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Voyage au bout de l’ennui.

Le mois de juin ouvre la saison des vacances jusqu’en septembre.
La classe des loisirs a produit par son exemple une sorte de transhumance qui a fait école et saisit la population jusqu’au plus humble tâcheron dès qu’arrivent les beaux jours.
Cet espoir de partir en des lieux de plus en plus lointain est ce qui fait encore rêver les foules laborieuses et les soutient dans l’accablant ennui du travail quotidien.
Dans les couples, ce sont les femmes qui étant attachées encore traditionnellement aux soins du ménage en plus d’un travail extérieur, sont les plus enthousiastes aux départs et on les comprend.
L’avion ayant considérablement raccourci les distances, les terres les plus lointaines et les plus insolites sont à portée des désirs au hasard des catalogues des agences.
Certains sites sont pris d’assaut. Les réservations se font de plus en plus tôt.
Le phénomène est bien connu et exploité par les voyagistes.

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Ce qui l’est moins, ce sont les réelles motivations de ces départs massifs à côté des clichés entendus à la poursuite du soleil et la découverte des plages de sable fin.
La fuite du quotidien est à la base de tout.
Les voyages qui enrichissent les connaissances ne se font pas par agence. Vous ne comprendrez jamais Florence, Venise ou Rome en y débarquant à l’hôtel pour deux semaines.
Il n’y a donc que la classe des loisirs qui peut accéder à cette connaissance, parce qu’elle voyage autrement.
L’exiguïté des locaux, souvent une chambre d’hôtel, le poids réglementé des bagages empêchent qu’on ait avec soi les moyens d’être « comme à la maison », encore moins de poursuivre une activité culturelle.
Sans connaissance des mœurs ni de la langue des populations rencontrées, le touriste est très vulnérable.
Sans le crier sur tous les toits, les vacances sont faites d’affalements successifs au bord des piscines, à l’abri d’une paillote d’un bar de fortune, dans des refuges de montagne à soigner des ampoules aux pieds, à sortir le soir exhiber ses coups de soleil dans des discothèques dans l’espoir de lever une authentique îlienne. On s’abouche finalement avec une Allemande qui habite l’hôtel à côté et qui était sur le même charter que le vôtre.
Après trois jours, le dépaysement n’opère plus.
Il n’y a rien de plus affligeant et de conventionnel que le mobilier d’un hôtel. On se rappelle la chambre qu’on occupait l’année dernière, tant tout est à l’identique.
Après avoir fait les deux ou trois excursions possibles, on tourne en rond avec autant de régularité qu’un type de chez Renault qui fait les trois pauses.
Le goût qu’on avait pour les populations visitées, ce grand élan d’égalité entre les hommes se heurte à l’incompréhension des habitants, car tout le monde dans les marchés, dans la rue, au bord de la palmeraie, vous croit riche et vous méprise.
Alors, vous finirez par tenir des propos du genre « tous des voleurs » et, en fait, vous n’aurez pas vu ceux qui vivent de leur travail et non pas du touriste.
Cependant, pour ne pas perdre la face, vous montrerez le même entrain que le groupe dans lequel les circonstances vous incorporeront. Vous éviterez les sujets qui fâchent, ne parlant ni de politique, ni d’avenir, ni de rien, et surtout pas de boulot, tout en conservant à l’esprit l’angoisse de ce que vous allez retrouver en rentrant.
Vous seront utiles ce que vous avez retenu des magazines people de l’année et les spectacles les plus cons de la télé.
Vous garderez cette tête de faux jeton à la rentrée, surtout si au bureau certains sont restés à Liège. Ce sera l’occasion pour vous de leur en mettre plein la vue.
Après avoir changé longtemps de lieux de vacances, vous vous déciderez un jour de revenir là où vous étiez « si bien » l’année précédente, parce que le chef du restaurant vous aura tapé dans l’œil avec sa recette de frites sauce lapin, que dans le village il y a une triplette de pétanque qui n’attend que vous à partir du 10 juillet, que votre compagne s’est tapée en douce un garçon d’étage et qu’elle espère qu’il aura gardé son boulot, enfin, pour toutes sortes de raisons dont la moins avouable est que vous en avez assez de trimballer vos bagages d’inconfort en inconfort.
Ainsi, plus de recherche de sites inexplorés, de trip à la portée du pécule de vacances ou d’angoisse à courir d’un avion à l’autre.
Vous l’avez deviné, chers lecteurs, je n’en ai plus rien à foutre des vacances.

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