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Un sacré culot.

La Noix d’Honneur du Canard Enchaîné devrait revenir à Marco Enric, 84 ans, qui pendant trente ans a raconté à tout le monde qu’il était un ancien déporté de Flossenburg en Bavière, devenant même le président de l’Association des déportés espagnols, alors qu’il n’y avait jamais mis les pieds !
Il n’y a guère, il était dans les écoles à faire des conférences sur ce qu’il avait vécu.
En janvier encore, ce drôle de coco était reçu par les députés du Congrès espagnol, dans un hommage aux victimes du nazisme.
Nul doute que son récit, tant de fois entendu et à chaque fois orné de nouveaux détails ait été salué comme le prodige d’une mémoire douloureuse mais intacte.
Le voilà bien le devoir de mémoire ridiculisé par un vieil homme ! On se doute bien que des « bavures » pareilles font les choux gras des Le Pen et compagnie et porte sur l’ensemble de la tragédie un éclairage de très mauvais aloi.
Cette histoire n’enlève rien aux événements anciens, aux camps et à la barbarie nazie. Elle démontre tout simplement que s’il faut ne jamais oublier les horreurs qui ont été commises, les rappels insistants au lieu de dramatiser les événements, les dédramatisent par une banalisation qui les rabaisse au fait-divers. Certains esprits sont perturbés. Les publications et les films « éducatifs » donnent libre cours aux imaginations compulsives. Du point de vue psychologique, la systématisation de l’intervention en faveur de ce fameux devoir de mémoire produit un effet contraire et maladroit à celui voulu par les autorités.
Ce n’est pas ainsi, après soixante ans, que doivent s’inscrire des faits incontestables et historiques. Ils doivent paraître dans les manuels d’histoire et faire partie des leçons ordinaires, tout comme on parle de la Révolution de 1830 ou la conquête du Congo au nom de Léopold II. Ils doivent être étudiés pour ce qu’ils sont : une réalité incontestable, historiquement avérée et prouvée par des milliers de témoignages dont on garde les traces, mieux même que le sacre de Napoléon 1er ou la conquête des Gaules par Jules César, tant aujourd’hui les documents conservés grâce à la technique sont parlants.
Il n’y a pas que des affabulateurs dont il faut craindre les effets. Le battage excessif et surtout l’exploitation que certains milieux n’hésitent pas d’en faire, sont autant d’agents perturbateurs ajoutés au délire d’affabulateurs pathétiques du genre d’Enric Marco.
Un événement banal illustre mon propos.
La profanation des tombes d’un cimetière juif en Alsace, après avoir fait la Une des journaux pendant une semaine, du genre : « La peste brune est de retour », « Le nazisme rampant », « une vague d’antisémitisme », s’était avérée être la peu glorieuse expédition d’une bande de jeunes en quête d’un « coup ». Interrogés sur la chose, ces voyous en herbe ont avoué n’avoir eu aucune intention raciste.

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Mais autant cette information de la profanation avait été une événement avec manchette, passage à la télé et envoyés spéciaux chargés d’interviewer la population « catastrophée », le drame dénoué n’étant plus qu’un banal fait divers, tout était retombé comme un soufflé. L’épilogue, n’étant plus porteur de sensationnel, était passé presque inaperçu.
Notre société est malade. Son bourgeoisisme s’effarouche de tout ce qui dépasse à gauche comme à droite. Elle frappe les imaginations par son comportement qui crie au loup sans voir sa queue. C’est elle qui fabrique des Enric Marco dans le besoin d’épater la galerie.
On dirait qu’à force d’exorcismes, elle ranime les diables du passé au lieu de les anéantir. Après 60 années au cours desquelles d’autres génocides n’ont pas eu le même écho, le génocide organisé par les nazis, alors que les victimes survivantes et les bourreaux sont morts, semble rester d’actualité comme s’il datait d’hier. C’est à croire que les générations suivantes ont pris le relais, laissant le champ libre à l’imagination des Marco Enric, et pour certains agitateurs, plus dans l’intention de servir des intérêts politiques, que dans un souci de mémoire.
Restons vigilants, bien entendu. Le « plus jamais ça » des slogans est toujours justifié. Mais ne tombons pas dans la paranoïa. Nous ne ferions qu’exciter l’extrême droite, les voyous et les schizophrènes.

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