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Gare Centrale.

Certains commentaires de faits-divers sont particulièrement difficiles, surtout lorsqu’ils atteignent les jeunes et les personnes âgées.
Le meurtre d’un adolescent de 17 ans à la gare centrale de Bruxelles, comme l’agression dont a été victime un autre jeune de 19 ans à Charleroi, avaient pour objet un MP3 « MPEG Audio Layer 3 », une nouvelle « petite merveille » de technique qu’un ado se doit d’avoir, à défaut de quoi il passe pour un ringard !
Parfois on arrache un sac dans l’espoir d’y trouver beaucoup de sous. Ici, la valeur de ce gadget à la mode varie entre 27 et 150 euros, neuf, évidemment, comme le font remarquer toutes le publicités.
Ce n’est pas nouveau que l’on puisse perdre la vie pour une poignée d’euros, mais que le meurtrier sache à l’avance qu’il tue peut-être pour moins de 50 euros, est consternant.
Là-dessus les journaux sortent les statistiques habituelles au nom desquelles la délinquance n’est pas en augmentation, on peut l’admettre ; ni que les gares et arrêts de bus soient moins sûrs. C’est fort possible.
Qu’écrire à chaud sans perdre son sang-froid, qui ne soit pas accablant pour le voyou qui tue pour un gadget, dans un souci de comprendre et de juger sereinement ? Peut-être est-il aussi un jeune à l’esprit dérangé par les publicités, poussé par le désir violent de la possession de ce que des adultes inconscients vantent sur des affiches et sur des magazines comme le must des musts ?
Certes, faut-il évidemment l’arrêter rapidement. Psychopathe, immature ou « barbare » ce jeune dans la nature est un danger permanent pour tout le monde.
Reste que si ce voyou est un étranger venu du Maghreb, tandis que les journaux vont se retenir au bord d’une démangeaison raciste, les gens de la rue, eux, ne s’en priveront pas. Le scabreux, c’est que les statistiques, encore une fois, auront toutes les apparences de leur donner raison, si l’on oublie l’inconvénient d’être né pauvre et à l’étranger, dans un pays riche et égoïste.
C’est égal, penser que cette fine ordure est peut-être en train d’écouter la musique que sa victime avait enregistrée, et si le produit de son crime est en versions 5 et plus permettant de visualiser des vidéos en format Windows Media Player AVI, peut-être regarde-t-il les photos des dernières vacances du malheureux !
Ce fait-divers crapuleux donne un aperçu de l’extrême couardise de ceux qui ont vu se perpétrer un crime en pleine heure d’affluence sans intervenir. Couardise ou lâcheté, allez savoir ? Les deux sans doute, dans un monde où chacun ne s’occupe plus que de ses fesses, laissant aller les choses – surtout ne t’en mêle pas tu vas t’attirer des ennuis – selon le principe même du « chacun pour soi » de la société de consommation.

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Certes ce drame n’est pas le premier du genre. Il a même été suivi d’un autre à Charleroi qui heureusement s’est moins mal terminé. Et sans doute, y en aura-t-il encore d’autres à l’avenir qui égaleront ou surpasseront dans l’odieux et dans l’horreur celui de la gare Centrale ; mais, on ne peut s’empêcher de râler devant le gâchis tragique de la fin de cette jeune vie-ci.
Evidemment, l’opinion fait toujours bouger les choses : les gens apportent des fleurs sur les lieux du drame, peut-être même y a-t-il parmi eux, ceux qui ont vu tomber la victime sans intervenir ? Des amies et amis sincères de la victime versent une larme devant les caméras. Les journaux focalisent les pleurs et les grincements de dents. Le premier ministre a envoyé un mot de soutien aux malheureux parents, sans doute était-il sincère. On aura un bout du cortège funèbre à la télévision, tandis qu’on nous assurera que la police est sur les dents. Mieux, à l’heure où s’écrivent ces lignes, a-t-on déjà coincé le petit salaud qui tue pour si peu…
Comme toute chose, les bonnes résolutions une fois la pâte retombée, resteront lettres mortes. Les fleuristes attendront la prochaine horreur pour vendre les roses au compte-goutte, comme le font toutes les nuits, d’autres « étrangers » plus pacifistes, qui les vendent à la pièce à chaque table de restaurant, pour juste de quoi nourrir leur famille.
On finira par dire de ce drame-ci, comme pas mal d’autres, c’est la faute à la fatalité. Se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, c’est le hasard…
Eh bien ! non, ce n’est ni la fatalité, ni le hasard. Ce gamin est mort de notre faute. Ne sommes-nous pas les responsables de la société que nous aurions dû lui léguer heureuse et pacifique et que nous avons faites à la façon d’un coupe-gorge où l’arnaque et l’exploitation sont érigées en valeurs démocratiques ?
N’attirons-nous pas les populations du dehors de la Communauté européenne par les faux semblants d’une prospérité apparente et qui cache bien la misère d’une grande partie de la population, au point que d’Afrique, du Maghreb, d’Asie et d’ailleurs affluent des familles entières qui s’engluent comme des mouches sur les leurres de notre système social ?
Faut-il s’étonner qu’à nos voyous, se joignent les leurs, déboussolés ?

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