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Les larmes de Marie Arena

Petit quart d’heure de stress de Marie Arena, dimanche à la RTBf à propos des 300.000 euros dépensés en rénovation de son cabinet ministériel, ce qui laisse à penser que le budget pour l’ensemble va atteindre des sommets.
Aussi étonnant que cela paraisse, je n’en veux pas particulièrement à la ministre que cette rénovation commence par son bureau avec rien que pour sa table de travail 4.000 euros, alors qu’on sait bien que le mobilier ancien n’était pas si misérable que cela.
Par ailleurs, des sommes sont prévues indépendamment des dépenses pour le bâtiment qui abrite les services de la ministre, comme, par exemple, le renouvellement de certains mobiliers scolaires ainsi que la réfection des locaux abritant des élèves, et bien d’autres enveloppes suivant la nomenclature qui en a été dressée dans des documents accessibles au public.
Elle a parfaitement raison de le signaler. Ce qu’elle a ordonné n’entre pas dans une possible infraction ou une malversation quelconque. Le ministre du budget a approuvé les dépenses qu’avait avant lui votées la Communauté française, sinon le parlement wallon.
Ce qui est en cause ici n’effleure même pas l’esprit de la ministre, comme l’esprit de tous ses confrères et consoeurs. L’argumentaire de Kubla, qui n’en est pas encore revenu de la façon avec laquelle il a été éjecté de son fauteuil de ministre, est tout aussi dénué de sens.
Qu’enfin pour sa défense, Marie Arena revienne à son origine modeste suivant le couplet « fils d’ouvrier, petits fils d’ouvrier, ouvrier moi-même… » assortissant l’exposition publique de sa jeunesse « pauvre » d’une larme, met le comble à ce sentiment étrange que j’ai depuis toujours vis-à-vis de ces gens de pouvoir qui fait que je me demande de quelle planète ils sont ?
C’est cela qui est en cause, finalement dans le cas d’Arena et en le dépassant de toutes celles et ceux qui posent leur cul sur les cuirs souples des fauteuils ministériels. Mais pour qui se prennent-ils ? Ont-ils à ce point perdu conscience qu’ils sont là pour le bonheur des gens et non pas le leur ?
Qu’est-ce que cela veut dire « la vitrine » du pays, quand il pleut sur le fonds de commerce et que le magasin est en ruine ?
Quand on voit l’état des lieux de la Wallonie toute entière, le délabrement des endroits où nous envoyons nos enfants à l’école, la situation catastrophique de nos enseignants dont beaucoup ne gagnent pas 1200 euros par mois, quand on nous montre les dépendances et les bureaux en piteux état de notre magnifique palais des Princes-Evêques consacrés à la Justice et tant d’autres bâtiments utiles à la collectivité, l’état des lieux de certaines casernes de pompier, des administrations communales dont les plafonds percent et les planchers menacent de se rompre, on est sidéré que les ministres aidés des parlementaires n’aient pas plus que cela le sens du devoir et de l’urgence.

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Austérité pour eux, austérité d’abord et avant tout pour leurs locaux, tel est, à mon avis la référence dont ils devraient user dans la pratique du pouvoir.
J’aurais été fier de Marie Arena si elle avait refusé les subsides coulant à flots pour son ministère, se contentant d’un modeste ravalement, tant que le dernier des enfants wallons n’ait pas été logé dans une école propre, et assis sur des chaises adaptées à sa taille et à son confort, tant que le dernier tableau n’ait pas été pourvu de sa craie et le dernier instituteur n’ait pas touché le lot de matériel didactique nécessaire, et tout à l’avenant pour le reste, pompier, police, justice, tout enfin qui donnerait aux Wallons le goût d’entreprendre, la satisfaction d’être dans un cadre agréable et propice aux performances, la fierté d’avoir été compris.
Qu’on ne vienne pas me dire que les budgets ne sont pas les mêmes et que l’on parle de deux choses différentes. Quand on nous pompe les taxes directes et indirectes, ces messieurs ne se demandent pas si les sommes récoltées seront attribuées à tel ou tel poste. C’est après que les décisions sont prises. Si on octroie des millions d’euros à la réfection d’un bâtiment ministériel, c’est toujours indirectement, un enfant quelque part qui va s’asseoir par terre en attendant qu’on trouve des sous pour lui acheter une chaise.
Le vrai rôle d’un grand ministre, c’est de rappeler cela.
Ce dont nous manquons à gauche, comme à droite.
Oui, je suis sensible aux larmes d’une femme, fût-elle ministre. Mais combien elles auraient davantage touché mon cœur si elles eussent été de compassion pour ceux qui n’ont rien ou pas grand-chose, des larmes d’une femme qui s’affligerait de l’état de dénuement général, et qui stigmatiserait les impudents qui se moquent de la détresse, ceux qui, lorsqu’ils versent une larme, ce n’est jamais que sur eux-mêmes.

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