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Comme un vol de corbeaux...

Ce n’est pas qu’un sport national. Il est mondial.
Certains Belges y sont doués : c’est la délation.
La lettre anonyme encombrait les couloirs de la Gestapo entre 40 et 45. Aujourd’hui le sac postal déversé au Ministère des Finances, n’est pas triste non plus.
Mille raisons concourent à ce vice, parmi les plus souvent évoquées c’est le civisme. A croire que dénoncer une femme d’ouvrage au noir ou un voisin qui construit sans autorisation un wc au fond de sa cour sauvera la Belgique d’un désastre financier.
Bien sûr, sous les raisons officielles, ce qui ronge le dénonciateur, c’est qu’un autre que lui s’en tire mieux, que la voisine est une pute qui, soit disant, élève mal ses enfants, mais c’est parce qu’il n’est pas parvenu à la sauter, que le braconnier du dimanche ne peut pas gratuitement manger du lièvre, quand lui le paie son prix chez le boucher. Bref, le corbeau est surtout un envieux.
Les patrons sont dans le collimateur des comptables renvoyés, des secrétaires délaissées et des concurrents directs. De l’envie, on passe à la vengeance.
Parfois de gros intérêts sont dans la ligne de mire des délateurs. On se rappelle le listing des fraudeurs de la banque X. La prise importante excuse-t-elle le geste ?
Du coup de fil à la police dans une cabine, à la lettre anonyme à l’écriture contrefaite, jusqu’à la subtilité du manipulateur qui dénonce par personne interposée, il y a de tout pour faire l’immonde.
Les vieux ont une mauvaise presse dans le domaine. Ce serait l’arme des faibles. Rien ne prouve que derrière leurs rideaux tous les retraités scrutent dans l’espoir de noter sur un calepin à portée la personne à dénoncer : celle qui fait du bruit dans l’escalier, celui qui bourre l’ascenseur des objets de son déménagement, le voisin qui dépose un sac non réglementaire sur le trottoir pour le ramassage des déchets, l’automobiliste qui gare sa voiture où c’est interdit, etc.

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La dénonciation tout azimut atterrit aussi bien au Commissariat de quartier, chez le gérant d’immeuble ou chez le cocu. Le corbeau veut des résultats. Même s’il n’apparaît que rarement aux premières loges, il veut être là à l’arrivée des huissiers ou des policiers.
Le malheur des autres sur son initiative, c’est sa récompense.
Il n’y a pas que les Dalton pour être veules et cons.
On cite le cas d’un certain De Baecker, un liégeois d’Outremeuse, SS durant la guerre 40 et qui aurait quelques années avant attiré à Visé son père réfugié en Hollande et recherché pour meurtre (l’extradition n’existait pas) afin de toucher une prime offerte par la justice.
Le corbeau le plus célèbre, c’est celui de l’affaire Gregory, cet enfant qui avait été jeté vivant dans la Vologne perpétré probablement par l’auteur de la lettre anonyme qu’on n’a jamais découvert.
On le voit il y a des délateurs de toute sorte. Tous procèdent d’une certaine manière de l’infamie qu’ils portent en eux et qui les caractérise.
Il n’y a pas de classe sociale, ni de portrait type. Celui qui a ce vice dans le sang l’a pour la vie.
Les dénonciations « pour le bien du dénoncé » si elles sont moins courantes n’en sont pas pour autant moins dégueulasses.
C’est la mère qui dénonce sa fille pour mauvaise conduite ou le père qui voudrait bien se défaire de charges qu’il assume mal.
Il y a enfin le mauvais plaisant qui ne réfléchit pas que la délation n’est jamais drôle et qu’en procédant à ce qu’il croit être de l’humour, plonge les autres dans le drame.
Outre celle des assassins patentés, la catégorie la plus méprisable- s’il était possible d’établir une hiérarchie dans ce cloaque - c’est celle des mouchards, gagés par les autorités pour dénoncer.
Cet élément de surveillance et de dénonciation a toujours été le principal facteur de réussite dans la police qui s’attaque à la criminalité organisée. Mais cet auxiliaire précieux n’en demeure pas moins un salaud retourné.
Rares sont les « balances » qui sortent de l’ombre. Ce sont des auxiliaires protégés. Parfois, le flic protecteur ne peut plus couvrir son indic. Alors on voit avancer à la barre la déchéance faite homme. Le tout dernier vaut son prix. Il s’agit de Nihoul, malfaiteur et indicateur de la gendarmerie.
La boucle est bouclée.
Sport belge, certes, je veux croire encore la délation réservée à une « élite » de la bassesse.
Tout compte fait, décidé à ne pas dénoncer les autres, j’essaie un pas vers la communauté des délateurs : je vais me dénoncer moi-même aux autorités.
Je ne crois pas à grand-chose. Je vote mal. Je trouve ce gouvernement mauvais ainsi que les autres qui suivront. Je ne crois pas aux vertus des partis, du capitalisme, de l’OMC, de l’Europe et des Nations Unies. Je suis sceptique à ce qu’on raconte dans les journaux. Je n’ai pas la bosse de l’admiration. Je trouve la bourgeoisie belge particulièrement bête. Les passe-temps de ces gens foutre déshonorants, leurs télévisions insupportables, Star Academy casse-couille. Les forces vives me font gerber. Et il y en a un beau paquet en bord de Meuse liégeoise : promptes à la médaille, aux discours, aux conseils. Attendues partout, refusées nulle part, héroïnes des gazettes où elles ont leurs clientèles, la modestie n’est pas leur vertu première.
Bref, je suis un mauvais citoyen, un râleur et un anarchiste du passé.
Je demande mon élimination.
J’ai tout pour déplaire. J’espère que ma demande, non signée bien entendu, parviendra à qui de droit et que des mesures seront prises. Comment me reconnaîtront-ils ?
C’est bien simple. Il paraît que je suis l’inventeur de « Tout c’est con. Tout c’est de la merde. » qui aurait paraît-il fait les délices du « Plat du Jour » un blog sympa que je vous dénonce…

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