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T’as l’feu vert, Véronèse (1)

Première partie. Le départ.

Février 2003. C’est « classe » la ferraille ras du trottoir à l’heure dite du catalogue Transit-Tour. Les groupies font un saut en arrière pour éviter le jus de rigole, et Véronèse un saut en avant. Prestige du chef qui saute toujours en marche de tous les engins.
Véronèse, chef de l’expédition. Pas son vrai nom, bien sûr, trop difficile à épeler. Véronèse lui plaît, rapport au vert. On le saura assez tôt. Le Carnaval commence par Véronèse qui compte les impétrants. Pendant douze jours cessera pas… en manque un, tien, on en a un de plus… A la fin, tout le monde était au comptage. Si on osait la comparaison Berlusconi avec les kapos, mais on n’ose pas…

L’engouement des masses pour le trip… complet juillet, août. L’affolement des ménages: où va-t-on bronzer l’été ? L’Espagne c’est rikiki. Tout Outremeuse couche à Benidorm !
- Si on se tapait un voyage culturel ?
- Voir des ruines, ça me fout le cafard.
- Pourraient quand même reconstruire avec le fric des touristes ?
- Un trip culturel au mois d’août autant faire une mouche drosophile à deux culs à la Faculté de la place Del’Cour ou laisser ses houseaux dans une université d’été.
- C’est de la culture, ça mââme. Et pas de la fripe, de ces enculeries de titulaires de chaire… Formule des formules…
A l’université d’été, y avait plus qu’une inscription au symposium spécial mois d’août sur le Grec ancien.
Ah ! je résiste pas… une telle envie de vous faire chier…
Je sors le dépliant de 347 pages. Je l’ouvre au hasard. Rien que de l’authentique pur jus droit fil l’élite made in Belgium, été 2002.

