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Sacré Bernard

Tout le monde l’aime, Bernard Kouchner, de la droite à la gauche. C’est l’homme des grandes causes, du Kosovo, des consensus à la recherche de la Paix, de Médecin sans Frontière, de la générosité, etc.
Intarissable aux commentaires le Bernard, il faut être un journaliste chevronné pour en placer une. Peut-être doit-on mettre cette impétuosité sur le désir de l’homme d’accomplir et de dire plusieurs choses en même temps, parce qu’il y a urgence, parce que les grandes causes n’attendent pas.
Ses ardeurs partent tout azimut, sont frappées du coin du bon sens. Ainsi, lorsqu’on l’interview sur le manque d’eau, la sécheresse, les dangers du soleil, il vole tout naturellement au secours du gouvernement Raffarin en disant à juste titre que le gouvernement n’est pas responsable des températures et du climat.
Il est pour les OGM sans nuance et l’intervention américaine en Irak.
Bref, Bernard Kouchner a des idées. Il tient à ce que cela se sache et il s’arrange pour cela.
Lorsqu’on l’interview sur l’événement du Larzac ce week-end dernier et des deux cent mille manifestants, il dit que cela est très bien que le peuple s’exprime, mais qu’il a tort de parler à tort et à travers de l’Organisation Mondiale du Commerce et des pays démocratiques qui y adhèrent. Si on l’y pousse, il développe sa pensée qui n’est ni plus ni moins une pensée libérale à l’état pur.
Et là, ça ne va plus.
S’il est très représentatif du socialisme actuel, Bernard Kouchner, on comprend que la clientèle de ce parti n’est plus à gauche, mais au centre. Sous Chirac et Raffarin pour un bon bout de temps, cette clientèle se sent courtisée de partout et n’a que l’embarras du choix.
Car, Bernard Kouchner c’est la gauche Fabius et Strauss-Kahn réunis. Et cette gauche-là n’a plus l’oreille des exploités, des petites gens et des laissés pour compte. On connaît cela en Belgique.
C’est une gauche qui n’écoute plus qu’elle-même, les yeux rivés sur les compteurs des voix, alliée de tous les compromis, dans le fond « classe moyenne » (pour parler en Kouchner « middle class »).
Le mari de Christine n’a pas écouté les altermondialistes du plateau du Larzac, à la limite, on se demande s’il ne s’en fout pas de laisser perdurer des pauvretés qui ne sont que les résultats des lois pures et dures du commerce unilatéralement appliquées par les « sans pitiés » de Wall Street, des hautes banques et des trusts ; s’il ne se moque pas éperdument des dégradations visibles de la planète, dues en grande partie au laisser faire et à l’ardeur générale à faire du fric avec tout. Il est à l’image de Raffarin qui parlait de ce rassemblement comme l’expression d’une nouvelle extrême gauche. Tout le monde sait – c’est le péché mignon du socialisme à la Belge aussi – pour bon nombre de socialistes, que l’ennemi n’est plus de droite !
Mais si le « fin » analyste qu’est Kouchner donne raison à Raffarin, ne devrait-il pas s’effrayer du pouvoir mobilisateur de cette extrême gauche-là qui fait monter deux cent mille personnes sur le Larzac en pleine canicule ? Quand on voit la maigreur des assemblées socialistes et UDR, à sa place, je serais pris d’un doute…
Si c’est cela le socialisme aujourd’hui, il est normal qu’il n’y ait pas eu de place pour Kouchner au Larzac. Ne serait-il pas jaloux de l’extraordinaire popularité de José Bové ?
Dans tous les domaines, c’est pareil. Bernard s’emballe. La machine ronronne et c’est parti pour une leçon de chose. Les pensions, il est normal que l’on touche moins et qu’on travaille plus. Les grèves des enseignants, voilà longtemps que des réformes sont attendues, alors pourquoi se plaindre ? Les Intermittents du spectacle : des millions sont distribués à ceux qui n’en ont pas besoin. Etc. Et si toutes ces raisons ont quelque part un fond de vérité, comment ne voit-il pas que les solutions proposées ne peuvent convenir en aucune manière à la gauche, parce qu’elles ne sont que les résultantes d’une pensée libérale et conservatrice ?
Il atteint au sublime quand il aborde le problème des OGM. Il balaie d’un revers de main le manque de connaissance actuel sur les dérives possibles, les dangers d’avancer dans l’inconnu avec les manipulations de la nature. Il concède que les grainetiers ne devraient pas avoir la haute main sur les produits modifiés, sans avancer de solutions. Il retombe vite dans la glorification du progrès et du respect de la science. Ah ! Il faut qu’on le sache, Bernard est médecin. Il sait de quoi il parle. Les autres n’ont plus qu’à l’écouter religieusement… On finirait par avoir le réflexe de dire : « Combien je vous dois, docteur ? ».
Un champ de plantes modifiées, peut « contaminer » toutes les autres plantes de tous les autres champs sans qu’il soit possible d’arrêter le processus. Il devrait se pencher sur l’histoire de l’algue tueuse Caulerpa Taxifolia qui est en train de détruire la flore du versant européen du bassin méditerranéen sans qu’on n’ait aucune parade à l’heure qu’il est.
Son prétexte est honorable, plus les plantes résisteront aux insectes et aux maladies plus il sera facile de les cultiver partout et plus il y en aura. Voilà bien le raisonnement du docteur Folamour, celui qui ne voit qu’un résultat idéal, sans bien s’apercevoir qu’entre l’idéal et la réalité, il y a un écart considérable qu’un vrai scientifique doit évaluer avant de se lancer dans l’inconnu.
Et c’est la même chose pour le reste. Les centrales nucléaires ? Il faut du courant, alors qu’est-ce qu’on attend pour en construire d’autres ? Il n’est pas contre les autres moyens de produire de l’électricité - quoique il soit sceptique, c’est le moins - du credo écologiste qui veut des productions propres.
L’avenir de toutes ces énormes centrales de béton contaminées pour plus de trois cents ans par une grande radioactivité et une radioactivité moindre pendant les trois mille ans suivants, qu’en fait-il ? Cet optimiste impénitent nous rassure en nous disant que d’ici vingt ans on aura trouvé le moyen d’une rapide décontamination et il n’est pas dit que dans moins d’un siècle on ne créera pas des centres aérés sur ces lieux décontaminés !
On sort des interviews du grand homme saoulé de ses mots, hagard et l’esprit à la débandade. Lui pas. Toujours aussi bondissant, charmeur, sans appréhension du monde de demain, il repart déjà sur un autre sujet. La politique par exemple ? C’est là qu’il est le plus fort. Avec son palmarès à l’ONU, son administration au Kosovo, ses conférences, son aura, il est l’homme de toutes les situations. C’est le José Happart français, du temps où José chauffait ses fers dans les forges de la renommée des Fourons avant de se présenter au PS. Que dire de plus, sinon qu’à force de désirer le pouvoir pour le pouvoir, d’assumer le rôle de gouverner alternativement le pays avec la droite (En Belgique, on fait mieux, on collabore avec elle), de compromission en compromission, Bernard Kouchner et les partis socialistes européens qui sont à son image, devraient se poser une seule question qui à la fois chapeauteraient toutes les autres et éclaireraient l’opinion : Sont-ils encore socialistes ?

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