraisemblable que l’inverse vers lequel nous allons verra une Société en déclin avec de fortes inégalités sociales dont la conclusion sera la guerre civile.
Car l’Europe n’est pas l’Amérique, l’esprit pionnier n’y a pas cours. Les mœurs ne portent pas en elles l’angélisme et la foi dans un système libéral qui ne conduit pas nécessairement l’ensemble de la population vers l’exaltation de l’Etat démocratique, au point de ne pas voir la misère qui gagne les populations les plus fragiles au bénéfice des plus riches.
Au contraire, les Européens, sans l’oser pouvoir dire encore, n’estiment pas « humaniste » l’exploitation de la main-d’œuvre à l’américaine. Ils déplorent que les citoyens soient mis dans l’alternative d’une constante compétitivité pour conserver leur emploi.
Cette dégradante réalité, loin d’être un « challenge » sert d’argument à piétiner les autres.
En instituant un nouveau régime qui traque les chômeurs alors que le taux de chômage est deux fois plus élevé en Europe qu’aux USA, on fait mieux qu’imiter ces derniers. On argumente pour un travail qui n’existe pas. On fait un pas de plus vers une déshumanisation des rapports entre les citoyens.
On sombre dans un dégoûtant empirisme.