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Une affaire de famille

Ah ! Que le temps vienne
Où les coeurs s’éprennent !

Tu m’écris, Perdita, de ta plus haute tour.
Ton courriel n’a nul besoin d’un messager sortant d’une sacoche les plis scellés aux Armes d’un bocage dont tu es l’hoir.
Les signes m’arrivent en tons de gris sur fond blanc d’écran, avec le bruissement d’ailes d’un bourdon désoeuvré cognant sur la tôle d’une autre tour, la mienne !
Bizzzzzzzzz fait l’insecte zézayant.
Les repentirs et les apocopes à la plume Ballon de Perdita affleurent dans l’acte électronique, comme une douleur inexprimée aux mots d’une vie en somme agréable, quoiqu’il ne s’y passe rien.
J’y réponds comme madame de Sévigné à la Comtesse de Grignan, avec application.
Cependant avant-hier s’échappèrent de tes doigts flottant sur le clavier les signes qui ne sont pas de bonheur.
J’ai peur de jouer le rôle de Perdican dans ta vie, chère Perdita, celui qui fait le mal sans être méchant, comme dit Jules Lemaitre.
Mais toi-même ne l’es-tu pas en excluant de tout sentiment, celui qui, par ailleurs, te convient autrement ? Induirais-tu par là que chez toi l’amour n’est que d’apparence ?
L’amour est sentiment thétique… L’insensibilité provoque des dégâts collatéraux.
Heureusement que Richard est un bouffon. Il se transforme en l’Illustre Gaudissart, le Murat des commis voyageurs, quand c’est Werther qui geint.
Tu me dis : « Quelle est cette douleur confuse, ce mal léger qui m’empêche de goûter au bonheur sans arrière pensée ? ».
Peut-être, répond le psy, ton milieu t’étouffe-t-il par l’affection qu’il te porte, au point que l’amour te semble un sentiment « gluant » ?
Dans ta mouvance, les gens y sont gentils « entre eux », c’est-à-dire qu’ils sont féroces avec les autres, et ton bon cœur répugne à les dissocier de la multitude. Tu hais à la fois ta condition de petite bourgeoise et, en même temps, tu ne détestes pas vivre dans cette « middle class » comme un bijou dans un écrin douillet.
Peut-être même tout autre vie te serait odieuse ?…
Libre comme le vent, ton menin déteste les gens de ta sorte : les Assis de Rimbaud ; mais il n’est pas de haine absolue que n’adoucisse ton charme…
Tes week-ends sereins sont emplis de présence. A la fois captive et insoumise, tu t’attaches à des tâches qui ne deviennent lourdes que lorsqu’un mauvais génie te chuchote à l’oreille qu’elles te sont un devoir !
Contre tout ce qui est pour et pour tout ce qui est contre, le poids des contradictions sociales t’est insupportable.

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L’essentiel de ton mal gît dans ton fond rebelle. Nous sommes de la confrérie des insoumis !..
Comment ne pas aimer ceux qu’on aime ? Tel est le dilemme.
A mi-chemin entre Emma Bovary et Marie Arnoux, puisses-tu être non pas ce que les autres attendent de toi, mais ce que toi tu souhaites vouloir être..
Sur les chemins de traverse, débarrasse-toi de la reconnaissance « éternelle » pour ce qu’« ils ont fait pour toi », comme si avoir de l‘humanité devait être « rémunéré » par l’allégeance à vie de qui reçoit !
Par exemple, prends mon cas. Tu ne m’aimes pas ? Qu’à cela ne tienne. Pour l’amour de toi, je ne t’aimerai plus non plus. En foi de quoi, il te sera difficile de décourager quelqu’un qui ne te demandera rien. Question que je me pose : qu’adviendra-t-il de nous ?
Tu n’as pas choisi. On a choisi pour toi. C’est le moment de dire à l’engeance agglutinante : allez vous faire foutre !
Et sans doute continuera-t-on de choisir pour toi parce que tu ne peux pas lutter dans le contexte. Tu ne peux pas conquérir une indépendance dans la dépendance.
Tu auras beau voyager, « prendre du bon temps », les vacances sont des temps morts où si tout s’arrête, rien ne se décide.
Tu méditeras ces paroles de Nietzsche : « Pour passer le temps, il a lancé en l’air une parole vide ; et pourtant à cause d’elle, une femme est tombée. »
Et tu n’aimeras que des personnages aux paroles vides…
Comment remonter les fleuves indigo ?
Pauvre Perdita !...

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