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Si les larmes servaient de remède au malheur, (1)

Une proposition de devise à l’entrée des bureaux de La Carolorégienne :

On avait beau heurter et m’ôter son chapeau, -
On n’entrait point chez nous sans graisser le marteau.
[ Les Plaideurs, I, 1, Petit Jean ], Jean Racine

Séquence « émotion » à Charleroi avec la supplique de Jean-Claude Van Cauwenberghe à l’adresse de ses deux amis échevins pour qu’ils démissionnent, à l’issue d’un Conseil communal sur l’affaire de La Carolorégienne, cette société de logements sociaux, gérée à la « mords moi le nœud » par un aréopage de trois échevins.

Considérations d’un ordre général qui n’augure en rien des suites de cette affaire sur l’innocence ou la culpabilité des personnes mises en cause.
Cela a toujours été un des points faibles des partis de gauche et des syndicats que d’asseoir des hommes à des postes à notes de frais, émoluments et jetons de présence qui viennent de peu et aspirent à beaucoup.
Qu’on ne se méprenne pas sur ce « qui viennent de peu », ce n’est pas une marque de mépris de je ne sais quelle prétention à talons rouges.
Je ne dirai pas non plus qu’un militant d’humble origine s’inscrit dans la mouvance d’un parti pour en croquer. Ce serait même le contraire. On devient militant par le besoin de dénoncer les injustices et créer avec les gens de bonne volonté une société plus juste et plus fraternelle.
Mais quelques uns ne résistent pas à l’envie de « faire comme tout le monde » dès qu’ils se trouvent mêlés à un monde où l’argent est facile. A voir les salaires que des élus de gauche se votent, aux lucratifs à-côtés, aux voitures de fonction, aux coupe-files et aux passe-droits qui viennent en supplément, on ne sait plus faire la différence avec ceux qui représentent le peuple et le monde industriel et financier censés être l’adversaire.
Alors, on peut comprendre l’affolement devant un niveau de vie auquel on n’aspirait pas et qui n’a rien à voir avec celui que l’on avait avant l’entrée en politique.
Ce basculement n’est pas propre au seul parti socialiste. Mais les conséquences pernicieuses sont le plus souvent dénoncées et font plus de bruit à gauche qu’à droite.
C’est qu’à gauche le paradoxe entre dénoncer la richesse par rapport à la pauvreté générale et s’en mettre en douce dans le gousset peut paraître plus scandaleux qu’à droite où les fortunes ne se sont pas faites par des enfants de chœur, souvent sur plusieurs générations dont parfois la première a échappé à la prison. Enfin, en général, les gens de droite se sont habitués à se faire des ronds en toute légalité dans les gestions de leurs patrimoines. Il deviendrait stupide de commettre quelques modestes escroqueries, sauf si on est la première génération. Il est inutile de leur demander un avis sur la question. C’est comme si on demandait à Al Capone ce qu’il pense d’un voleur de bicyclette.

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Naïf, le débutant de gauche, généralement pressé, oublie toute réserve : on ne peut pas se servir sur une bête malade. Les logements sociaux de Charleroi l’étaient au plus haut point. Un échevin de droite aurait réservé une part décente des rentrées locatives aux réparations indispensables et au confort des habitants. Ce qui ne veut pas dire qu’il aurait mieux géré la chose. En définitive, il se serait peut-être davantage sucré au passage ; mais moins sottement, en intermédiaire adroit entre les entrepreneurs et les fournisseurs et en prenant des précautions élémentaires que l’on apprend en venant au monde dans des familles où « faire de l’argent » est inné. Ainsi le vocabulaire de droite en témoigne : homme d’affaire au lieu d’escroc, bon gestionnaire au lieu d’association de malfaiteurs et enfin politicien honnête au lieu de prévaricateur.
L’histoire du parti Socialiste comme l’histoire de la FGTB fourmille d’exemples de pauvres types qui perdent les pédales devant des millions à gérer.
Jusqu’à aujourd’hui les pointures de ce parti et son mouvement satellite ont plus souvent été des responsables latitudinaires. Combien d’affaires de ce genre ont-elles été réglées à l’amiable sans que les bulles de gaz du marécage remontent à la surface !
C’est que souvent, les dirigeants parvenus l’ont échappé belle. Ils savent combien l’homme est faible devant les liasses qu’il compte et recompte pour les « camarades ».
Ce n’est pas l’affaire de Charleroi qui nettoiera les écuries d’Augias.
La parade est facile. Elle est la même à droite. On prie le maladroit gestionnaire d’aller planter ses choux momentanément ailleurs. Comme tout soupçonné est, en attendant un procès, présumé non coupable, il disparaît des feux de l’actualité parfois un an ou deux. Quand l’abcès se débride en Correctionnelle à peine sait-on ce pourquoi les prévenus ont été condamnés ou innocentés.
On se rappelle les lièvres que la juge Ancia avait levés à Liège dans la foulée de l’affaire Cools. Qui se rappelle encore les noms de ces artistes en fines ciselures comptables du PS ?
On peut tout de suite rassurer Jean-Claude Van Cauwenberghe, ses larmes l’honorent, elles partent d’un bon fond pour des amis en difficulté. Qu’il prenne en exemple son ami Guy Coëme, plébiscité par tout Waremme qui l’adore. Cette condamnation et cette non éligibilité momentanée n’ont en rien affecté sa carrière de grand professionnel de la politique, au contraire, ce coup d’éclairage loin d’avoir été scandaleux l’a propulsé dans une position dominante au sein de l’opinion et du parti.
Evidemment, les échevins de Charleroi sont des lampistes. La manière à la Robespierre dont Di Rupo a réclamé leurs têtes en dit long sur le peu d’intérêt que présentent pour lui ces « petits, ces obscurs, ces sans-grade ! » Au pire, ils rentreront dans leur Administration au mieux, nous verrons si les larmes de Jean-Claude ne sont pas celles du crocodile. Ces échevins maladroits m’émeuvent. Qu’ils se rassurent, il y a toujours eu au PS, qu’il soit de Charleroi, de Liège, ou de Mons, un strapontin d’attente pour les amis en détresse.

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