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Brûlerons-nous Voltaire ?

Ce titre pourrait être de la pièce de Labiche. C’est moins drôle…
Le fanatisme ou le Mahomet de Voltaire est une tragédie peu connue qui dénonce l'islam et les monothéismes. Que les intégristes en aient boycotté la lecture à Genève l’année dernière n’a guère suscité de polémiques en Europe. Lors des réactions sur les caricatures de Mahomet, nous avons vu les dirigeants de l’Europe soudain se réveiller, arrondir les angles, pensant à leur avenir politique et excusant davantage les protestataires que défendant les citoyens attachés à la liberté. Cette veulerie de nos dirigeants a été surtout ressentie en Belgique moins comme une attitude de conciliation que comme une lâcheté dont nous ne serons pas crédités par les fanatiques que nous ménageons et qui ne rêvent que d’une confrontation de « civilisation ».
En 1741, date à laquelle cette pièce a vu le jour, Voltaire ne prétendit jamais faire œuvre d'historien; il se savait tragédien. Le vieux Zopire, shérif de La Mecque, a eu jadis deux enfants enlevés, par Mahomet. Or, Zopire tient captifs deux esclaves du Prophète, Séide et Palmyre, ignorant qu'ils sont, en réalité, ses propres enfants... Cet argument - l'échange des enfants à l'insu d'un père prêt à venger leur absence - est l'un des ressorts les plus classiques de la tragédie, depuis Eschyle. Il est ici prétexte à un face-à-face philosophique entre Mahomet et Zopire. Mahomet, qui assiège La Mecque, donne le choix à Zopire: revoir les siens ou défendre sa patrie. Zopire, vieillard inexorable, ne fléchit point et, tel le Créon de Sophocle, préfère sa cité à sa descendance. Mahomet, rongé par la haine, convainc alors le jeune Séide d'assassiner Zopire, son propre père: «L'amour, le fanatisme, aveuglent sa jeunesse; il sera furieux par excès de faiblesse.» Derrière l'histoire, la satire. Voltaire désigne, la vertu comme principal ressort du fanatisme. Sous sa plume, Mahomet apparaît comme un nouveau César, un stratège qui sait que l'Empire romain n'est plus, que la Perse est vaincue, que l'Inde est réduite en esclavage, l'Egypte abaissée, et que Byzance s’éteint... L'heure de l'Arabie est arrivée: «Il faut un nouveau culte, il faut de nouveaux fers; il faut un nouveau dieu pour l'aveugle univers.» Sa religion, Mahomet la voit donc comme une politique. Il ne croit pas aux dogmes qu'il impose au peuple, mais sait que ce dernier les épousera avec la fureur des fanatiques. Le Mahomet de Voltaire revendique le droit de berner le peuple pour peu que ce soit avec grandeur. Il sert un dieu qui s'appelle Intérêt et auquel Voltaire oppose l'Equité. Une charge contre l'islam. Mais aussi contre toute forme d'impérialisme. Force est de constater que Voltaire n’est pas si éloigné d’une réalité que les événements récents nous confirment. Plus en Orient qu’ailleurs, les peuples ne font pas les Lois et ce ne sont pas les meilleurs, mais les pires qui poussent les musulmans sincères et pacifiques à l’irréparable. Il est regrettable qu’en Belgique personne n’ose avoir un langage de fermeté à l’encontre d’un fanatisme religieux qui ne peut aboutir qu’à des excès. En dénonçant les assassins avec vigueur, il serait plus facile d’en dissocier la majorité pacifique des musulmans.
La scène est à la Mecque : Zopire, Phanor.
Zopire.
Qui ? Moi, baisser les yeux devant ses faux prodiges !
Moi, de ce fanatique encenser les prestiges !
L' honorer dans la Mecque après l' avoir banni !
Non. Que des justes dieux Zopire soit puni
si tu vois cette main, jusqu' ici libre et pure,
caresser la révolte et flatter l' imposture !
Phanor.
Nous chérissons en vous ce zèle paternel
du chef auguste et saint du sénat d' Ismaël ;
mais ce zèle est funeste ; et tant de résistance,
sans lasser Mahomet, irrite sa vengeance.
Contre ses attentats vous pouviez autrefois
lever impunément le fer sacré des lois,
et des embrasements d' une guerre immortelle
étouffer sous vos pieds la première étincelle.
Mahomet citoyen ne parut à vos yeux
qu' un novateur obscur, un vil séditieux :
aujourd' hui, c' est un prince ; il triomphe, il domine ;
imposteur à la Mecque, et prophète à Médine,
il sait faire adorer à trente nations
tous ces mêmes forfaits qu’ici nous détestons.

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Que dis-je ? En ces murs même une troupe égarée,
des poisons de l' erreur avec zèle enivrée,
de ses miracles faux soutient l' illusion,
répand le fanatisme et la sédition,
appelle son armée, et croit qu' un dieu terrible
l' inspire, le conduit, et le rend invincible.
Tous nos vrais citoyens avec vous sont unis ;
mais les meilleurs conseils sont-ils toujours suivis ?
L' amour des nouveautés, le faux zèle, la crainte,
de la Mecque alarmée ont désolé l' enceinte ;
et ce peuple, en tout temps chargé de vos bienfaits,
crie encore à son père, et demande la paix.
Zopire.
La paix avec ce traître ! Ah ! Peuple sans courage,
n' en attendez jamais qu' un horrible esclavage :
allez, portez en pompe, et servez à genoux
l' idole dont le poids va vous écraser tous.
Moi, je garde à ce fourbe une haine éternelle ;
de mon coeur ulcéré la plaie est trop cruelle :
lui-même a contre moi trop de ressentiments.
Le cruel fit périr ma femme et mes enfants :
et moi, jusqu' en son camp j' ai porté le carnage ;
la mort de son fils même honora mon courage.
Les flambeaux de la haine entre nous allumés
jamais des mains du temps ne seront consumés.
(La suite dans toutes les bonnes librairies.)

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