Pouvoir des médias et pouvoir de lamour.
Nouvel arrêt de la Cour au procès des assassins dAndré Cools.
Cette fois, il est provoqué par un farfelu extérieur à laffaire qui dépose une requête en suspicion du nouveau Président du tribunal.
La Loi belge permet cette petite plaisanterie.
Cest tout lappareil de la justice à nouveau grippé.
Pour un beau début, cest un beau début. Cette fois, Maître Pierre ny est pour rien.
Le bidule supervisé à distance par Laurette Onkelinx reprendra mercredi dans lattente dun nouveau show.
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La lecture dun livre et des journaux de la fin de la semaine passée alimentent de nouvelles réflexions que lon trouvera ci-dessous.
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Un grand absent au procès Cools : Alain Van der Biest.
On reparle de lui et de sa malheureuse fin. Quon le veuille ou non, sa mort embarrasse la justice et va peut être profiter à des personnes peu recommandables qui vont se débarrasser de leurs casseroles sur le disparu.
Un livre paru il y a dix ans déjà retrace quelques traits de caractère de lancien député bourgmestre de Grâce-Hollogne à travers les médias. Sa relecture est tout à fait actuelle en ces jours de mise à plat du dossier devant les Assises.
Par ailleurs, Betty Van der Biest dans une longue interview au « Soir » nous replonge dans cette atmosphère si particulière après la mort du Maître de Flémalle.
Dabord le livre « La médiamorphose dAlain Van der Biest » ouvrage collectif coordonné par Frédéric Antoine aux Editions « Vie Ouvrière ».
Bien redoutables surgissent à cette lecture les pouvoirs des médias. Miroir objectif, miroir déformant, tout à la fois, lorsquune image choc frappe limagination du public.
On a revu des dizaines de fois Monsieur van der Biest parcourir, dun pas mesuré et le regard lointain sous les flashs et les questions des journalistes, les quelques mètres de la cour du Palais des Princes Evêques qui le séparaient du bureau de la juge Ancia, puis se pencher sur le parlophone pour sannoncer dune voix posée et étudiée.
Comme on a pu voir évoluer le personnage communal dans des reportages de la RTBf.
Cest ainsi quau fil du temps, le public sest convaincu tour à tour de sa culpabilité, puis de son innocence, pour finir par une sorte de mépris fondé sur les derniers articles et les on-dit qui laissent à sa mémoire lopprobre médiatique dun ivrogne et dun corrompu.
Le portrait de cet homme serait raté si lon ne mettait pas en relief la part dombre de sa personnalité : celle qui revient à lécrivain.
Tout ceux qui écrivent le savent bien : lécrivain est à la fois un menteur et un homme de vérité. Il fait partie de ces gens qui rêvent les situations et les vivent rarement, qui sont à la fois tous les acteurs et tous les décors quils mettent en scène. En bref, ce sont surtout des hommes de fiction et rarement des hommes daction.
Italianiste, Florentin par nature, Alain a sans doute rêvé après des différends avec André Cools de se défaire dune tutelle contraignante. Lors de ses beuveries, lui a-t-il échappé quelques mots à cet égard ? Décrivain à écrivain, je ne pense pas quil ait été jusquà mettre en place le scénario dun assassinat.
Cet homme par ailleurs si fin, si intelligent, naurait pas eu la bêtise de sadresser à des sicaires aussi médiocres que ceux que nous voyons dans le box des accusés. Il aurait eu la prescience de la catastrophe au bout de lentreprise. Un calculateur, déterminé et froid ne se confie pas à des Taxquet, Todarello et consort, si ce nest pour des virées à la mesure de ces gens-là et qui se terminaient au fond des bouges... Oui, me direz-vous, il nétait ni déterminé, ni froid. Mais il était intelligent.
Il reste à écrire quelques mots sur linterview de Betty Van der Biest.
Si celle-ci navait pas accordé une interview au « Soir », je ne me serais jamais permis de parler de cette femme, dans le respect quon doit avoir de sa douleur et du sentiment quelle, au moins, on en est sûr, est aussi une des victimes de laffaire Cools.
Je trouve cette femme admirable de dignité et de courage à défendre la mémoire de celui quelle a tant aimé, quon est presque tenté décrire quil fallait bien quAlain soit autre chose quun sac à vin pour être aimé de cette façon-là.
Quelle trouve ici lassurance de mon admiration profonde.
