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Convalescence

-Je m’attendais à plus de compréhension de ta part. Tu vois, Pulchérie, j’ai traversé une mauvaise période…
-Tu parles, ta mauvaise période, comme tu dis, c’est ma maladie… Clodius…
-Justement, tu n’étais plus et tu n’es plus toujours tout à fait la même qu’avant…
-…pour remplir ma double fonction, celle de maîtresse et celle de femme de ménage, si c’est ça que tu veux dire ?
-Tout de suite les grands mots. C’est plus simple que ça. J’ai souffert de te savoir malade et je souffre encore, tu le sais bien, mais après deux années d’apprentissage, je casse toujours des assiettes à chaque vaisselle, mes oeufs brouillés ne le sont pas tout à fait, et sur le carrelage, il y a une croûte de crasse que je ne parviens pas décaper et le lit ne sert plus que pour dormir… si tu vois ce que je veux dire ?
-Et qu’est-ce que tu suggères ?
-… que tu reprennes comme avant toutes tes fonctions, quand nous nous sommes connus.
-Tu veux dire lorsque tu as quitté ta mère et qu’il te fallait trouver une boniche qui ne te coûterait rien et avec laquelle tu pourrais satisfaire tes instincts ancillaires ?
-Qu’est-ce que tu racontes « quitter ma mère » ? Je ne comprends rien…
-Je ne le savais pas non plus, jusqu’à ce que la maladie m’ait ouvert les yeux.
-Tu veux dire qu’elle t’a changé, ta maladie, physiquement, c’est sûr, mais dans ta tête ?
-Complètement.
-Et alors, maintenant que tu as presque recouvré la santé…
-Ce « presque » est admirable…
-…tu vas continuer d’être comme si tu étais encore malade ?
-Bien sûr que non. Mais à l’hôpital j’ai rencontré des femmes formidables et de par leur expérience, j’ai pu comprendre ce que ma vie avant la maladie avait d’humiliant pour une femme.
-Ah voilà ! Je comprends tout. On t’a fourré dans la tête des sornettes sur l’égoïsme masculin. Les maris machos exploitent la femme au foyer, l’esclave domestique, etc…
-Il n’y a pas de honte à entendre ce que tu dis pour une femme, puisque pour une fois tu dis la vérité.
-Puisque c’est ainsi, et si tu persistes, tu sais que je peux te quitter ! C’est la guerre que tu veux ?
-Je ne voulais pas te le dire tout de suite, mais puisque tu en parles, que tu en es au chantage, c’est entendu, tu peux partir.
-Qu’est-ce que j’entends-là, toi la souffreteuse et qui a si souvent besoin que je me relève la nuit pour te chercher un verre d’eau, qui téléphone au docteur Pierret pour un oui pour un non, pour laquelle, régulièrement à l’hôpital, j’apportais un carré de tarte aux pommes, celle que tu préfères ! Tu sais, je ne te menace pas, mais si je voulais… Renée m’attend. Elle me l’a dit. Je n’ai qu’un mot à dire…
-Ça manquait ! Tu me reproches tout ce que ton inquiétude pour l’avenir de ton confort te faisait faire. Voilà, c’est fait. Finalement, je ne te demandais rien. Je finissais par être soulagée quand tu ne venais pas à cause de ton boulot, alors que je savais que c’était à cause de Renée. Mais je ne t’en voulais pas trop, puisque je ne pouvais plus être une femme… Maintenant que ça va mieux, que je récupère, je dis « c’est terminé. » Tu prends la porte, chacun de son côté. Tu refais ta vie avec Renée et moi…
-…et toi ?
-Je refais la mienne… et puis cela ne te regarde déjà plus comment je vais refaire la mienne.
-Tu as quelqu’un ? Hein, tu as quelqu’un ? Je le savais… Tu as trop traîné dans les couloirs de la clinique. Maintenant que tu n’y es plus, on ne t’y a jamais tant vue… Je le savais que ta maladie, c’était bidon sur la fin !... Comédienne…
- Tu ne sais pas ce que c’est que l’amitié, les liens qui peuvent unir des gens dans des situations identiques, souvent désespérées…
-Ne tourne pas autour du pot, tu as quelqu’un !... Parce que tu n’en as rien à foutre des amitiés comme tu dis… Je sais bien ce que sont les hommes. Ils ne pensent qu’à ça !...
-Je ne te le fais pas dire.
-C’est que je t’aime, moi…
-Sans blague !
-Parfaitement, je t’aime !
-Ça tombe plutôt mal pour toi. Moi, je ne t’aime plus.

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-Ah ! l’égoïste… A peine au coin de la rue, déjà un autre chausserait mes pantoufles… Mais je m’en fous de Renée, si tu pouvais reprendre ta place à mes côtés, comme avant. Elle n’a jamais compté pour moi. Dis, Pulchérie, donne un petit baiser à ton gros nounours pour me prouver que tu ne cherches qu’à me faire peur ?…
- Ne me touche pas… Tu entends ? Tu dégages. La maison est à moi. J’y fais ce que je veux. Et justement, ça tombe bien, je n’ai plus envie de faire quoi que ce soit dans le ménage tant que tu y es. Alors, si tu voulais bien me dire la date de ton départ, pour que je rafraîchisse ce que tu as été incapable de faire pendant deux ans ? J’irais même jusqu’à téléphoner pour avoir une camionnette pour tes affaires personnelles : ta chaîne Hi-fi, ton home-trainer, tes chaussures à crampons, tes magazines pornos, ton ordinateur en permanence sur les tchats des putes du webcam, tes rolling-shoes, tes jeux vidéos, tes maquettes d’autos et tes crèmes pour allonger les pénis… tout, je ne veux plus rien voir, et surtout n’oublie pas tes sabres samouraïs et ta collection de « Signal » dans la cave.

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