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La vraie vie.

Emblème de la colonisation des consciences, la télévision ?
Il ne faut pas exagérer la capacité de nuisance de notre outil à décerveler.
On peut fermer le poste et passer à des choses sérieuses.
Seulement voilà, d’autres choix demandent parfois plus de curiosité et d’esprit critique. Après une journée de travail, ce n’est pas si facile.
On a réfléchi assez comme ça au bureau ou sur le chantier.
Dans l’état de somnolence du téléspectateur, la prestation de l’un ou l’autre animal de studio est largement suffisante à combler le vide.
Comme au cirque, Monsieur Loyal, l’animateur maison m’attire moins que l’Auguste, son visiteur.
Le premier justifie ses pirouettes par le salaire que la chaîne lui octroie. Ainsi, la satisfaction qu’il retire de son côté « m’as-tu-vu » est occultée par le besoin de gagner sa vie. S’il en remet une couche, il peut dire que c’est par conscience professionnelle. Mais le second ? Si notre Auguste n’entre pas dans la catégorie des artistes venus faire la promo d’un disque ou d’un film, s’il n’a rien à vendre que sa satisfaction d’être Lui, ce n’est pas par esprit de lucre qu’il est là, mais par l’importance qu’il se donne.
C’est lui le VRP du complot ourdi contre nous.
Omnipotent médiatique, il a ses entrées. Il tire son autorité audiovisuelle de son audimat. Il se duplicate sur toutes les chaînes. Son discours est identique : qu’il soit de Collaro ou de Massimo Gargia, qu’il panouille dans la chansonnette comme Carlos ou dans la nymphette comme Paul-loup ou encore qu’il s’emploie dans la polémique comme Jack Lang, sa présence nous encombre de ses petits riens.
Notre mémoire, ce placard à balais des lieux communs, s’emplit d’encombrants divers. Nous tirons notre futilité du jet-setter. Notre désir, c’est de lui ressembler, d’où la fascination étrange qu’il exerce.
Au bout du compte, notre rapport au monde est son œuvre. Il est l’auxiliaire bénévole d’un pouvoir politique qui a besoin de lui pour nous faire patienter.
Une minorité irritée de l’omnipotence du jet-setter se découvre vertueuse et altruiste. Comme elle n’est pas importante, on lui laisse pratiquer la vertu sans dommage pour l’Etat.
Le gros du public – celui qu’on tient en laisse et qu’on surveille - est admirateur du jet-setter, par le mode de vie qu’il suggère et la façon avec laquelle il méprise le travail, qu’il feint d’honorer, mais dont on sait qu’il ne le pratique pas.

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Le jet-setter tire sa vogue de la grâce d’être l’élu, sans effort ni remise en question. Il est visible qu’il n’en a aucun mérite. La partie de plaisir dure aussi longtemps que son compte en banque. Ex garçon de plage comme Massimo, ou secrétaire poids lourd comme Carlos, les débuts modestes à la portée de tout le monde persuadent que toute chance est égale au départ de chacun d’entre nous. Il suffit de ne pas passer à côté de la chance. Maquereau pour femme finissante, journaliste sportif fourré dans les soutiens-gorge des présidentes de chaînes, chanteur populaire, socialiste de salon, écrivain recommandé par le grand rabbin, ami du prince de Monaco, intime de madame Alain Barrière, tous les débuts n’ont qu’un point commun, personne ne travaille réellement et chacun vit d’expédients, à l’affût de ce qui peut changer la vie. Regardez Steevy de la bande à Laurent Ruquier qui fait sa pelote sur la présentation « originale » de sa personne. Ce type est parvenu à se faire du blé sur la forme de ses caleçons ! Sa position est commode. On n’attend pas de lui qu’il raisonne mais qu’il l’ouvre sur tout, qu’il montre son inculture et ce type de raisonnement qui fait l’unanimité des cons.
Un bilan hâtif montre l’influence qu’exerce sur nous le jet-setter façon 2005.
En gros, la télévision, source exposante du phénomène, n’est pas de ce seul fait un miroir de la société ; mais par l’illusion qu’elle crée, c’est la société qui s’y croit projetée. Et comme toujours, quand on vit dans l’illusion de ce que l’on est, très rapidement on croit incarner la modernité même du monde en marche !..
Aujourd’hui, nous sommes des jet-setters virtuels, ne serait-ce que par l’ampleur du phénomène vacances.
Ce qui nous manque indépendamment d’avoir été maquereau, opportuniste, héritier ou petit ami d’une star, c’est la volonté de nous arracher du fauteuil dans lequel nous sommes vautrés pour éteindre le petit écran.
Sitôt l’image disparue, nous nous rendons à l’évidence : la vraie vie, c’est mieux.

Commentaires

Ravie de connaître l’existence de ton blog! Merci de ton passage et de ton mail, c’est intéressant, je reviendrai

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