Il faut bien, à côté de cela, ouvrir avec elle le dossier de la Fédération liégeoise du PS et souligner, comme elle la fait, la déliquescence des personnages qui gravitèrent autour de Van der Biest dans les décennies quatre-vingts, nonante.
Cest dans cette ambiance que se sont corrompus les cœurs purs de la lutte ouvrière pour nêtre plus quun simulacre de combat, mené par des personnages arrivistes, débauchés et sans scrupule.
Cest dans ce fumier-là que Van der Biest a grandi. Nen doutons pas, sil est coupable, ce nest que de ça.
Betty Van der Biest cite des noms. Ils sont bien connus dans la région et certains poursuivent même contre vents et marées une carrière politique.
Le peuple est sans malice. Il est facile à convaincre et il est fidèle. Il croit toujours à la race de ses vieux militants issu de ses rangs et qui jusquau bout mangèrent le pain dur de la sueur et du travail, sans jamais faillir.
Malheur au PS le jour où les yeux des petites gens se dessilleront.
Heureusement que le PS nest pas fait que de jouisseurs et de prévaricateurs.
Lassainissement progressif nous vaut aujourdhui à Liège des hommes remarquables que, pas plus que nous navons donné de noms pour les précédents, nen donnerons-nous pour cette nouvelle éclosion.
Il faut croire quil y a des générations maudites. Celle quengendra André Cools, peut être à son corps défendant, ne valait-elle pas cher ?
André Cools et Alain Van der Biest sont morts.
Ils sont entrés dans lhistoire du Pays de Liège.
Comme à lassassinat du duc de Guise, le roi se penchant sur le corps dit : « Il est encore plus grand mort que vivant », disons quant à nous que sous les feux des médias, les morts à Liège rapetissent.
Reste à régler la question journalistique.
La médiamorphose a une réponse ambiguë mais satisfaisante. Citons un paragraphe du livre.
« Comme tout médiateur-narrateur, le journaliste doit transmettre un contenu, mais il doit aussi, surtout peut-être, maintenir une relation avec son public… Bien raconter, cest pouvoir gérer, doser adéquatement du savoir – du cognitif – et de laffectif. Réussir cette alchimie étrange où de linfo se charge démotion et où de lémotion sappuie sur linfo. »
Voilà, vous savez tout sur le métier. Cest lexcès démotion qui fait quà un certain moment le journalisme sombre dans la « sensation », cest-à-dire dans le roman et laffabulation. Mais cest aussi le manque démotion, la fameuse « relation exacte » des faits sans y prendre part, comme écrire un constat dhuissier, qui fait tomber le journalisme dans la sécheresse et la froideur.
Cest lémotion qui fait vendre et le constat qui fait chuter les titres.
Dans le cas qui nous préoccupe, Alain Van der Biest a été la victime consentante de lémotion dont il a cru pouvoir jouer et qui la conduit à mettre fin à ses jours.
La presse nest pas si liée que cela aux pouvoirs financier et politique. Ses enquêtes ont révélé le mal profond dune certaine démocratie en Belgique. Bien sûr, cest la finance qui recèle le plus de scandales potentiels non divulgués, mais il ne faut pas en faire porter le poids essentiellement sur la presse. Tout ne se sait pas dans les rédactions, surtout dans ce domaine où la puissance de largent se conforte de la puissance complice du pouvoir politique.
Le seul reproche que lon puisse faire à la presse belge est dordre technique. La formation universitaire des journalistes aujourdhui est plus un défaut quun ajout. Si lon gagne en précision, donc en froideur, on y perd beaucoup par le manque décrivains véritables que ne produiront jamais les universités.
En ne laissant plus la part belle à ceux qui ont le don décriture, les rédactions font mourir à petit feu lélément essentiel à la démocratie, la liberté décrire autrement que comme une machine, laissant ainsi derrière les faits, un cœur, une âme, une opinion.
On fête cette année Georges Simenon. Voilà un bel exemple de réussite qui, bien avant quelle fût littéraire, le fut par la presse.
Quon relise bien les articles du « petit Sim ». Ils sont contraires à tout enseignement sur léthique et le compte-rendu tels quils sont appris à lUniversité.
Il ny aura plus de « petit Sim » dans aucun canard en Belgique. Aucune rédaction ne lui donnerait lombre dune chance.
Voilà pourquoi, la presse va mal aujourdhui.
Et les journaux qui sen sortiront sont ceux qui auront compris que dans ce métier les seuls pros resteront avant tout les autodidactes poussés par le démon de lécriture.
Ce qui bouleverse pour le moins les critères de recrutements.