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Sacré Hubert !

- On n’était pas sûrs, maintenant on l’est.
-De quoi tu parles ?
-Tu peux pas comprendre… enfin pas tout de suite.
-Quoi je peux pas comprendre tout de suite ?
- Enfin, c’est des choses compliquées, tu vois…
-Je vois rien du tout.
-Ça a toujours été mon point faible, moi, l’explication.
-Te gêne pas avec moi, depuis le temps qu’on se connaît.
-On s’était rencontré où la première fois ?
-Au syndicat. Enfin, juste après, à la buvette du Standard.
-Ça fait ?
- Oh ! ça fait… je connaissais pas encore Krystel.
-Moi non plus.
-Ce que tu es bête ! Bien sûr, puisque c’est moi qui te l’ai présentée.
-Je me souviens, elle était en jeans avec une blouse fortement échancrée, couleur turquoise…
-Dis donc, t’en as une mémoire bizarre. Tu sais plus où on s’est rencontrés et tu sais encore comment Krystel était fringuée, voilà dix ans !
- Bien oui, c’est comme ça. Je ne me souviens pas des lieux, mais j’ai en mémoire les gens…
-Et moi comment j’étais habillé quand je t’ai présenté Krystel ?
-Je m’en souviens plus du tout, par exemple.
-T’aurais pu dire n’importe quoi, je ne m’en souviens pas non plus. Alors qu’est-ce que tu voulais dire ?
- Bin… je me suis toujours demandé pourquoi elle se faisait appeler Krystel avec un K et un Y ?
-Pourquoi tu lui as pas demandé ?
-Ça t’aurait pas plu…
-C’est possible, dans le fond. Je t’ai même soupçonné de lui courir après.
-Non !...
-C’est comme je te dis.
-Qu’est-ce qui t’a fait croire ça ?
-La façon que t’avais de lui mater le cul. L’autre jour, vous étiez sur le divan, je vous ai vu dans la glace, j’aurais juré que vous vous étiez embrassés, comme son collègue en art abstrait à un vernissage…
-Ah ! celui-là…
-Comme tu dis ça, t’as l’air d’un vrai jaloux, d’un mari quoi… alors que le mari c’est moi.
- Toutes ses élèves de l’académie ont des bleus aux fesses, à ce type…

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-C’est vrai. Mais, dans le fond, si je te remercie pour le soin que tu prends de mon ménage, je peux tout aussi bien te dire que c’est pas tes oignons.
-Eh bien !... détrompe-toi.
- Je t’écoute.
- …voilà un certain temps que Krystel et moi…
-Krystel et toi, quoi ?
- Enfin, tu me comprends ?
-Pas vraiment.
-Enfin, Jean-Baptiste…
-Ne m’appelle pas Jean-Baptiste…
-Enfin JB ?
- Attends, pour rire, dis-moi comment ça s’est passé ?
-Pourquoi pour rire ? On en est bouleversés tous les deux, tu sais !
- Y a pas de quoi.
-Comment « Y a pas de quoi » ! Ça ne te fait rien ?
- T’es bien gentil. Tu es un vrai pote. Mais vraiment, ton histoire...
-Si je te dis que nous envisageons depuis six semaines, de… tu ne me foutras pas ton poing sur la gueule, si je te dis ?...
-Alors là, ça m’étonnerait, ou plutôt, cela ne m’étonne pas, mon vieux Hubert.
- Je ne comprends plus rien.
-Tu es bien gentil, mais ça ne me consolera pas de savoir qu’elle t’avait mis dans la confidence.
-Attends quelle confidence ?
-Un seul reproche. Tu aurais dû me le dire plus tôt…
-J’avais donné ma parole.
-Vous attendiez quoi ?
-Il n’y avait rien d’officiel. J’attendais le moment, tiens…
-T’appelle ça le moment, aujourd’hui ?
-Je sais, le moment n’est jamais propice. C’est pour ça que souvent les gens partent sans rien dire. Pourtant…
-Te fatigue pas. Krystel s’est barrée ce matin avec le type d’en face.
-Quoi !... Sans rien me dire…
-Pourquoi sans rien te dire ? Ah oui… t’étais dans la confidence.
-La salope !...
-C’est à moi de dire ça : la salope ! Mais t’as raison : la salope !
-Qu’est-ce que je vais faire de la réservation à Benidorm ?
-Ah !... en plus elle te faisait réserver la chambre, mon pauvre Hubert !

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