« Blair, Di Rupo… jumeaux à l’identique. | Accueil | Aux grands hommes, les fauchés reconnaissants. »

L’Idiot de la famille.

Il y a des destins singuliers.
L’ouvrage « L’idiot de la famille » de Jean-Paul Sartre.
Trois volumes édités en 1971 et 1972 et qui retracent, la vie et l’œuvre de Gustave Flaubert (1821-1880). Singulier parce que ce travail n’est plus réédité aujourd’hui, bien qu’il soit dans la littérature l’aventure unique d’un écrivain qui s’attache à un autre. Flaubert « reconstitué » dans sa psyché aurait survécu par delà la mort dans l’esprit d’un philosophe du XXme siècle !
Notre époque a oublié Sartre, ce que fut, son engagement politique, et son implication dans la vie sociale française et européenne jusqu’au début des années 70..
C’est dommage.
Cet intellectuel avait rejoint les luttes ouvrières de la Gauche prolétarienne et dirigé « La Cause du Peuple ». C’est bon de le rappeler en 2004, alors que la plupart des Belges vivent écrasés par le système capitaliste, sans le relais d’une philosophie secourable d’humanistes proches des travailleurs et capables de rendre l’espoir.
« L’Idiot de la famille » est le prolongement de « Question de méthode » paru en 1957 où Sartre lie marxisme et existentialisme. C’est du développement de sa méthode « progressive-régressive » que naîtra le projet sur Flaubert.
Le livre dont la lecture est aléatoire par le public en 2004 vu sa rareté et son prix, Sartre va le réécrire trois fois. Il mettra une dizaine d’années pour l’achever.
C’est un des drames de l’inculture actuelle que d’oublier cet ouvrage. Flaubert est le créateur du roman moderne. Ce n’est pas rien.
Ces 2801 pages d’un texte dense, truffé de citations et de termes peu usités dans la littérature courante sont affaire de spécialistes. Il est nécessaire d’avoir au préalable une bonne connaissance de l’œuvre de Flaubert, y compris les textes de jeunesse, sous peine d’être largué à leur lecture. Il avait été question de rendre « L’Idiot de la famille » accessible à tous en le ramenant à trois ou quatre cents pages en l’allégeant des termes spécifiques de philosophie et de psychanalyse. Hélas ! comme tout ce qui concourt à tirer le lecteur vers le haut, cette vulgarisation restera lettre morte.
Il n’empêche que le texte intégral est fondamental à la connaissance d’un homme inclus dans la petite bourgeoisie de province du XIXme siècle et, devenant créateur, s’en détachant pour la juger de l’intérieur, après en avoir décrit la minutieuse phénoménologie.
Cela incite à la relecture de la Correspondance, de Madame Bovary, de Bouvard et Pécuchet, de l’Education sentimentale, de la Tentation de Saint-Antoine, autant de chefs-d’œuvre…

djalioh.JPG

Quelqu’un qui a écrit « Tous les drapeaux ont été tellement souillés de sang et de merde qu’il est temps de ne plus en avoir du tout » juste après la défaire de Sedan ; « Nous sommes des ouvriers de luxe. Or, personne n’est assez riche pour nous payer. Quand on veut gagner de l’argent avec sa plume, il faut faire du journalisme, du feuilleton ou du théâtre… au fond je trouve cela bien, car je ne vois pas le rapport qu’il y a entre une pièce de cinq francs et une idée… », après que son roman « Madame Bovary » ne lui eût rapporté que des ennuis judiciaires et… 300 f ; et enfin dans une lettre à Louise Colet : « Les oiseaux en cage me font tout autant de pitié que les peuples en esclavage. De toute la politique, il n’y a qu’une chose que je comprenne, c’est l’émeute.», méritait bien qu’à la génération suivante naisse un autre génie pour nous rappeler à lui..
Flaubert et Sartre ne sont pas exempts de défauts. Pour le premier, ils apparaissent à la lecture du livre du second. Quant à Sartre les attiédis de la gauche attentiste ont dénoncé son parcours politique comme une suite d’erreurs. Certes, ce parcours est critiquable, mais, Sartre était un homme debout qui ne s’est jamais couché pour des faveurs, comme son refus du Prix Nobel, ce que nos assoiffés d’honneur ne peuvent pas comprendre.
« La société pardonne plus volontiers une mauvaise action qu’une mauvaise parole. »
Voilà pourquoi il faut lire « L’idiot de la famille », malgré tout. Nos mirliflores de la culture ne vous le pardonneront pas, comme on n’a pas pardonné à Sartre son analyse des Temps modernes.
C’est un peu une provocation à l’intention de ceux qui nous emmerdent de leur faux savoir, de leurs manières moralisatrices et de l’enseignement devenu totalitaire des « sciences exactes ». Selon ces cuistres, l’esprit souffle mieux sur les logarithmes et les équations que sur les affabulations de l’esprit, comme si leurs bouffonnes priorités dispensaient du reste !
Moralité, à peine nos universitaires savent encore lire et écrire !
Jeunes gens, révoltez-vous ! Lisez Sartre et vous relirez Flaubert.

Poster un commentaire