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En pleine possession de leurs moyens : le langage tartignolle.

Nous nous frottons bien souvent au langage tartignolle. Nous en sommes friands. Exemple : « Comment tu vas ? Je vais et toi ? Ça va ? A propos, ma mère est morte ! Non ! Si ! Et à part ça ? Ça va…. ». Deuxième exemple : Quand ils sont nombreux, les drapeaux sont toujours en berne, comme on dit à la télévision.
Moi-même, je n’y peux résister quand il m’arrive d’écrire des choses à propos d’Evelyne Huytebroeck. C’est plus fort que moi. Je n’y peux rien. Elle m’attire. Je suis perdu. Je deviens de mauvaise foi. J’hésite entre « formidable », « sublime » et « magnifique ». Je suis incapable d’expliquer le phénomène. Je me fous de la politique des verts ; mais sa politique à elle, est la meilleure au monde.
Ceux qui font la plus grande consommation du parler « cliquer » sont les personnages importants du royaume, les hommes politiques et les journalistes.
Arrivent-ils une catastrophe qu’aussitôt les visages sont « fermés » et les mines « graves ».
Vous avez pigé le système ?
C’est simple et d’un multi usage.
Proust avait défini l’utilisateur du langage tartignolle : « J’appelle snob une personne qui ne peut voir une duchesse sans la trouver charmante ».
Evidemment ce discours n’est pas que réservé aux snobs. Il y a des assidus de la chose partout où la vaseline est d’un usage courant.
Di Rupo au lendemain des élections du 13 juin :
« Ces succès sont le résultat d’un immense … de fond, d’une fidélité …. à nos valeurs, de la volonté de retrouver une identité … à gauche. »
Les petits points pour vous faire languir : le travail est toujours immense, la fidélité est sans faille et à gauche l’identité y a toujours été forte.
Ce n’est pas une langue de bois. C’est mieux. C’est le choix de mots que vous attendez et qui vous permet de penser à autre chose pendant ce temps là.
Au 14 juillet, le Congrès de participation du PS est le théâtre d’une encyclopédie tartignolle, toujours par le même Di Rupo.
On y relève que les militants oeuvrent sans relâche, que les ministres sont en première ligne et qu’ils feront face aux difficultés. Enfin que la dynamique est toujours celle du succès, que le travail est énorme et que tout le monde a été formidable.
Commente-t-il les résultats de l’extrême droite, c’est pour dénoncer qu’ils se nourrissent de la misère et de l’exclusion. Evidemment quand le racisme bat son plein, les heures sont les plus sombres. Quant aux solutions, elles garantiront l’avenir de chacun.
A part cela, aucune solution. On en parle, mais on ne les voit jamais.

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Et on voudrait que les militants se déterminent ! Mais sur quoi ?
Alors, quand on a si peu à dire, comme dirait Coluche, on n’a qu’à fermer sa gueule.
Ce que personne ne fera, attendu que le langage tartignolle est une pente sur laquelle on glisse « facilement », si je puis m’exprimer dans leur code.
Dans son discours du 10 juin, toujours le même Di Rupo, après avoir dit pis que pendre de Louis Michel, à qui il offrira après la défaite du MR un emploi bien rémunéré à l’Europe, termine par nous prévenir que la balance penchera à gauche ou à droite, que ses adversaires tiennent des propos indignes et que les menaces se précisent de partout.
Bien entendu, comme les discours précédents jusqu’à celui de la participation, la gauche y est moderne et les militants formidables.
On peut suivre à la trace les autres ténors du Larousse à la belge. C’est pareil.
Quand on pense à ce que les militants avalent avec enthousiasme !... de ces morceaux. Ah ! ils ont de l’estomac. Ce n’est pas tout le monde qui pourrait sortir des pièces pareilles, pour le « par cœur » des Maisons du peuple…
Notez qu’en face, le montage n’est pas mal non plus… de ces garnitures façon Saint-Honoré à réveiller l’ardeur des Chambres de commerce, ça oui !... Louis Michel peut partir le front haut à l’Europe. Il laisse derrière lui dix bibliothèques de référence.
Le célébrissime discours de Jodoigne du 1er mai 2004 est une anthologie à lui seul. On y apprend que les plus grandes pressions sont fiscales et que les grands déserts sont avant tout économiques. Enfin, question vie commune, la famille est libérale ou ne sera pas. A force de « reconstruire un pays défait » on se demande par qui, puisque voilà cinq ans qu’ils le refont ?
Dans une envolée dont il a le secret, notre nouveau commissaire, bon enfant, s’exclame devant une foule prise par l’émotion : « …nous sommes plus que jamais seuls contre tous, contre les adversaires d’abord, et contre tous les autres ensuite. » C’est-à-dire eux, puisque les autres c’est Louis Michel et compagnie. Va comprendre ?
Le mot de la fin, nous le trouvons au début des belles envolées. Dans la série des « Je veux » comme d’autres ont des séries de « J’accuse ». Louis le Magnifique s’écrie : « Je veux encore remercier notre Président Antoine Duquesne. Qu’il sache à quel point j’apprécie l’action… que nous menons ensemble ! » Ce serait le comble que Louis n’apprécierait pas sa propre action ! Il n’aurait pas oser s’écrier : « J’apprécie dans l’action que nous menons ensemble, la part éminente que j’y mène »… Il s’est retenu... une dernière pudeur avant l’Europe.
Après les ténors, voici les folliculaires et les speakers téloches.
A propos de l’explosion de gaz naturel récente : « Quand la cellule de veille est signalée en crise, elle se transforme en cellule de crise »… et, a contrario, lorsque la cellule de crise est signalée en veille, elle se transforme en cellule de veille. Logique et confondant.
« La dignité prend le dessus. » On ne vous dit pas quand elle prend le dessous, question de vous garder le moral. Une intimité dans des circonstances tragiques est toujours la plus stricte, même si les journalistes escaladent les marbres des mausolées pour faire la photo du cercueil en pâture aux lecteurs « submergés » par l’émotion. Enfin, les bilans – quand il y a catastrophe – ne font que s’alourdir. Je passe sur le décompte des morts qui déçoit toujours quand le ministère rectifie à la baisse.
Restons-en là. On va encore prétendre que je me voue au cynisme et à l’inconscience, alors que ce sont les stéréotypes du conventionnel que je veux dénoncer.
Et, en ce jour de deuil national, ce n’est pas le moment.
La démonstration est évidente, nos grands classiques du poncif et de la redondance n’auront jamais le prix Goncourt. Peut-être « le prix de l’humour involontaire », c’est à débattre ?

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