« Marie-France Botte : non-lieu. | Accueil | Patchwork. »

Sociopathie

C’est une fatalité. Plus on se spécialise et s’affine, à moins d’être un veau qui pleure à tous les téléfilms, plus on a difficile de rencontrer quelqu’un qui vous aime et vous comprenne, comme chantait Verlaine qui, au moment où il pensait à sa bourgeoise alors qu’il était fonctionnaire à l’octroi, ne savait pas qu’il allait adorer se faire poinçonner par Arthur.
J’ai cru cela longtemps.
C’était encore une idée reçue, parce que c’est faux.
C’est faux parce qu’on s’individualise trop à courir sans fin après le blé.
On croit rencontrer Dulcinée, c’est un autre individu qui ne pense momentanément comme vous que pour être dans le même concept, « en symbiose » pour vous avoir.
- Pourquoi mon chéri ne m’aimes-tu plus ?
- Mais je t’aime toujours darling.
- Je ne te comprends plus !
- Mais si. Je t’aime ! Cependant, j’aime quelqu’un d’autre encore plus que toi.
- C’est qui ?
- Moi.
Voilà le drame. On s’aime trop aujourd’hui pour aimer quelqu’un d’autre.
Et les exemples, vont gueuler ceux qui ne sont pas de cet avis, les exemples contraires, de ces couples éternels qui s’adulent après un demi siècle de mariage ?
- Jules, ça fait combien qu’on est mariés ?
- Beaucoup trop…
- Tu ne m’aimes plus ?
- Si, si…
- Pourquoi ce ton désabusé ?
- Un moment d’égarement.
Celui des deux qui est lucide, pour ne pas faire de la peine inutilement, triche.
Evidemment, quand on a affaire à deux idiots… ou à deux cyniques.
Aussi, vais-je tenter une dernière tentative pour infirmer mes dires.

starac.jpg

Si par hasard, vous connaissez quelqu’une qui a lu l’œuvre complète de Saint-Simon (Louis de Rouvroy duc de) et qui aime ça, qui pense que Flaubert est insurpassable dans le pathétique de sa correspondance, qui déteste le poisson, qui adore les sucreries, qui lit deux pages de « L’Idiot de la famille » tous les matins dans les cabinets, qui est en vacances toute l’année et qui donc n’emmerde personne pour savoir si on ira à la Baule ou à Mostuejouls le premier juillet prochain, qui est capable de rester sans l’ouvrir pendant que j’écris trois à quatre heures, qui aime la poésie et Antonin Artaud, qui connaît la liste des empereurs romains depuis Auguste jusqu’à Constantin (ce qui serait épatant, je ne la sais pas moi-même), qui a des pensées élevées et l’âme assez basse pour se livrer sans retenue aux joies du corps, qui aime l’ordre et traque la poussière pendant que j’organise le désordre en contre-feu, qui peut soutenir sans faiblir une controverse jusqu’au moment où il est nécessaire qu’elle se rende à mes arguments afin de préserver la paix du ménage, qui voue un culte à Evelyne Huytebroeck tout en détestant les Ecolos, qui est pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour, qui déteste l’humour à la radio et rit en cachette des facéties des complices de Laurent Ruquier, qui ne mange une choucroute garnie qu’une fois tous les dix ans, qui n’a jamais d’entretiens cliniques et à qui on a enlevé les amygdales et l’appendice au préalable à toute fréquentation, qui n’a pas des règles douloureuses, qui déteste Ariel Sharon et Bush tout en ayant un faible pour les opprimés, les Palestiniens et les Wallons des Fourons, qui a une grande confiance en moi sans me connaître (parce qu’après, c’est impossible), qui ne raconte pas à tout le monde que c’est à Venise qu’elle a eu les plus beaux orgasmes alors qu’elle ne me connaît pas encore, qui ne fume pas, qui connaît la filiation qui lie Louis XIV à Louis XVI, sans oublier le Dauphin Louis et le duc de Bourgogne, qui croit que je suis spirituel et qui voit un mot d’esprit là où je n’ai été que maladroit, qui est agréable à regarder et qui s’habille pas cher tout en restant chic, qui n’a pas eu un enfant d’un premier mariage qui fait chier tout le monde en étant d’extrême droite, qui enfin a un beau talent de décoratrice et tapisse elle-même les pièces qu’elle remet à neuf... qu’elle m’écrive immédiatement en lieu et place des commentaires sous cette page, à moins qu’elle ne trouve ce blog magnifique et que, par la même occasion, elle me le fasse savoir. Ce serait un atout de plus pour sa candidature.
- Tu espères que quelqu’une t’écrira ?
- Non. Pas vraiment. Une femme qui aurait toutes les « qualités » que j’ai écrites me ferait une peur bleue.
- Alors, pourquoi cet étalage ?
- Pour bien te prouver que d’une manière ou d’une autre on n’aime que soi sur cette fichue planète et qu’à chaque disparition d’un être cher – c’est-à-dire nous même – c’est la fin du monde, puisqu’on n’existe plus !
- Et dire que c’est le même type qui a écrit sur l’honneur de Marie-France Botte. Une femme qu’il ne connaît même pas ! Voilà bien une communication paradoxale !
- Le paradoxe est une proposition à la fois vraie et fausse, qui entraîne des déductions contradictoires entre lesquelles la raison oscille interminablement. Demain, si tu veux, je pourrais soutenir le contraire et croire dur comme fer que c’est le fond de ma pensée…
- Quel mec infernal !

Poster un commentaire