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L’école des grands destins.

Sans Ségala, Mitterrand n’aurait pas fait campagne avec le slogan de la force tranquille et n’aurait pas été élu. Jospin n’a pas été bien conseillé. Il a conservé la froideur distante du calviniste et l’intransigeance de Robespierre, même si tout cela n’était qu’apparence, il n’a pas été élu et sa campagne complètement ratée.
Certains hommes politiques belges sont passés par des écoles baptisées discrètement de diction. Il eût été contraire pour la carrière qu’elles s’appelassent d’art dramatique, déjà qu’on les traite partout de comédiens.
On imagine une école pour bien se vendre et satisfaire la curiosité du public :
- Mesdames, Messieurs, bienvenue à l’école des grands destins. Vous avez devant vous la liste de nos réussites les plus célèbres. Nous ferons vos destins à la mesure de vos ambitions.
Chaque matinée vous aurez un professeur différent. Demain ce sera sur le thème du gros bon sens. Aujourd’hui, le maintien et le discours, avec Monsieur Agénor Combinazione.
- Toi, là, qui a l’air d’avoir honte d’être ici, viens sur l’estrade.
- Voilà.
- Non, t’avance pas comme si t’avais la pneumonie atypique que tu vas flanquer à tout le monde. Tu viens dire des choses agréables. Tu souris. T’aime le monde et le monde t’aime. Tu vas faire un cadeau. Tu entrouvres le paquet. Tu délaces le ruban comme une stripteaseuse son soutien-gorge. Les gens s’en doutent puisque t’es là. T’es partout, dehors sur les murs, sur la remorque du scooter, sur la porte des cabinets, sur le ballon qu’on donne aux enfants. Toi, toi, rien que toi. Le paquet-cadeau : c’est toi !
- Comme ça ?
- Ouais. Ça manque encore de peps. Rien de plus difficile que sourire en parlant. Tu dois t’entraîner au lieu, en plein effort, quand tu souffres. Les rigolos des autres partis font ça très bien. Le gros le fait à la rondouillarde, le parfumeur à la « prout ma chère », Rosetta à la « tu montes chéri » ; je dirais pourtant que l’orangette peut mieux faire, quand elle sourit on croirait qu’elle a ses règles ! Peut-être qu’elle a l’angoisse du résultat ?
- C’est pas tout d’arriver la gueule enfarinée, qu’est-ce qu’on fait après ?
- T’as déjà fait presque tout. T’es là tu souris. On est bien. Eux, de toute manière, ils n’avaient rien d’autre à foutre dans la soirée, pas de match de foot, pas de film de cul, donc, s’emmerder pour s’emmerder, autant de voir un battant, en attendant un ballon pour la petite, un agenda, un porte-clés, des bricoles quoi…
- Le discours, on me le prépare ?
- Surtout pas de discours. Tu les prends genre causerie coin du feu. Des mots à la Montagné, pas trop, surtout pas compliqués, faut que les gens comprennent. Et toujours avec le sourire. Si la ménagère de plus de 50 ans est majoritaire, tu te l’as fait à la recette Maïté ; si t’es envahi par des agriculteurs pétomanes tu rigoles léger avec une pique sur les féministes ; enfin, si t’as les petits commerçants du quartier qui en ont ras le bol des agressions, tu prends le genre bonne volonté en balançant des trucs poujadistes. Ce n’est pas nécessaire de lever les bras comme le grand, en faisant le signe de la victoire.
- C’est de l’impro ? J’suis pas fort en impro. Quand je souris, je peux penser à rien d’autre. Il me faut un papier pour lire…
- T’as la planchette devant qui empêche dans la salle de voir que tu lis. Faut apprendre à lire sans baisser la tête. C’est le truc du double foyer. Quoique porter des lunettes, ça fait vieux chnoque. L’orangette qu’est miraude a appris la technique Ardisson, des fiches avec des caractères en corps gras 72, les techniciens me comprendront.
Je le dis pour les femmes de l’école. Sur l’estrade, la mini jupe, c’est redoutable. Ça peut briser une carrière, même si on a de belles jambes.
Demain, pour avancer, on apprendra à nier l’évidence et à dire le contraire de ce qu’on pense et toujours avec le sourire.

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