« Par gros temps, vaut mieux réduire les voiles. | Accueil | Les fastes de novembre de la Belgique joyeuse. »

Les nouveaux pornographes.

A la multitude des écrivains occasionnels ou professionnels, journalistes ou simplement diaristes par passe-temps, quelques questions…
Pourquoi, l’observation écrite ne conduit-elle presque jamais à la description de la condition sociale des gens ?
Autrement dit, cet environnement de jouissance rapide et de haute consommation produit des détresses humaines en pagaille. Pourquoi ne parle-t-on que des formes bénignes des rapports entre les personnes ? Pourquoi nous montre-t-on rarement des drames sociaux, des fins de vie dans le besoin, des rapports tendus dans des hiérarchies, des vices aussi, comme si toucher la réalité était indigne du reporter, comme si la mission de certains n’étaient que de rassurer en voyant du bonheur là où il n’y en a guère, des responsables épanouis, des économistes sûrs d’eux-mêmes et des politiciens souriants ?
On croirait presque à la collusion générale, alors qu’elle n’est effective que pour certains !
J’essaie de mettre en scène depuis toujours des gens ordinaires, dont certains vous sont familiers, d’autres aussi, extravagants.
Il y a des salauds et des amoraux, comment les décrire si ce n’est en montrant leurs vices et leur part d’ombre pour essayer de les comprendre ? Bien sûr, il serait plus simple de les ignorer, confortant ainsi un monde « royaume de Saint-Nicolas ».
Mais serait-ce faire une œuvre de lucidité, que l’on soit journaliste ou écrivain ?
Pourquoi n’y a-t-il presque jamais dans les gazettes la relation d’un licenciement dans ce qu’il a d’insupportable au niveau de la famille et du milieu du licencié ? Qu’on ne vienne pas me dire que l’employeur ne connaisse pas la façon dont vivent ceux qu’il emploie. Ils sont parfaitement au courant, même ceux qui règlent le sort de milliers de gens depuis le bord de leur piscine et qu’on ne voit jamais ; comme les personnels politiques n’ignore pas la façon dont vivent les gens avec moins de 500 euros par mois.
Alors comment peuvent-ils pérorer dans les salons, convoquer la presse, plaisanter sur l’avenir, faire des projets ? Tant et si bien que celle-ci s’en retourne à l’aise répandre la bonne nouvelle dans les magazines !
Sinon parce que ce qu’ils font ne leur saute aux yeux qu’à travers des chiffres et des rendements. Et la mécanique de désinformation se transmet de celui qui la commet à celui qui la relate.
Ces omissions scandaleuses ne sont pas seulement du domaine des affaires. C’est pareil du côté politique dont sont issus et dont procèdent la plupart des intellectuels dans le cadre d’une Belgique championne dans le clientélisme et dans la promotion canapé. Et cette mauvaise relation d’une situation, des journalistes la commettent tous les jours, jusqu’aux plus petites chroniques qui deviennent des féeries pour grands naïfs. C’est parfois involontaire, mais de petits services en petites compromissions, chacun finit par avoir ses têtes, ses tabous, ses limites et ses sujets « délicats ».
Alors tant qu’à faire, plutôt que payer, autant lire un toute boîte qui dans la même prose vous met sous le nez le même brouet, mais gratuit.
Un exemple immédiat. Une nouvelle édition sur le net de la vie liégeoise vient de voir le jour « Le Liégeois Optimiste ». Bon. Tant mieux. Voilà, pensai-je l’occasion de lire des avis de « journalistes » sur Liège et consort. Je lis l’article sur l’archéoforum Saint-Lambert : que d’émerveillements !... Une critique où tout baigne du premier coup !
Alors, je me dis, ce n’est pas la peine d’écrire comme sur les prospectus. Si c’est cela le journalisme à la liégeoise, merci avec La Meuse, on est servi !
Alors, traiter des types de mon espèce de vicieux, de pornographes ou de gauchistes parce qu’ils mettent en scène des salingues et des pourris et qu’ils ne sont pas des assidus de la messe à l’opinion rassise, que leurs idées ne traînent pas sur les tables de rédaction, mais mesdames et messieurs, cela devient un compliment !
Un exemple du passé (pour ne pas faire du tort à qui serait déclaré vertueux dans la fange du présent) d’un littérateur assimilé à ses personnages et méprisé par les ignares et les « assis » du système : Choderlos de Laclos, auteur des Liaisons dangereuses dont on a donné avec Deneuve une version chou à la crème il n’y a guère dans un film qui se voulait sulfureux et qui n’était que ridicule.
Militaire en temps de paix, Choderlos fin observateur se complut à imaginer sur le canevas des mœurs d’une ville de province, qu’il ne connaissait que trop bien, les aventures galantes d’un couple infernal, infiniment plus gratinées que mon blog « les monologues du vaginofaunes », d’une noirceur extrême comme notre société en produit.
Il fut confondu avec ses personnages.
Jean-Paul Bertaud vient de sortir chez Fayard « une vie de Choderlos de Laclos ».
Messieurs les bien-pensants, une fois de plus vous avez eu tort. Et c’est bien de cette façon que l’hypocrisie se fait surprendre.
Choderlos fut un soldat idéaliste et l’amoureux d’une seule femme.
Ainsi, on peut vivre au contact des démons et rester digne et ferme.
Cet homme se construisit en-dehors de son œuvre et s’établit dans une morale que peu de ses détracteurs possédaient en propre.
Marie-Solange Duperré fut la femme de toute la vie de Choderlos. Ils échangèrent des lettres qui n’ont rien à voir avec celles de Madame de Merteuil.
L’apologie qu’il fit de l’amour unique doit nous faire ressouvenir de ce soldat amoureux.
« C’est par l’esprit qu’on brille, écrit-il, mais c’est par le sentiment qu’on aime et qu’on est aimé ; l’un ne procure qu’un peu de vaine gloire, l’autre nous rend susceptible du seul véritable bonheur dans ce court trajet qu’on nomme la vie : quelle que soit sa durée, on n’a vécu que par les affections qu’on a inspirées ou ressenties ».
Alors, vraiment, messieurs les écrivains, les journalistes, les diaristes, maintenant je sais qui sont les pornographes. Je sais où est la vulgarité. Elle est dans ce que vous êtes et dans ce que vous écrivez.
Peut-être que dans le silence des rédactions lorsque tout est bouclé et que plus rien ne se passe, songe-t-on parfois à ce qu’écrivit jadis Biancietti : « Tout ce que nous écrivons est inutile, surtout si c’est la vérité. Le monde va devenir chaque jour plus bête, plus laid, plus dur… Aussi aurons-nous plus que jamais besoin de nous masquer. L’avenir est à la clandestinité. »

Poster un commentaire