« Ecrivain du bord de mer… | Accueil | 21 juillet à Londres, Bruxelles et Liège. »

Drame en direct.

-Tu as les dialogues à distribuer aux comédiens pour le dernier épisode d’« Envoyez la particule » ?
- On n’est pas vendredi.
-Alors quoi ? On est jeudi. Le dernier épisode, c’est demain.
-J’ai une montre calendrier…
-Tu t’en fous. C’est normal. Tu devais recevoir ta lettre de licenciement la semaine prochaine, la direction s’est trompée, d’accord… Mais ce n’est pas une raison pour ne pas finir ton contrat.
- Ce n’est pas la première fois que les comédiens ont leur texte une heure avant le tournage. Ils travailleront au prompteur. Il faut encore que je réfléchisse. Je suis dans une impasse…
-Ce n’est pas le plus grave. Je reçois cent lettres par jour de téléspectateurs qui me demandent le nom de l’assassin ? Et qu’est-ce que tu veux que je réponde, puisque je n’en sais rien.
-J’hésite. Je n’ai laissé que quatre personnages qui auraient pu faire le coup…
-Hier, on m’a cassé un carreau. Le type a été arrêté, c’est un certain Georges Géthe, cafetier. Il a déclaré qu’il était à bout de nerfs depuis deux ans et demi qu’on le traîne dans le feuilleton et qu’il ne sait toujours pas qui a commis « le crime du château de Merdillon » !
-Moi non plus !
-Ah ! je te jure… Tu es pourtant l’auteur.
-Il n’y a que quatre personnes qui auraient pu tuer la baronne Rô de Putt. Je leur ai donné un alibi en béton afin de détourner l’attention du téléspectateur… maintenant c’est moi qui suis emmerdé !
-Et alors, qu’est-ce que ça fout ? Ils auront oublié…
-Penses-tu ? Tu te rappelles Belphégor ? Vingt ans plus tard tu recevais toujours des lettres de menace. Ils voulaient savoir qui avait doublé Juliette Greco dans les scènes avec costume. Ils étaient furieux à cause de la différence de taille.
-Je te parle pas du passé. Je te parle d’un futur rapproché !
-J’avais pensé à un passage secret derrière le grand escalier qui aurait mené à la chambre de Pierre de Fessange. Il serait descendu par là, se serait emparé de l’échelle du jardinier pour monter à l’appartement de la baronne Rô de Putt…
-Voilà la solution.
-Impossible. Dans l’épisode 17, Pierre de Fessange interrogé produit un certificat, il avait une jambe dans le plâtre et se trouvait dans le lit de Chrystelle de Beaupertuis, pile à l’heure du crime, de plus il est sujet au vertige, voir l’épisode 12…
-Avec un jambe dans le plâtre dans le lit de Chrystelle. On peut s’arranger… dire que c’était une fausse fracture, que la Chrystelle qui a le feu au cul a très bien pu se tromper de jour et être avec quelqu’un d’autre et que les vertiges ont cessé chez Fessange à sa première relation sexuelle et pour celle-là, ça doit remonter au cinéma muet… et le tour est joué !
-Non. Il y a une impossibilité technique.
-Oui, laquelle ?
-La chambre de la baronne Rô de Putt est au sommet du donjon qui culmine à 42 mètres. L’échelle du jardinier fait 3m 50 !
-Et si c’était le flic, l’inspecteur Crotenmain qui avait fait le coup ?
-Crotenmain le jour du meurtre finissait une enquête au Népal, pour le compte de la CIA. Enfin, c’est ce qu’on a raconté pour l’innocenter Tu avais fait un montage : les journaux l’avaient photographié au sommet du K2 !... C’est toi qui avais eu l’idée !

feuilleton.JPG

-A l’enfoiré… Pourquoi tu l’as fait voyager celui-là ?
-Pour l’épisode du sexe népalais… Tu te rappelles 3 millions 6 d’écoutes et 32 % de parts de marché.
-Alors, je ne vois plus que Delphine Fat, l’acrobate américaine Elle se serait introduite dans la chambre par les toits.
-Tu es complètement dingue ! On a failli ne pas l’engager rapport à son poids ! Et puis, au moment du meurtre, elle séduisait le milliardaire vietnamien Didi Bradlay.
-Un drôle de nom pour un vietnamien ! Je me demande si t’es un type sérieux ?
-Et si la baronne s’était tuée elle-même ? Ce ne serait plus un crime, mais un suicide ! Pourquoi pas dans le fond ? L’inspecteur Crotenmain se serait trompé depuis le début !...
-Mais tu es fou !... Il est fou… Ce serait l’émeute qu’au bout de 36 épisodes, au 37me on vienne leur dire : « Vous échauffez pas les mecs, c’est un suicide ! »
- A moins que le docteur Cucumane…
-C’est qui celui-là ?…
-Je viens de l’inventer. Un type déprimé qui passait… Il est monté aux étages… couic… puis il est redescendu sans voir personne.
-Mais tu es malade ! Voilà deux ans qu’on navigue avec 12 personnages. Tout le monde se demande qui a fait le coup… eh bien ! non, c’était personne… si, un médecin de campagne qui passait dans sa 2Cv et qui s’arrête devant le château et qui se dit : « Tiens, si j’allais assassiner la baronne ? Ce serait un crime gratuit et je couillonnerais tout le monde, y compris le producteur du feuilleton ! »
-Je ne vois plus qu’une solution. On fait une annonce qu’on ne peut pas diffuser le dernier épisode, ordre d’un juge d’instruction qui a une affaire identique à la nôtre ou…
-Ou ?
-On supprime mon licenciement. On me fait une lettre d’excuse et on me met sur les dialogues « L’odyssée de Culisse » qui doit sortir en 2007.

Poster un commentaire