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Ho !... Valentin, tu sais qu’on est le 14 ?

On batifole… On batifole… Où t’as mis le beurre Eugénie ? On a beau se dire, nom de Dieu qu’il faut se la jouer romantique, il arrive un moment où l’éducation ça bute sur un fond sec.
C’est vrai qu’on a toujours fait son possible pour jouer la carte de la fleur bleue… que c’est plus agréable les violons que la grosse caisse… Puis, on ne sait pas pourquoi, le grand siècle bascule et on se retrouve Thier du Bouhay quasiment dans le lit de Margot, l’ex du coiffeur d’en bas, qui se fait astiquer devant par Donné et derrière par son beau-père !
Valsez musette l’autoroute à deux bandes…
L’éducation, où elle est l’éducation, par exemple ?…
Alors, je veux chère bourgeoise que les mœurs se soient adoucies… mais vous-même ma petite âme, quand la bête monte ?…
Prendre son pied avec distinction, c’est pas commode… Il arrive des moments où être à poil la fleur au fusil, c’est plus du tout humain.
On contrôle plus le dérapage… C’est plus Adhémar Des Noisettes qui cause, mais King Kong qu’on a lâché sur le périphérique.
Les soupirs au salon, le bout des doigts qu’on frôle, on est au bonheur… certes… mais comment ne pas s’encombrer de la réserve bourgeoise quand on monte au rideau ?
Si cela se sait, personne l’ose dire…
C’est Cioran qui résume : « Commencer en poète et finir en gynécologue ! De toutes les conditions, la moins enviable est celle de l’amant ». C’est le point de vue bourgeois que nous montre Cioran de son grand talent. Qu’y a-t-il d’extravagant à finir en gynécologue quand on touche à l’essentiel et que l’humanité s’est construite comme ça ?
Pourquoi la poésie s’arrêterait-elle à la source de la vie ?
C’est bien une idée bourgeoise reçue la délicatesse ! Les manières s’arrêteraient au paravent et derrière, on n’aurait pas à connaître. Et pourquoi ? Sans doute parce que derrière le paravent on devient quelqu’un d’autre, et cela, c’est tellement pénible de l’admettre pour les belles âmes qu’il est de loin préférable que l’on n’en parlât pas…
Comme dirait mon cousin Maurice qu’est le plus vulgaire de la famille, faut bien qu’on en fasse un tous les matins, et ça même le roi peut pas être contre.
Désinhibé la femme qu’on aime… surtout lorsqu’elle a été conquise devant des petits fours, la petite musique de nuit et le récit d’un voyage à Hammamet, quand après une lecture de Pierre Loti, on passe au lit… vraiment c’est dur. Faut trop surmonter… Et alors qu’on voudrait y faire un toucher pas que rectal, j’aime autant dire qu’on a intérêt à plus se souvenir des vers de mirliton de ce raté de Lamartine…
Alors la poésie, c’est l’handicap fatal ?
« Objets inanimés avez-vous donc une âme
Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ! »
Pour le coup se souvenir que l’érection est indispensable… ça relève de la performance.
Si nous, les petits maîtres, on pense comme ça, et les belles marquises, en face ? Quand on n’a pas été fichu de préparer le terrain, qu’elles sont encore au plus beau vers de la langue française qui a fait tant de tort à la pénétration virile :
« Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon coeur »
Sacré Racine, j’aurais pas voulu être la Béjart…
C’est qu’à un moment l’éducation est un handicap…
C’est normal. Comme tout est faux, factice, artificiel dans la poésie bourgeoise et que pour attaquer icelle, il va de soi qu’on replonge dans ses souvenirs de rhétorique, comment voulez-vous que le cerveau silurien, pas le cortex ce petit dernier, non, l’autre, le profond qu’est plutôt branché côté couilles que côté « Bien disant », prenne le pas sur l’autre, le salonnard, le convenu ?
C’est impossible !
Et c’est pourquoi, belle marquise, tant de vos pareilles sont tellement frustrées qu’elles ne veulent rien savoir et qu’elles s’enfoncent dans la vertu – c’est-à-dire le saphisme.
Si vous pensiez « couvent » faut pas exagérer. On n’est plus au temps des Ursulines ou alors, si peu… M.M. du chevalier de Seingalt promise au duc de Berny ne court plus les cloîtres.
C’est ainsi que moi qui vous tient la jambe avec mes élucubrations divagantes, je suis amoureux d’une femme du monde, belle éducation, intérieur bourgeois, mari toujours absent. On prend tasse de thé sur tasse de thé en se regardant dans le blanc des yeux. Manifestement elle et moi ne dirions pas non à une « séance » comme Léautaud appelait la chose, au risque de tacher le Boukhara ancien du salon Louis XV.
Mais, nous ne pouvons pas nous déterminer.
Au premier geste significatif, on n’est plus le même homme… faut poursuivre sans défaillir, surmonter les réticences convenues, les trois fois non, pour une fois oui… Rien n’est plus comme avant. Ou vous sortez bredouille et vous avez pas intérêt à y remettre les pieds, ce serait une occasion inespérée pour la créature à se revaloriser auprès du mari, ou vous sortez amant et vous voilà pompier de service pour les dix-sept représentations d’Aïda qui suivent…
Pourtant, je suis persuadé que la baronne, oui, elle est baronne par le mariage, se demande à chacune de mes visites quels dessous bien affriolants elle va mettre pour me recevoir, alors qu’en principe, ce n’est pas pour me montrer son string qu’elle me demande si je prends un sucre ou deux dans le thé à la menthe !
Je n’y coupe pas non plus, j’avoue. J’arbore un slip moulant en soie grège et je me lave les pieds deux fois plutôt qu’une. Tout ça pour une tasse de thé !
Nous sommes les victimes des conventions et surtout de nos éruditions réciproques. Cette femme charmante et pleine de goût m’entraîne sur les chemins de son savoir. Je l’attends au coin du fourré et je papillonne sur mes chemins de traverse.
Ce soir fera-t-elle sa petite Merteuil ou la Jeanne de Léon Bloy ?
Nous sortons exténués d’avoir fait l’amour avec Louise Colet sous Flaubert, des tribulations amoureuses du beau René de Chateaubriand qui bandait encore à un âge avancé, nous bavardons dans les salons de madame de Récamier, et de celui de la marquise du Deffand et quand avec le délicieux Restif nous nous enfoncerions bien dans une ruelle du Paris des débauches, voilà le temps venu de partir discrètement avant que le mari ne rentre…
Bienheureux sont les rustres dont la culotte ne tient plus qu’au croc d’une érection, que toute périphrase et tout effet de style désolent et qui n’ont de cesse de plonger dans la concupiscence à peine la belle a-t-elle posé son joli cul sur le rembourré du canapé. Voilà des gaillards qui ne font pas florès sous les dorures et les stucs et qui, parce qu’ils sont rares sont adorés des muses…

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Mais, nom de Dieu, Eugénie, tu ne remets jamais le beurre à sa place. T’en as pas besoin aujourd’hui que tu dis ? Faut voir… T’as encore le slip de la semaine dernière ! C’est pas que je déteste la fragrance, t’aurais quand même pu choisir une autre couleur que le rose, brun par exemple… Ça t’est jamais venu à l’idée qu’après trois jours, le rose ça camoufle pas les dérapages du papier-cul ? Merde… faut quand même un minimum d’éducation ma grande…

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