L’aoriste premier passif : Le suffixe – η – présentait l’inconvénient de s’ajouter malaisément à un élément radical terminé par une voyelle. Ainsi s’explique le succès du suffixe – θη – dont l’origine reste inconnue. Quoi qu’il en soit, il se répand depuis l’époque homérique et est usuel à l’époque classique. Les désinences sont analogues à celles qu’on a vues pour les aoristes seconds athématiques du type έσβην.
Tel quel !
Entre parenthèse, ce sont les mêmes qui refusent des homologations de savants russes, docteurs en philosophie et lettres, dix fois plus intelligents et supérieurs à tout ce que la Belgique essorée sous la chaleur peut aligner comme fortes circonvolutions. Je me suis demandé : jalousie extrême, enculage entre soi ? Non : peur de partager l’emploi, donc les biftons. C’est dire les enflures, les casques à pointe de la culture, à côté de ça notre Vert Véronèse, notre guide Transit-Tour, c’est le génie absolu.
Fin de la récré.
Et pourquoi pas partir l’hiver, qu’on se dit ? Va donc pour l’intersaison mignonne !
Au lieu de l’université d’été bourrée des phénomènes faichiérants aux méninges démesurées, notre besogneux d’hiver Transit-Tour est à portée du cycle moyen. Bien con, mais d’une connerie modérée, comme l’électeur libéral, adorateurs michelins, pas les pneus, non, de Louis.
A ma gauche : Basilica dei SS.mi Giovanni e Paolo et de l’autre la Volta du grande canale, comme si tout le monde voyait pas la flotte ! Un con moyen, c’est au service d’une culture appropriée à la moyenne des connaissances, moins un (Principe de Peiper) : flou à tous les étiages (Non. L’i est volontaire). Outre la guerre 14-18, lui sa passion à l’accompagnateur, c’était le vert Véronèse, on commence à le savoir… Allez pas chercher… Sur le temps qu’il explique - avant le vert - Véronèse, on est déjà à Bergame…
Je reviens. Pardonner l’incise… Je vous dépose en février 2003, mes ravissantes, l’air frais du Grand Canal, et tout…
La haute saison, l’abondance des foules gonflées de pécules, rend le moindre accès encombré, onéreux, suffocant. L’hiver fait de si jolies fleurs de gel sur les vitres du Florian ! Et puis, l’hiver, outre le conte réfrigérant quand on vous la poigne sous la table en pleine haute température, celui qui vient de régler sa location à La Panne voit tout de suite que c’est moins cher.
- Qu’est-ce qu’on irait foutre à Malaga en string en février ? Si les frimas font pas bander les estivants, par contre les cultivés, sous vêtements Trois Suisses, potassent le Michelin par tous les temps… direction Venezia !
Minute, je m’emballe… alors qu’on n’est pas encore parti… toujours ras du trottoir… embarquement des bourres, valoches et menus objets. Mémère en voiture rassemble ses portraits de famille, dernières vues de la Sauvenière… ô terre chérie !... L’oignon à l’œil. C’est parti. On est bonard…
Tout de suite un drame à la Richard III.
Messaline qui sait pas encore comment elle va le finir son Claude demande à Véronèse son amant de la Saint-Jean, plein démarrage pétaradant, s’il a prévu la forte lame, l’au moins cinq doigts, en cas de survie imprévisible, en plein retour dans une dizaine de jours, que le malfaisant gêneur serait toujours là, capable de résister à la mort-aux-rats, curare, Socrate involontaire à la ciguë de l’aimée… Ambiance de car très italienne déjà, seulement Pont d’Avroy, direction autoroute de Luxembourg.
Véronèse sous l’œil de Messaline, poussé à la forte envie, ferait arrêter le car pour en descendre et le finir à la tronçonneuse, le Claude. C’est pas ce qu’on lui demande. Juste un petit meurtre moyen. Le car en convient. Le raisonne… Tout de suite le génocide pour cet exalté. En a-t-elle connu, Messaline, des psychopathes qui s’écrasent à l’acte, au point de faire un écart pour pas marcher sur une bête à bon Dieu ! Qui hésite estourbir un peintre de peur de passer sous l’échelle ! En attendant le gros – car Véronèse est gros - est au grincement de dents, le besoin d’anéantir. Il se tient plus, sa mission, son crime. Le dabe ventru est à l’alambic des Borgia. Le soir à la première halte, il déposera son surin sur la table de nuit, faisant jaillir la lame, essayant le ressort. Joie d’être un homme ! Messaline d’abord froufroutante, puis décidément à poil, aura trouvé les mots : valeur, honneur, juste cause, besoin de clarifier, grand principe, enfin tout ce qu’il faut, stérilet compris, à la passion. C’est tout juste si elle a pas ajouté la patrie dans l’argumentaire… Oui, il faut être patriote pour supprimer certains êtres.
Dans le tube à roulettes, on s’est entassé, rafistolé, moulé à la banquette.
Deux gracieuses ont le cœur débordant de laisser l’homme aux adieux sur le trottoir où pourrit le cadavre exquis du journal « La Meuse », dont les restes sacrés sont transférés dans un loft plus approprié à l’ampleur du drame social.
Les deux gracieuses ont la conjoncture redoutable dès que dans la courbe Ramada, elles perdent leurs coquins de vue. C’est tout de suite le tour des possibles, la chasse aux porte-queue pour séjour agréable. Tout ça mêlé de culpabilité aux présages, du genre « Pourquoi on est comme ça ? ». L’autre Zouave à Paris avec ses arts premiers, savait pas si bien dire. C’est le choc primitif. Les deux, leur choc à elles, tout à fait sorti du fond des âges « Qu’est-ce qu’ils vont devenir sans nous ? ». Elles ont trouvé les bonnes paroles qui n’engagent pas à la fidélité des vieux couples « On n’est pas là pour s’emmerder ».
Plus tard, la plus délurée dira au faux marinier de la lagune sur le wharf du Danieli et qui profitait de la houle pour lui mettre la main aux fesses : « mais je suis mariée ». Comme l’autre savait que l’italien, il a cru comprendre qu’il avait le feu vert. Et c’est comme ça qu’elle a renoncé à l’explication et qu’elle a tellement bien capitulé que pendant tout le séjour, elle sortait plus de la gondole.
La deuxième, la moins moderne a eu du mal. Véronèse était casé avec Messaline, même Mémère avait allumé un porte-cierge de la basilique Saint-Marc. Restaient plus qu’un vieux schnock, qu’on était dans le doute, s’il était pas d’un car allemand qu’aurait versé dans un virage ? Le schnock, allemand ou amnésique aurait fait l’affaire avec la charmante, entre deux chansons éternelles accompagnées à la mandoline, si un cavaliere qu’était là par hasard et qu’avait plus assez de pécunia pour le bobinard – casino en italien - finissait par courser le vieux schnock et le prenait de vitesse sur le fil.
Il y a comme ça des malchanceux condamnés à la branlette parce qu’ils se sont trompés de station. Si au lieu d’être à Venise, la scène se fût passée à Garmich-Partenkirchen, en hors piste ou pas, on a toujours deux sticks. Ça ouvre des perspectives. Qu’en pensez-vous mes chéries ?
(suite de ce poignant récit de vacances demain sans faute)

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