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Un président médiatique.

-Qu’est-ce que ça fait, vous qui êtes en coulisse, de ne le voir que de dos ?
-C’est comme ça qu’il est le plus naturel.
-Vous n’êtes pas là rien que pour admirer son dos ?
- Oh ! je me déplace. Côté cour, je vois son profil gauche, côté jardin, son profil droit.
-Et son meilleur profil ?
- De trois quarts. Segala nous a expliqué que si on le voyait tout le temps de trois quarts, il augmenterait son score personnel de 3 %...
-Qui s’occupe de la sono ?
- Je fais les réglages avant qu’il ne monte à la tribune. En général, je récite les dix premiers mots de son discours pour vérifier l’ampli. Les sourds occupent toujours le dernier rang.
-Vous savez ce qu’il va dire ?
-Oui, puisque c’est moi qui écris le discours.
-Et quand il a fini ?
-Je brouille le son, si bien que les autres ont des voix de canard ou barrissent comme des éléphants. C’est drôle !.
-Pourtant, les autres sont du même parti ! C’est de bonne guerre ?
-On est là pour qu’il soit le meilleur, non ?
-Et le discours, que vous écrivez, c’est quand même sa vision et ses idées ?
-Le concept, vous voulez dire ? Non. Une heure avant, je prends l’ambiance. Je parle au comptoir avec le gérant de la salle. Le type connaît bien la commune. Il cite quelques vieilles gloires. Je prends note des noms. Je les place dans le texte type.
-Celui qu’on donne aux journalistes… Vous les faites tous ?
- Pas tous, mais par exemple ceux des petits patelins, des gargotes comme ce soir. Hier, à Oupeye, il n’y avait que dix-sept personnes. Aujourd’hui, il y a quatre-vingts chaises…
moyenne de remplissage 50 %, à moins qu’on ne parle de l’Europe, alors, ça tombe à 30 %.
-L’Europe, ce n’est pas porteur ?
-Surtout que l’électeur wallon ne vote pas.
-L’Europe des chefs, en quelque sorte ?
-L’Europe du chômage, plutôt. Alors, on se résigne à ce que les Français votent « Non ». Là-dessus le président est clair : si les Français votent non, il demandera la démission de Dehaan.
- Mais Dehaan n’est plus parlementaire !
-Justement, ça restera sans conséquence, mais le président aura posé un geste fort.
-Si l’Europe n’est plus un projet porteur, de quoi parlerez-vous ?
-Si on est dans la Basse-Meuse, on ne va pas faire la même chose que si on était à Andenne. A Dinant, on dit « mes chers amis », à Fléron, « camarades » et à Liège « Mes dgins ! » Une fois il a dit « vî coyon ! ». A l’applaudimètre, rien. Silence total. Il était à Eupen, je m’étais trompé de jour…
-Mais le fond ?
-Nous on dit le fonds, avec « S », c’est notre fonds de commerce. Nous avons trois sujets vu sous quatre angles et deux grandes régions : le Centre et Liège.
-Si je compte bien, cela fait 24 variantes.
-Oui. Parfois le thème est nouveau.
-En ce moment ?
-En ce moment, on est dans le sport. Le cyclisme belge, dans la perspective du 1er mai.
-Je ne comprends pas !
-Comment vous ne comprenez pas ! Vous êtes bien journaliste professionnel, non ?... Notre champion Tom Boonen fera l’affiche du 1er mai, autrement nous n’aurions rien à dire.
-Le prochain objectif du président ?
-Hennin revient, le Standard est troisième et Anderlecht relance le championnat…
-Vous ne pouvez pas occuper une tribune politique rien qu’avec des nouvelles sportives !
-Vous voulez qu’on parle de quoi ? De la fermeture à cockerill ? Du panier de la ménagère ? De la dernière d’Anne-Marie Lizin ? Vous voulez le retour des Libéraux ?
-Non.
- Nous non plus.
-Il a quand même bien une idée, le président ?
-Pour avoir une idée, il en a une pour le moment.
-Enfin un scoop !

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-Il fait retapisser sa maison et il change son mobilier. Sa conseillère est madame Arena. Elle a un architecte d’intérieur de renommée internationale.
-Il pense bien à quelque chose, quand même, en dehors de l’arrangement de sa maison ?
- La semaine prochaine, on fera un club de pensionnés et un comité de pétanque. Alors, ça va tourner autour des pensions et du sport. On joue sur du velours : augmentation générale des pensions et inscription de la pétanque discipline olympique.
-Comment va-t-il tenir ses promesses pour les pensions ?
-Il a un principe : il ne tient jamais ses promesses !... La routine. Je compare la moyenne d’âge du club des pensionnés avec le temps qui reste de la législature. Le pourcentage des survivants qui se souviendra des promesses du président aux élections est très faible. Quant à la discipline olympique, les jeux ont lieu en Chine. Alors vous pensez, la Chine…
-Vous m’en direz tant !
-Je vous laisse. Il a fini son discours.
-Je ne comprends pas. Il descend de la tribune et on l’entend qui remercie toujours la salle ?
-Oui. Quand il n’y a qu’une demi salle comme ce soir, on fait du play-back, rapport à la fragilité de ses cordes vocales et des courants d’air…

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